La semaine dernière, nous avons rencontré David de Fragile afin d’en savoir plus sur ce projet musical dont le premier EP Smile(s) vient tout juste de voir le jour. Une discussion pour mieux cerner ce nouveau projet mystérieux, en fait pas si nouveau et mystérieux que ça… On vous laisse découvrir !
> Pouvez-vous nous présenter le projet Fragile, nous dire comment il est né ?
Il est né par hasard. Je suis auteur-compositeur, j’écris depuis mes 10 ans environ. Je jetais les mots que j’écrivais, je n’avais pas encore trouvé d’intérêt. Un jour, c’est un ami qui a vu les bouts de papier dans la poubelle. Il m’a dit de les garder au cas ou. Il y avait aussi des textes déchirés dans des bouquins, ce qui n’était pas très cool pour mes parents. (rires) Ma maman avait une machine a écrire sur laquelle elle écrivait des poèmes quand elle était plus jeune. Donc elle me l’a prêtée et, plus dans un soucis de propreté en fait parce qu’il y en avait partout, j’ai retapé les mots intéressants et c’est devenu de la prose.
Ensuite, le processus qui s’est produit c’est qu’à l’origine j’avais une formation de batteur et je travaillais avec un ami guitariste. Il m’a proposé de jouer dans un groupe qui marchait pas mal à l’époque, parce qu’on avait une belle histoire d’amitié. Et pourtant, on n’écoutait pas du tout la même musique. On a commencé à travailler et on s’est retrouvé avec 5/6 morceaux sans texte. De temps en temps on s’amusait à en réciter, souvent du Victor Hugo, sur la musique, à la bougie jusqu’à s’endormir sur le canapé. Un jour il m’a demandé pourquoi on essayerait pas de mettre mes poèmes dessus et c’est ce qu’on a fait. C’était très conceptuel. Je me souviens qu’il y avait un morceau en trois parties qui s’appelait Thèse-antithèse-synthèse. Trois titres qui duraient 15 minutes en tout, sur lesquels je faisais de la déclamation de poème. C’était un peu comme du slam, sauf qu’à l’époque on disait juste de la poésie parlée/chantée. Le point de départ c’est ça.
> Cela fait maintenant quelques années que Fragile existe mais votre premier EP sort seulement maintenant. Qu’avez-vous fait pendant ce temps ? De la scène ?
Oui, on a fait une pause surtout. Une longue pause de quasiment quatre ans pour faire cet EP et enregistrer beaucoup de titres en vue d’un album. Mais avant on faisait presque que de la scène et des maquettes.
> Et pensez-vous que la scène vous a apporté une expérience importante pour la suite, le studio ?
Je ne sais pas trop. Je pense que la scène est la meilleure école pour apprendre ce métier, même si pour certains instruments il faut avoir un minimum de formation. Après certains vous diront que ça joue, ou ça joue pas. Pour reprendre ce terme un peu bizarre, ça joue veut dire que ça crée une émotion. Mais il y a tellement d’autres choses qui font que la musique fonctionne, comme les gens qu’on rencontre et avec qui on a envie d’être. Enfin, je pense qu’il faut quand même avoir un minimum de bagages avant de monter sur scène. Par contre, ce que la scène va apporter c’est de la confiance en soi. Je crois que c’est sur scène que j’apprécie le plus le moment présent parce que je n’ai aucune notion du temps. On peut jouer le même morceau 5/6 ans plus tard, techniquement ça ne sera pas plus compliqué, mais la petite différence ça sera les dates qu’on aura déjà faites qui feront qu’on sera moins angoissé en montant sur scène. Le studio et la scène sont deux univers complètement opposés. Ce n’est pas du tout les mêmes émotions, le même fonctionnement. Je préfère la scène. Il y a un partage avec les gens, on est plus instinctif. Lorsqu’en studio, il y a un cadre, des musiciens, des horaires, des gens qui s’occupent de vous pour l’hôtel, la nourriture, le matériel. On n’a pas forcément le choix d’avoir de l’inspiration quand on veut. Quoique nous on a eu de la chance d’avoir le studio nuit et jour pour travailler. On a arrêté de faire de la scène uniquement parce qu’on n’avait pas le temps de faire les deux. Il fallait vraiment qu’on fasse une pause et qu’on prenne le temps d’écrire des morceaux au lieu d’écrire vite fait pendant qu’on tourne ou le week-end en répétition. On avait envie et besoin de faire quelque chose de plus abouti.
> Et maintenant que l’EP est prêt, est-ce que vous pensez repartir sur scène ? Il y a-t-il des dates de programmées ?
Oui, on meurt de faim ! Ça nous a beaucoup manqué. Je pense qu’on va tourner en électrique à la rentrée. On a peut-être une date le 18 juin au Gibus à Paris qu’on vient de nous proposer. Partager la scène avec un petit groupe qui fait une sortie d’EP aussi, dans un petit club, pourquoi pas. Un petit set de 20/30 minutes pour s’échauffer.
> Des anecdotes, des beaux souvenirs à raconter sur les dates que vous avez déjà jouées ?
Politiquement correct, ou politiquement incorrect ? (rires)
> On peut tout dire !
Restons sur les bons souvenirs. Le festival Chauffer Dans La Noirceur. On a une affection particulière avec toute l’équipe, et le reste de la programmation, c’est comme une famille. C’est tout simplement génial d’aller dans un endroit en France où on n’était encore jamais allé pour pouvoir jouer notre musique, de descendre du camion et de voir ces musiciens qui courent au bar découvrir les produits locaux, le cidre, l’alcool, avant même de monter les instruments sur scène. Sympathiser avec les gens, rester avec eux 2/3 jours, et voir qu’on partage des valeurs communes, c’est magique. Et puis, jouer sur scène avec l’océan juste derrière, au coucher du soleil, il y a pire comme condition ! C’est un super souvenir.
Après il y a les souvenirs qui sont plus dans la qualité technique, l’accueil de la salle, le son. Mais il y a aussi les concerts dont on ne se souvient pas comme un concert au Bateau Ivre à Tours. Par contre je n’arrive pas à me sortir une image de la tête, parfois j’en rêve encore la nuit. Je revois une petite fille de 13/14 ans qui est venue me demander un autographe avec sa maman. Je revois exactement où on était, le nombre de personnes qui restaient, le guitariste qui discutait avec quelqu’un d’une cinquantaine d’année qui passait là par hasard et qui a dit « J’adore votre musique, ne vous arrêtez pas ! ». C’était très émouvant.
> Ce sont les souvenirs comme ça qui donnent envie de continuer.
De signer des autographes non, mais de voir une petite fille qui vient vous en demander un, oui. C’est assez émouvant, ça veut dire que ça l’a touchée, même à son âge. Je ne pense pas qu’on lui ait donné de l’argent pour ça ! (rires) L’enfance et l’adolescence sont des moments fragiles, il faut en prendre soin, être vigilent. On est beaucoup plus marqué par ce qu’on vit durant l’enfance, que ce soit positif ou négatif et ça nous construit pour le futur. Donc oui je pense que vivre un concert avec un groupe un peu rock, donc plus actif sur scène, à l’âge de 13 ans et aller demander un autographe après, c’est que forcément ça a touché. Peut être qu’elle reviendra dans quelques années en disant « C’était moi. Je veux un autre autographe » !
> Est-ce qu’il y a des endroits dans lesquels vous rêvez de jouer ?
Jouer non, parce que je ne sais pas si on a une grande ambition, enfin en tout cas elle me paraît saine. Je n’ai pas envie de jouer devant des milliers de personnes, par contre aller jouer ailleurs, oui. De savoir que par exemple, hier on a fait une radio sur RFI qui a été diffusée dans le monde entier, c’est quelque chose. Ce n’est pas une question d’être valorisé en tant que personne, ce n’est pas de savoir qu’on va être écouté quelque part en Ouzbékistan qui est gratifiant, c’est de savoir que par hasard on va peut être toucher quelqu’un à l’autre bout du monde qu’on ne verra certainement jamais. Et là on se sent un petit peu utile, voire compris parce qu’il y a un échange. On n’a pas l’impression de faire ça pour rien. On nous a beaucoup dit, dans l’entourage, que notre projet était fait pour être joué à l’étranger. J’aimerais bien qu’il y ait une petite voix qui les entende.
> Pensez-vous que justement, avoir des chansons en anglais permet d’avoir plus d’accès sur l’internationale ?
Je ne sais pas. En tout cas, il n’y a aucun calcul là-dessus.
> Vous composez dans la spontanéité, et donc certaines de vos chansons sont en anglais, d’autres en français. Comment expliquez-vous le fait que certains mots, certains textes vous viennent mieux en anglais ?
Je vais casser le mythe et être super basique dans ma réponse. Vous pratiquez un art, un instrument ? Est-ce qu’à un moment, vous ne sortez pas du côté éducatif de la pratique pour vous laisser aller ? C’est là justement qu’il se passe des choses. C’est exactement ce qui arrive derrière le piano, on ne calcule pas. On va l’ouïr très facilement si on n’est pas spontané et sincère. On improvise, parfois on appuie sur n’importe quelle touche. En suivant ces accords, on a envie de parler, de chanter. Après il y a aussi tout le reste qui joue ; l’humeur, le moment, ce qu’on a mangé la veille, vraiment tout.
Mais naturellement quand même, plus c’est mélodique, plus ça vient facilement en anglais. En tout cas pour Fragile. Pareil, si on prend du Radiohead ou du Coldplay, donc des groupes très mélodiques, je veux bien défier quelqu’un d’essayer de chanter en français dessus ! Et inversement. En français viennent plus des textes avec en tête l’envie d’évoquer un moment. Je ne sais pas, il y a une odeur, quelque chose et ça te transporte, te donne envie de raconter une histoire.
> Vous-vous dévoilez très peu, que ce soit dans votre biographie, dans vos visuels, et pourtant vos textes sont autobiographiques. Comment expliquez-vous ce paradoxe ?
C’est une limite, et il en faut. Pourquoi ne pourrait-on pas écrire un texte en toute intimité , avec de la pudeur ou pas, et ne pas avoir droit de le faire écouter sans devoir venir se justifier sur qui on est ? Et puis, je recommande à tout le monde de laisser sortir ses émotions. Personnellement, je le vis mal sinon, et ce n’est pas constructif. Il y a un titre effectivement très direct, qui a été fait il y a longtemps en piano/voix et qu’on a transformé parce qu’on le voulait plus expressif avec des guitares et de la batterie. Celui-là, on ne le jouera pas sur scène, parce qu’on en a pas envie. C’est l’idée de composer des titres non pas pour forcément les interpréter sur scène, mais parce qu’il y a ce besoin viscéral que ça sorte. On ne peut pas faire autrement, c’est un besoin, une sorte d’humiliation, sinon ça reviendra et ça ne nous lâchera pas. Donc ça ne me paraît pas contradictoire. Ce qui est important, c’est juste que la musique soit un vecteur et qu’une personne ressente quelque chose, que ça lui parle, qu’elle se sente comprise. En live, il y a un espèce de soulagement, une compréhension quand des gens nous disent « Je croyais que j’étais le seul à penser tout ce que vous avez dit sur scène ». On a écrit un morceau et c’est ce qu’ils auraient eu envie de dire. C’est suffisant, on ne cherche pas à défendre un petit projet mystérieux, on vient juste présenter notre musique.
> Vous-vous considérez plus comme un projet artistique que comme un groupe.
Déjà, j’aimerai bien savoir ce qu’est un groupe. A partir de deux ? On est un binôme pour composer alors on pourrait dire qu’on en est un. Mais quand je vois la supériorité numérique de personnes qu’il y a derrière et qui travaillent sur le projet, je trouverais ça extrêmement arrogant de dire qu’on est un groupe.
> C’est donc un projet fait de collaborations. Il y a-t-il des artistes avec qui vous aimeriez collaborer ?
En fait, c’est plutôt des gens que j’aimerais rencontrer, que des artistes avec qui j’aimerais collaborer. De savoir comment ils composent, d’avoir leur vision des choses. Mais travailler avec des musiciens, des artistes « connus », pas spécialement non. Je suis très bien avec les gens avec qui je bosse. Il y a le chanteur Cali qui nous a beaucoup aidés et qui a fait des chœurs sur un titre. Mais ce n’est pas forcément quelque chose qu’on valorise. On le remercie au même titre que n’importe qui. Sinon, penser rencontrer des gens aux quatre coins de monde serait cool mais peut être un peu ambitieux. Quoique on a bien mixé avec quelqu’un avec qui on n’aurait jamais cru faire ça, alors pourquoi pas, il ne faut rien s’interdire !
> Vous avez choisi le nom Fragile car c’était le titre d’une de vos chansons je crois. Celle-ci n’est pas sur l’EP. Est-ce qu’on la retrouvera sur un future album ?
Non, c’était un accident dû au processus du bout de papier ; on écrit, on jette, on assemble, on essaye sur la musique. On n’avait jamais pensé à monter un groupe, on n’était pas encore sûr de nous, de là où on voulait aller, de ce qu’on voulait faire. Ça s’est fait un peu laborieusement. On s’est dit qu’on devrait peut être enregistrer nos idées pour ne pas les oublier. Donc on a enregistré. On a monté notre club de répétition dans un grand hangar où quelqu’un louait du matériel et nous a accueilli. Il nous a dit qu’il connaissait des gens qui pourraient peut être nous donner un coup de main, mais il fallait avoir un disque. Donc on a fait une maquette. Pour le titre des chansons, on a pris ce qui était le plus représentatif dans les textes. Puis on a regardé le nom des huit titres, et on a choisi ce qui ressemblait le plus à un nom de projet. On s’est dit que Antithèse, ça sonnait pas, Après l’orage non plus. C’est comme ça qu’on a pris Fragile. Mais je me doute bien qu’il n’y a pas de hasard là-dedans, que d’une certaine façon ça correspond un peu au groupe.
> Votre premier EP voit tout juste le jour. Comment vous sentez vous ?
Plutôt impatient de revenir sur scène. Bon après, il faut faire ce qu’il y a à faire pour une sortie d’EP, travailler, être disponible, même si nous on a la chance d’avoir une distribution nationale. Et puis, il y a quand même toute une équipe derrière nous donc on n’a pas plus d’angoisse que le fait d’avoir un job au quotidien.
> Quand on écoute cet EP, il y a beaucoup de styles musicaux. Il y a des moments assez calmes au piano, d’autres plus rocks, et sur le titre Tuer le temps la façon de chanter m’a fait penser à du rap. Comment expliquez-vous cette variété de styles musicaux ?
C’est bien que vous ayez remarqué la différence. Je ne voulais pas garder Tuer le temps. Mais comme on est un projet collaboratif, et qu’il n’y a donc pas que le chanteur qui décide, mon bassiste et la manageuse ont insisté pour le garder. J’ai quand même l’autorisation de ne pas le jouer sur scène. Je ne voulais pas le garder parce que effectivement, musicalement il faut prendre ce titre comme quelque chose d’immédiat qui a été écrit et joué en dix minutes. Je l’ai écrit avec beaucoup de sincérité, mais il fallait aller à l’essentiel. Tandis que sur un morceau comme Smile(s) on a pris plus de temps en studio. Il est plus travaillé et abouti. Je ne dis pas que maintenant le côté immédiat n’est plus là. Il y a un moment piano/voix d’une minute, qui est sur l’EP il me semble, et qui a été écrit dans un train en quelques minutes, fait en une seule prise et n’était pas du tout prévu à la base. Mais Tuer le temps a été composé il y a très longtemps en répétition avant de partir en tournée. Donc dans des conditions live. Et puis peut être aussi que maintenant je chante plus qu’avant où ce n’était que parlé, puisque je partais de poèmes.
> Donc il se peut qu’à l’avenir vous évoluez avec des influences d’autres styles musicaux ?
Complètement. On ne calcule pas donc il se peut que le prochain disque ne soit que du piano/voix en français, ou un bon disque de rock.
> Alors dans vos chansons justement, vous parlez beaucoup du temps. Quel est votre rapport avec le temps ? Vous vivez plus au jour le jour ?
On a essayé de me faire rentrer dans le crâne que le temps n’existe pas, que c’est une valeur. J’y travaille tous les jours mais je suis entêté et je n’y arrive pas. Je vis depuis très jeune avec une angoisse énorme sur la notion du temps. Je ne vais pas rentrer trop dans les détails mais depuis mes 8/10 ans j’ai l’impression que je suis vieux et que je vais mourir demain. Et aujourd’hui, vers 30 ans, je me rends compte que le temps passe vite. C’est stupide en fait, j’ai l’impression de ne pas en profiter, que mes 10 ans étaient hier. Ça peut encore me procurer une angoisse par moment, mais aujourd’hui je réfléchis moins et j’essaye de bien vivre le moment présent.
> Vous-vous définissez vous même dans votre biographie comme « une réaction à l’insensibilité du monde qui nous entoure ».
Oui et on me le prouve tous les jours. L’évolution de la société en cinq ans est terrible. Je me dis que pour ceux qui durant ces cinq ans, sont passés de 15 à 20 ans et n’ont donc pas eu trop de notion de ce qui se disait avant, ça doit être encore plus terrible. Parce que pour eux, c’est la normalité ce qui se passe aujourd’hui. On est dans l’individualisme. Vous avez vu la petite vidéo qui circule sur Facebook dans laquelle un jeune homme a une prise de conscience et l’affiche de manière intégrale et très claire ? Il dit ce qu’on pense depuis longtemps des réseaux sociaux. Personnellement, j’ai une page Facebook que j’utilise pour la boîte. Je n’en ai pas à mon nom, je me refuse complètement d’avoir des relations avec des amis sur ce type de fonctionnement. Je pense qu’au final, ça n’a fait que nous perdre. Je reconnais que j’ai l’utilité d’avoir une page Facebook, un blog ou autre pour contacter ma famille mais à New-York, en Guyane, à la Réunion. Je pense que ça, ça perd complètement la nouvelle génération qui passe à côté des choses de la vie. Cette petite vidéo, je l’ai trouvé hyper pertinente.
> C’est une nouvelle dimension virtuelle.
Complètement ! Où sont les moments où on fait un barbecue, où on va se promener le week end avec de la famille, des amis ? Le pire est que c’est maladif. Même moi je le reconnais, je vais allumer mon ordinateur, je vais ouvrir l’onglet Internet, je vais taper « F » en premier. Alors que je suis peut être déjà allé sur Facebook la veille au soir. C’est difficile, parce que même en étant un peu plus âgé, donc en ayant vécu une petite période dans ma jeunesse sans Internet, j’ai moi aussi du mal à m’en séparer. Je pense que ça peut avoir une utilité professionnelle, je trouve ça vraiment intéressant quand les gens partagent un événement, un concert à aller voir. Mais le problème c’est que c’est vicieux, il y a un côté calculé pour, qui nous incite à aller connaître la personne, et tout est mélangé. Donc oui pour résumer, on est complètement dans l’égoïsme parce que les gens sont plus inquiets pour eux, ont peur et vont chercher à se protéger comme ça. Je ne suis pas convaincu que rester chacun dans son coin, à protéger le peu de choses qu’on ait soit la bonne manière. Je pense que si on était plus dans le partage, à rencontrer des gens, dans la « vraie vie », ça serait mieux.
> Pour revenir sur le projet artistique, lors de la soirée de lancement de l’EP à Bordeaux il y avait également une exposition. Pouvez-vous nous en dire plus là-dessus ?
On avait rencontré le photographe Laurent Seroussi sur scène il y a quelques années. Il avait proposé de faire des photos pour nous. Il fait passer des messages avec l’image sur des sujets comme la politique, l’amour. C’est très métaphorique comme travail et c’est pour ça qu’on s’est retrouvé artistiquement parlant car on fait de même avec notre musique. Il s’est passé environ six ans pendant lesquels on est resté en contact, avant qu’on s’y mette. Il s’est rapproprié le projet et a proposé de le rentrer dans sa série de photos Jacob, qu’il travaille dans le temps avec un acteur qu’il met dans différents décors. Ce ne sont donc pas des travaux qui sont faits dans l’optique d’une pochette de disque. Ensuite, il a proposé l’idée des néons parce que c’était simple, et puis le côté ombre/lumière fonctionne bien avec le projet. Du coup dans l’exposition, il y avait des œuvres qu’il avait réalisées il y a déjà plusieurs années, d’autres plus récentes et des photos qui sont utilisées pour l’EP. Dans le livret douze pages, on a une série d’à peu prés six photos avec Jacob dans différents endroits et avec des néons qui forme des mots représentatifs des textes de Fragile.
> D’où vient cette envie d’étendre votre univers artistique au-delà du simple aspect musical ?
Il y a une étape quand on a fini de faire l’album où on se demande quelle image il va y avoir dessus. Tiens, ça me donne une idée… ça pourrait être bien de faire un concept sans pochette. Ou juste une pochette blanche avec marqué Fragile dessus et laisser les gens rêver. Mais je ne sais pas si ça leur suffirait , où s’ils ne seraient pas déçus. Il faudrait faire un sondage. Ou alors demander aux internautes de proposer une photo par morceau et faire un grand patchwork. Faire un album avec des dizaines de personnes différentes, aux quatre coins du monde ou de la France, ça serait super ! En fait, la question me replonge vraiment dans le stade « Ah on a finit le disque. Comment va être l’image ? La pochette ? « . Pour le coup, on s’est laissé guider. On aurait pu faire autre chose, Laurent avait déjà eu des idées par le passé, dont une qui me plait beaucoup et que j’aimerais beaucoup réaliser pour le prochain album. Mais je suis obligé de me taire, sinon après il n’y aura plus rien à découvrir !
> Dans l’idée de l’extension de l’univers artistique, en ce moment il y a un nouveau concept que plusieurs groupes mettent en pratique. C’est de sortir un album qui sert de BO à un moyen-métrage que le groupe à lui-même décidé de réaliser. C’est ce que vient de faire le groupe Archive avec son projet Axiom, et d’autres groupes ont également annoncé qu’ils allaient mettre ça en pratique. Est-ce que c’est quelque chose qui vous tenterait ?
C’est des choses qui ont déjà été visitées par le passé, qui nous ont toujours tentés. Un jour on a essayé de faire ça sous forme de « documentaire », c’était fait de façon artisanale, rock’n’roll on va dire, mais ça ne fonctionnait pas très bien. On se filmait nous-même, en partant en tournée, dans le camion,… Mais sur le projet finalement, je pense qu’il vaut mieux montrer que ce qui concerne l’artistique, le musical.
Vous avez-vu Sound City ? C’est un super reportage qui a été fait il n’y a pas très longtemps par Dave Grohl le batteur de Nirvana, sur le studio légendaire qui a fermé aux Etats-Unis. Nirvana a enregistré là-bas, les Red Hot, la génération des années 90. Il a décidé d’acheter la console du studio et de raconter son histoire. C’est émouvant parce qu’on voit des gens partis de rien qui croyaient juste en la musique. Il n’y avait pas d’argent, puis du jour au lendemain il y a un groupe qui arrivait et ça sauvait le studio. Il a retracé tout ça avec beaucoup d’émotions et d’élégance. Dave parle vraiment de lui, du studio, la façon dont il a enregistré. On sent la vie du studio. Il nous fait vivre ce qu’on n’a pas vécu, tout ce qu’ont traversé ces personnes.
Si c’est pour expliquer le projet en lui-même, sortir une vidéo après une tournée avec un titre ou deux de plus qu’on aura composés pendant ce temps, là ça peut être intéressant. Mais il faut que ça reste dans l’artistique. On a déjà eu des idées comme ça, mais on a jamais su faire ou bien faire. Je pense qu’il faut aussi un minimum de moyens, ou alors un petit génie. Mais aujourd’hui, sans visuel, tu n’es rien sur scène. Je me souviens qu’en 2005/2006, notre guitariste qui avait fait les Beaux-Arts avait fait une superposition avec des mélanges, des diapositives, des choses qu’il peignait et on projetait ça sur un drap blanc. Dès qu’on pouvait, on mettait ça en place. Ça demande un travail en annexe important, mais je n’exclue pas l’idée qu’on le refasse. On avait même le projet de faire du mapping. On a des millions d’idées par jour mais qu’on ne peut pas forcément réaliser pour le moment car il faut quand même avoir une certaine maîtrise de l’image. On aimerait faire quelque chose d’interactif avec le public. Il y a deux précurseurs en France qui font ce principe là, où avec des capteurs on fait bouger nous-mêmes des images. On avait commencé à entrer en contact avec eux. On voulait faire en sorte que le public, en levant un bras, puisse faire bouger des images, faire décoller un vol d’hirondelles. Puis en fait, nous n’étions pas disponibles en même temps, et on ne les a finalement pas relancés. Mais faut me freiner un peu là, car si je vous dit toutes les idées qu’on a, déjà vous allez vous dire « Mais ces quoi ces artistes qui n’ont même plus de limites ? » et en plus il n’y aura plus d’effet de surprise ! (rires) Voilà, après ce qu’on fera va dépendre des rencontres, des artistes qu’on va croiser. On verra bien !
> Maintenant, on a encore plus hâte de découvrir comment Fragile va évoluer musicalement et artistiquement. On espère que les rencontres que vous ferez feront aboutir certaines de vos idées. On vous souhaite bon courage pour la suite, et merci pour ce moment que vous nous avez accordé !
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