A l’occasion du Festival Terres du Son qui s’est déroulé le week-end dernier, nous avons pu échanger avec Tété.
> Imagine j’ai fait 30 ans de prison, j’ai du faire un truc de dingue et j’en sors tout juste ! Je vais avec toi chez un disquaire rattraper mon retard, j’achète quoi ?
Si je devais te conseiller, mon premier choix serait Let Me Get By de Tedeschi Trucks Band, c’est un couple à la ville, une sorte de guitare héro, c’est une musique avec beaucoup d’âme, imprégnée de blues avec un vrai truc authentique, de l’émotion plus que de la technique. Ensuite je te donnerai pas un disque mais un iPod avec Youtube dessus et une chaine qui s’appelle NPR qui propose des sessions acoustiques appelées Tiny desk et tout ce que j’écoute en ce moment, les 6,7 derniers disques, sont de groupes découvert par ce biais là. La particularité de cette chaine vient du fait de la prise de son avec un micro unique, on est vraiment dans quelque chose de pur, d’authentique !
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> C’est la musique américaine qui t’inspire ?
Oui il y a une grosse base de ça ! Quand j’étais gamin la plupart des séries étaient américaines, on y trouvait énormément de country, de soul ou de blues. En plus ma mère était fan de jazz et des Beatles donc j’ai écouté tout cela enfant, du coup des années plus tard tu retombes sur ces disques et t’as l’impression d’être chez toi, alors que tu ne connais pas le mec, et que tu n’es pas américain, comme si des graines avaient été semé, et d’un coup ça s’active !
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> Et comment cela influence ta propre créativité/musique ?
Je pense que c’est un voyage au long court. Moi je joue de la musique acoustique, de la folk qui comporte 3,4 accords de base, et le blues ou la soul ont également des accords de base mais c’est dans la subtilité du jeu, de jouer un riff. Je vois la musique comme un voyage, quand on va dans une région de vin, et que l’on découvre un cépage cela reste du vin mais il est différent, la musique c’est pareil, c’est la passion au quotidien, les voyages à l’étranger. Tout cela c’est des choses avec lesquelles je vis et qui m’influencent.
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> Pourquoi, malgré ton influence américaine écris-tu en français ?
J’ai commencé à écrire en anglais et finalement, j’ai été rattrapé par mon héritage, je viens d’une famille qui « lit » beaucoup. Heureusement j’ai découvert Brel, Brassens sur le tard, ce qui m’a décomplexé sinon je n’aurai pas osé écrire en français. Aujourd’hui je continue d’écrire en français car les gens qui viennent à mes concerts sont présents aussi pour les paroles, il ne faut pas oublier d’où l’on vient.
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> Tes chansons sont toujours empreintes d’une forme de nostalgie, d’où cela vient-il ?
J’ai toujours eu cela. J’aime l’idée de la nostalgie comme un ailleurs, un endroit où finalement nous ne sommes jamais allés. Je suis né au Sénégal et je suis venu en France à l’âge de deux ans. Je n’ai absolument aucun souvenir du Sénégal et c’est plus tard en voyant des enfants du même âge que l’on se dit que même à deux ans il y a plein de choses que l’on comprend, et finalement toutes mes musiques sont une sorte de tapis que j’ai récrée, et j’aime me laisser porter par cela.
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> Pouvez vous nous parler du personnage de Pierrot, le « héros » de votre dernier album ?
Pierrot Lunaire, c’est l’histoire d’un auteur qui ne comprend plus l’époque dans laquelle on vit et qui arrive à la conclusion que la solution est peut d’être de changer le regard qu’il porte au monde, puisqu’il ne pourra pas le changer le monde. Partant de ça, il va aller de chanson en chanson essayer de retrouver ce regard qu’il pense avoir perdu. Et en creux, c’est l’histoire d’un auteur qui est obligé de se réinventer, un peu comme nous collectivement, nous sommes obligés de nous réinventer en temps que citoyen, consommateur ou encore musicien. L’album découle de l’époque, nous sommes tous impactés, l’album est un rempart à la violence des temps modernes.
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Un grand merci à Tété et à au Festival Terres du Son pour ce joli moment d’échange.