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Mathieu Saïkaly se livre une seconde fois

5 septembre 2015, nous échangeons une première fois avec Mathieu Saïkaly. 2019 : l’artiste revient avec un second album, Quatre murs blancs, l’occasion pour nous de saisir à nouveau la possibilité de discuter avec cet artiste hors norme, qui raconte des histoires comme personne.
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   > Bonjour Mathieu. Ton nouvel album Quatre murs blancs est sorti il y a peu. Comment te sens-tu depuis la sortie ? Que penses-tu des retours que tu as pu avoir le concernant ?
Je me sens soulagé, il était temps qu’il sorte ! Je suis super touché par les retours, j’ai l’impression que quand cet album touche le cœur des gens, il le touche vraiment.

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   > Ton projet musical sort des sentiers battus. Tu proposes quelque chose de différent. Mais à cette époque la musique à la mode est plutôt la musique dite « urbaine ». Qu’en penses-tu ? As-tu parfois du mal à assumer ta musique, à la porter, à la partager ?

En effet, on ne peut pas dire que ma musique soit la mode du moment (rire). La démarche de ce 2ème album, c’était d’essayer de faire quelque chose qui sortait directement de mon coeur, en faisant abstraction au maximum des parasites extérieurs. C’est peut-être fou et idiot comme pari, mais c’est celui que j’ai pris. Pour moi, ça n’est pas surprenant que le rap soit devenu mainstream aujourd’hui, en France je trouve que ce sont ceux qui ont le plus innovés sur ces dernières années, qui ont pris le plus de risques, justement. Moi, j’essaye de faire ça avec la pop. Prendre des risques, faire un travail de recherche, aller là où personne n’est encore allé, me faire confiance. J’assume ma musique complètement, mais en effet c’est difficile d’exister parfois dans ce paysage musical. Il y a des jours difficiles où je me demande si ça a du sens de défendre cet album dans ce contexte où il n’est pas à la « mode » du moment. Mais après je reçois des super messages, je dors un peu, et je me réveille le lendemain avec une nouvelle énergie, et l’envie de convaincre que ça vaut le coup d’écouter. (sourire)

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   > Tu as décidé de monter ton propre label pour sortir ce deuxième album. Pourquoi ce choix ? Besoin de liberté ?

C’était l’option la plus rapide pour arriver à mes fins. Après de longues discussions dans une période très mouvementée de mon ancien label, où beaucoup de changements et de nouvelles personnes arrivaient et d’anciennes personnes partaient, calmement et respectueusement on est tombés d’accord sur comment arrêter le contrat. L’idée de grande liberté est grisante, mais elle fait aussi peur. J’ai plus le même moteur que quand j’étais en major. Avant on bossait avec un 4×4, mais qui n’était pas que pour nous et avec qui c’était difficile de faire de la route parfois. Maintenant, j’avance avec une petite Twingo (rire), mais doucement mais sûrement j’ai confiance sur le fait que je puisse aller loin.

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   > Tu as aussi récemment sorti un nouveau clip, bien dans l’air du temps. Penses-tu que c’est la jeunesse qui nous sauvera ? Penses-tu que la jeunesse est davantage impliquée dans ces questions de société aujourd’hui ?

Il y a des « adultes » très bien et hyper responsables, qui sont de grands hommes et qui sont très inspirants, évidemment. Mais la jeunesse a un recul qu’un bon paquet d’ « adultes » de notre société a perdu. On leur propose un monde, et ils voient bien que ce monde n’est pas en phase avec ce qu’il se passe actuellement sur Terre. Alors ils disent non, et ils ont raison. C’est eux qui donnent le plus l’exemple. Bien sûr, ils sont parfois incohérents, et ils font parfois des erreurs qui font sourire. Mais ils apprennent. C’est eux les moins cyniques, et les plus courageux. J’ai peu de sympathie pour ceux qui critiquent dans leur canapé en disant « ça ne changera jamais, c’est comme ça depuis la nuit des temps ». On peut toujours se battre, on peut toujours essayer. J’ai beaucoup confiance dans la jeunesse, et encore plus dans l’éducation. En combinant la sagesse d’une éducation et l’énergie explosive de la jeunesse, on peut, je pense, déplacer des montagnes, et bien plus vite que notre société actuelle laisse penser.

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   > Ton album est construit en 2 chapitres : un premier en français, un second en anglais. Pourquoi ce choix des deux langues ?

Je ne suis pas allé chercher les mêmes émotions dans les deux langues. J’ai d’abord écrit en français, c’est la langue qui m’est naturellement venue pour des émotions plus douloureuses, instables, de remises en question. L’anglais est arrivé plus tard, au moment où je reprenais de la force, au moment où je voulais me sentir fort, au moment où j’avais l’énergie pour sortir un cri, qui ne soit plus seulement dans mon ventre, mais qu’il résonne autour de moi. J’ai écrit une soixantaine de morceaux. En triant, et en essayant de trouver une cohérence, naturellement il s’est dégagé ces deux chapitres.
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   > Ton précédent clip était réalisé en images d’animation. Est-ce important pour toi de toucher à différents types d’art ? Ton univers a également quelque chose de très littéraire.
Je suis toujours curieux de voir comment différents médiums parlent de la même chose. Qu’est-ce qui se dégage de différent, de similaire, qu’est-ce qui est mis en valeur dans l’un, dans l’autre. Je suis un grand fan d’animation dessinée depuis longtemps. Quand Philippe Billault m’a proposé de faire un clip, et que j’ai vu son style, je me suis dit que ça pourrait très bien correspondre à l’énergie de Mama Oh I Swear, et je suis trop content du résultat ; il a fait un super travail, j’en suis très reconnaissant.
Oui, j’ai vraiment pris goût à la littérature quand j’ai fait ma licence d’anglais à la fac. C’est drôle d’ailleurs, c’est finalement à travers une autre langue que j’ai vraiment découvert la littérature française.

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> En parallèle de ton projet musical, tu faisais également des lectures avec Nicolas Rey. Est-ce toujours d’actualité ? D’où vient ce projet « Les garçons manqués » ?

Oui ! On a encore quelques dates en 2020, c’est possible de les retrouver en ligne ou sur notre page Les Garçons Manqués. C’est un vrai plaisir de faire ce spectacle avec Nicolas, on rigole beaucoup.
Je l’ai rencontré à travers France Inter. Il faisait des chroniques depuis longtemps, et à l’occasion d’une ‘nuit blanche’ où il devait lire des extraits des différents auteurs invités et les mettre en musique, il m’a proposé. Il avait suivi Nouvelle Star et m’aimait bien, lui, sa sœur et son fils. On s’est vus, il m’a expliqué le principe où je devais jouer mais aussi chanter, faire une sorte de ping-pong avec lui entre texte et chanson. On a fait la nuit blanche, on a eu des supers retours. François Morel a conseillé à Nico d’en faire un spectacle. Il m’a recontacté deux ou trois mois plus tard, il m’a proposé. J’étais chaud. Et puis voilà, on a commencé un premier spectacle comme ça, en parallèle de chroniques qu’on a fait pendant un an sur France Inter. Puis maintenant le 2ème. C’est un vrai hasard toute cette histoire (rire).

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   > Et si nous parlions du futur. Qu’envisages-tu pour la suite ?

Oyaya, j’ai plein d’idées différentes. J’ai quatre projets, dont deux qui sont vraiment avancés. Toute la question va être de choisir celui qui définira la suite. Who knows what I’m gonna do… Peut-être partir de France, peut-être pas… (rire). Je sais pas encore, je laisse le temps à mon cerveau de mettre de l’ordre dans tout ça, je déciderai au Printemps (rire) !
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Merci à Mathieu Saïkaly d’avoir pris le temps de répondre à nos questions !
Profitez-en pour redécouvrir son dernier clip I Don’t Want.
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www.facebook.com/mathieu.saikaly
Photo ©  Aline Deschamps
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Actuellement chargée de communication, je suis passionnée par les musiques actuelles. J'observe, j'écoute, j'interroge et j'écris.

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