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Rencontre avec Faada Freddy ! #pdb15

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Le Printemps de Bourges a été l’occasion pour nous de discuter avec Faada Freddy de sa philosophie musicale, de ses concerts et du partage avec son public.

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     > Quand on écoute ta musique ou quand on regarde ton clip de We Sing In Time, il y a un grand esprit de communauté qui s’en dégage. C’est pour cet esprit de partage que tu fais de la musique ?

Oh oui, je ne fais de la musique que pour ça. C’est ce qui me permet moi-même de m’épanouir. C’est comme une drogue, je pense que je suis devenu accro au partage et que c’est vraiment ce qui me motive et me donne la force d’écrire, de composer, de continuer. Quand on est en tournée, il y a des moments où c’est physique, mais dès que le partage s’installe, on s’oublie et on oublie son corps, on est juste en communion. On fait un avec le public. Et pour moi, ce sont ces moments extraordinaires qui prouvent à chaque artiste que ça vaut la peine d’être musicien. C’est un merveilleux métier.

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     > Est-ce que c’est aussi dans cette idée de communauté autour de la musique, que tu fais beaucoup de reprises ?

Oui, un peu. Ça fait plus de vingt ans que j’écris pour moi et pour d’autres musiciens, que ce soit des compositions ou des écrits de musique de films etc. Pour une fois, j’avais juste envie de chanter des artistes que j’aime comme Sia. Ce sont des artistes dont je partage le message et je m’identifie beaucoup à ce qu’ils font. Mais ce que je ne voulais pas faire, c’était dénaturer la musique. Je voulais quand même rester fidèle à leurs compositions tout en faisant ça à ma manière. Je suis plutôt content  de voir que de tous les côtés j’ai eu des réponses très positives, que ce soit du côté d’Irma ou de Sia qui a tweeté pour dire que ma version de Little Black Sandals est la meilleure version qu’elle ait entendue. C’est grâce à des choses comme ça que je me dis que finalement, je suis content d’avoir repris ces artistes. Quand on reprend quelque chose qu’on aime, je pense qu’on prend plus de plaisir. Et je crois que ce plaisir-là se fait aussi ressentir parce qu’il est vrai.

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     > Effectivement, ton premier album a été très bien reçu, comme l’avait été ton premier EP Untitled par le public et par des artistes comme Lenny Kravitz, Bernard Lavilliers, ZAZ, Grand Corps Malade… C’est plutôt un beau début, non ?

C’est une belle surprise. Je suis très patient en ce qui concerne le cheminent de l’album parce qu’il se fait tout seul, et je suis content de voir que plein de gens m’écrivent pour me dire que cet album leur procure une joie de vivre quand ils l’écoutent ou le partagent en famille. J’ai le sentiment d’un accomplissement, ce qui est extrêmement rare car je suis très exigent avec moi-même. Du coup, je suis encore plus motivé à faire d’autres choses, de belles choses qui soient des instruments de partage. Je travaille que dans ce domaine-là.

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     > A toutes ces reprises, tu rajoutes vraiment ton style. Tout est fait avec les voix et les percussions corporelles, il n’y a pas d’instruments. D’où te vient cette passion pour les sons du corps ?

A la base, je joue quelques instruments : batterie, guitare, basse, clavier… Je connais un peu la tessiture de ces instruments. Comme je n’ai jamais fait d’école de musique, je travaille plus à l’oreille. Et à l’époque où je n’avais pas d’instruments, je travaillais avec mon corps. Quand on était petits, on faisait des percussions corporelles (Faada Freddy nous fait quelques percussions corporelles) et on chantait en même temps. C’est ce qui nous permettait d’avoir le rythme. Mais une fois que j’ai commencé la batterie, j’ai voulu adapter la batterie par rapport à mon corps pour trouver d’autres sonorités. (démonstration de percussions corporelles travaillées) La musique, c’est une question de fréquences donc je voulais essayer de faire en sorte que les fréquences ne manquent pas, ce qui était le risque avec cet album-là. Du coup, j’ai vraiment essayé de chercher dans les graves, mais également dans les aigus. J’ai fait des voix soprano dans l’album, et d’autres qui ont été faites par Gisela. Donc voilà, ce sont des combinaisons. Parfois je fais des basses, et d’autres fois je laisse Jean-Marie s’en occuper. Avec quatre musiciens, et aussi Imany qui m’a donné de sa belle voix, j’ai pu finir l’album et avoir un son à la hauteur d’un disque fait avec des instruments. Je suis très content car j’ai enregistré tout cet album au Sénégal dans une ambiance extrêmement zen et conviviale. Je pense que c’est vraiment un des meilleurs environnements pour enregistrer car dans la spontanéité on laisse plus de place à la folie. Et quand tout le monde se sent bien, ça crée du délire et il y en a beaucoup dans cet album. Il y a des choses qui à la base partaient de mes rigolades et quand je donne un sens à ces choses avec de la musique, ça passe de l’improvisation à quelque chose de beau qu’on peut jouer sur scène. Ça fait vraiment plaisir.

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     > Est-ce qu’un jour tu envisages d’intégrer de vrais instruments à ta musique ?

Oui, en fait parfois je le fais déjà. J’ai commencé avec ça, l’album était déjà enregistré et pendant deux ans j’ai tourné avec ma guitare. Je faisais des concerts dans des salles comme le Sunset ou les Zéniths, l’Olympia en première partie… Je jouais avec ma guitare pour présenter l’album au public et de temps en temps je la posais pour faire des morceaux avec le public avec des percussions corporelles. J’ai fait ça jusqu’à ce que le groupe me rejoigne en tournée. Je n’arrête pas d’utiliser les instruments, mais là c’était vraiment un désir que j’avais en moi de réaliser un album sans instruments et je l’ai accompli alors je suis content. Je ne sais pas où est ce que ça m’emmènera demain. Peut-être que je ferai une combinaison des deux, mais je me surprends encore parfois à composer sans instruments. Alors je laisserai libre cours à l’inspiration parce que pour moi, la musique ne doit pas être source de dogmes. C’est une manière de se libérer et je ne conçois pas m’enfermer dans une cage. J’ai vraiment envie de définir, en quelque sorte, la liberté de la musique, tout comme la liberté d’expression. Pour moi, il n’y a pas de joie et de vrai bonheur dans la musique, s’il n’y a pas de liberté. C’est primordial d’être à la source de toute inspiration qui puisse me parvenir.

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     > Faire des percussions corporelles, ça doit créer un lien encore plus fort avec le public qu’avec des instruments ?

Oui, en fait je pense que ça dépend de ce que l’artiste a envie de donner et de qui est l’artiste. Je pense que le plaisir est plus fort quand tu as envie de donner et que le public doit le ressentir. L’artiste est un peu mis à nu, et le public peut ressentir quelles sont ses intentions. Après, c’est au public de faire cette énergie, d’ailleurs c’est lui qui la donne à l’artiste à condition que celui-ci accepte de s’ouvrir au public. Je suis très réceptif à ce que le public me donne, et c’est la raison pour laquelle les ambiances de mes concerts changent selon les publics. Je prends toujours autant de plaisir, même si ce plaisir peut être différent. Je pense qu’avec les musiciens, on a autant envie de partager notre folie. La folie est en chacun de nous, elle dort et il faut la réveiller ! J’aime réveiller cette folie-là, la partager et la laisser s’exprimer. Une fois, j’ai fait un concert pour des comptables. Au premier morceau, ils parlaient entre eux, sûrement de chiffres, au bout du deuxième ils se retournaient et prenaient quelques petites photos, et au troisième morceau ils étaient en train de danser entre eux ! C’est ça le partage, c’est le fait d’oublier qu’on a des problèmes et que ça ne sert à rien d’en faire des masses parce que tout s’arrange d’une manière ou d’une autre avec le temps. Il faut vivre le moment présent, l’instant. C’est pour ça que quand je suis sur scène, quand je suis dans ce moment-là, je sors tout ce que j’ai, j’évoque tout, je donne le meilleur de moi et le public doit sentir que c’est vrai et me le rend. Je suis content de voir que ça chante, ça danse, et souvent on termine dans le public, ou eux sur scène. On vit dans une société de plus en plus individualiste, alors quand il y a un moyen de créer des liens, tout le monde se l’approprie et c’est beau.

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     > Tu as rempli la salle du Trianon avant même la sortie de l’album, et là tu vas jouer à l’Olympia. Le public te le rend vraiment bien. Ça doit être beau de pouvoir jouer sur une scène aussi mythique ?

C’est beau. Mais c’est surtout beau de faire le métier que l’on aime. On peut faire des salles de 5000 personnes, et le lendemain faire un show pour une personne, ou pour un enfant, et l’enthousiasme est le même. Si on fait un concert de 1000 personnes sans toucher les cœurs et sans communiquer quelque chose de meilleur qui puisse apporter la joie de vivre, je préfère réduire les dommages. Donc pour moi le vrai plaisir de faire un concert avec un grand public, c’est surtout que ça me donne la chance de partager la vie, de partager notre appartenance à l’humanité, à une seule famille qui est sans couleurs.

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     > Est-ce que le public participe aux percussions corporelles en en faisant avec toi ? Et est-ce que du coup tu adaptes tes morceaux au public ?

Oui. Par exemple chez les comptables, je n’avais pas partagé les percussions corporelles, j’avais partagé les voix. Mais souvent sur scène, comme hier lorsqu’on était à la Fnac de Bourges, il y a des enfants de 6 mois, de 3 ou 4 ans, avec leur famille et des gens de tous les âges, et ça fait du bien de voir que non seulement tout le monde chante mais surtout que tout le monde essaye de faire les bases de percussions corporelles. Plein de parents m’ont appelé, et même des musiciens, parce qu’ils se surprennent à faire parfois des percussions corporelles et je trouve que c’est une manière de se redécouvrir. Du coup, les gens se penchent vers cette philosophie de faire de la musique organique. Je suis content de pouvoir partager ça avec les gens, que ce soit avec des écoles d’autistes ou des gens qui sont dans des programmes de réinsertion. Pour moi, il n’y a pas de limites au partage de la musique. Je vis pour ça.

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Merci à Faada Freddy pour ce bel échange !

www.facebook.com/FaadaFreddyMusic

Photos © Laure Clarenc

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Etudiante, je suis une passionnée d'art, et plus particulièrement de musique et de cinéma. Attirée par le milieu du journalisme et de la communication, j'aime partager mes petites découvertes artistiques avec les autres.

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