> Après Tantale, sorti en 2011, vous venez de sortir votre nouvel album Composite. Êtes-vous satisfaits des premiers retours ?
Oui vraiment ! C’est une étape le deuxième album. Tu espères que les gens qui ont aimé le premier aimeront le deuxième. Tu t’adaptes, et si tout le monde aime ça, t’es vraiment content !
> L’album Tantale contenait plusieurs titres très axés sur la guitare, ce qu’on ne retrouve pas spécialement sur Composite qui est d’avantage électro. Était-ce un choix de votre part avant d’entrer en studio, ou est-ce que cela s’est imposé au fil de la composition ?
Non ça n’a rien à voir. Tantale, c’est des chansons que j’avais composé dans mon appartement avec une guitare ou un piano. C’est comme ça que c’est parti. Alors que sur Composite, je me suis installé dans un studio où il y avait plein de synthétiseurs. Je n’avais jamais vraiment touché à ça. Donc je passais mes nuits dessus, et ça a donné l’album. J’étais plein de bonne volonté. Je ne me range pas dans une case, il y aurait eu d’autres instruments, ça aurait été d’autres instruments. Ce n’est pas préconçu.
> Comment vous vient l’inspiration pour écrire et composer ces morceaux ?
Je ne sais pas trop comment dire… Ça part souvent d’un instrument, soit la guitare, soit le piano, soit d’un beat de drums, soit un riff de synthétiseur. Ça part d’un élément et ensuite on bosse autour.
> Sur Composite, on retrouve le titre Labyrinthe avec Marie-Pierre Arthur. Comment l’avez-vous rencontrée ?
En fait, ce n’est pas quelqu’un qu’on côtoie dans la vie. C’est plus une artiste que j’admirais. Je lui ai envoyé la chanson, parce qu’on est dans la même maison de disque. Je lui ai demandé « T’as envie de chanter ? » et elle m’a dit « Oui ». Donc elle est venue en studio et elle a chanté.
> Est-ce qu’elle vous accompagnera sur scène lors de votre tournée française ?
Non. Elle était là pour notre lancement parce que c’était à Montréal et qu’elle était disponible mais sinon elle est très occupée. Et puis, je ne pense pas qu’elle viendrait en tournée avec Monogrenade ! (rires)
> Seriez-vous intéressé par d’autres collaborations ?
Oui vraiment ! Je pense que la musique c’est collectif.
> Est-ce qu’il y a des noms qui vous viennent à l’esprit ?
En même temps c’est dur car je me vois comme un petit bonhomme qui commence donc j’ai envie de nommer des artistes que j’aime. Mais bon… Dans ce qui pourrait être plus réel, il y a une artiste de chez nous qui s’appelle Safia Nolin. C’est une chanteuse qui commence sa carrière. Je l’ai rencontrée par hasard, on s’entend super bien. Et elle a vraiment une voix… Quand elle se met à chanter, tout le monde se tait, et tout le monde écoute. Je trouve qu’il y a une magie dans sa voix. J’aimerais beaucoup qu’elle participe au prochain album.
> Justement, avez-vous déjà commencé à travailler sur le prochain album ?
Oui. On a peut-être déjà 5/6 maquettes de chansons pour un troisième album.
> Et pensez-vous aller l’enregistrer juste après votre tournée, ou préférez-vous d’abord vous laisser une petite pause ?
Je ne sais pas, parce qu’on ne sait pas encore comment ça va se dérouler les spectacles avec Composite. On a sorti l’album au Québec en février, on a fait des spectacles et des festivals pendant l’été. Là on vient de sortir l’album ici, on espère faire le plus de concerts possibles. Mais sinon, quand je ne suis pas en spectacle, je suis en studio et j’écris mes chansons. J’aurais peut-être envie d’en sortir une ou deux avant le prochain album, parce que j’ai trouvé ça long le temps entre les deux albums. Avant d’avoir plusieurs bonnes chansons, ça prend du temps, il faut en écrire plein.
> Du coup, il doit aussi il y avoir plein de chansons qui partent à la poubelle…
Plein !
> Est-ce qu’il serait possible que plus tard vous ayez finalement envie de les récupérer, ces chansons, pour en faire un autre album ?
Peut-être ! Mais bon, normalement quand elles sont dans la poubelle, c’est qu’elles vont y rester.
> Justement, en fouillant un peu sur Internet, on a retrouvé votre premier maxi La Saveur des Fruits. Aujourd’hui, vous n’en parlez pas, c’est comme s’il n’avait jamais existé. Pourquoi ?
Honnêtement, parce que je pense qu’il n’est pas bon ! (rires) En plus, la formation n’était pas comme elle est maintenant. C’était un projet que j’ai travaillé dans un chalet avec un de mes amis. On avait prévu de réaliser son album, puis finalement on a fait ça ensemble. C’est lui qui chantait au départ sur cet EP. Mais ça n’a pas marché au niveau musical. Aujourd’hui, mon ami n’est disons plus mon ami, le groupe s’est composé d’autres personnes, et on n’est pas vraiment fier de cet EP. On préfère l’oublier ! (rires)
> Pourtant, il y a quand même deux titres, Ce soir et De toute façon, qui sont sur Tantale.
Oui, on a quand même gardé deux chansons qu’on aimait.
> Pour en revenir aux concerts, avec les nombreux arrangements électro, comment adaptez-vous vos chansons pour la scène ? Souhaitez-vous rester le plus près possible de la version studio, ou allez-vous présenter de nouvelles choses, plus symphoniques ?
Je pense qu’on va essayer de garder l’essence des chansons comme sur l’album. On ne pense pas au live quand on les compose. Sur scène, on essaye de les transposer le mieux possible. C’est sûr qu’on va les modifier un petit peu parce qu’on se rend compte que c’est fun d’aller un peu plus loin que l’album en concert. Mais tout en essayant de respecter la chanson.
> Il y a beaucoup d’instruments différents dans vos musiques. Comment expliquez-vous la présence d’éléments plus classiques, comme les violons, dans votre univers électro-pop ?
Je pense que c’est un album qui est plein de goût. J’ai grandi avec le piano classique, j’en ai fait toute ma vie. J’aime aussi beaucoup les cordes. Avec les arrangements je peux tout faire, simuler plein d’instruments, mais les cordes sont vraiment irremplaçables. Et puis, je fais de la musique que j’ai envie d’écouter, et comme j’écoute de tout…on fait tout ce qu’on aime. Quand les gens me demandent « Monogrenade, c’est quel genre de musique ? » je ne sais pas vraiment quoi répondre. Cela dépend de ta perception. Je pense que c’est ça qui nous définit, le fait qu’on mette plein d’instruments très différents.
> Vous dites que vous écoutez de tout. Quel est votre album du moment ?
En ce moment, j’écoute un artiste québécois qui a un projet du nom de Malajube. Le chanteur est également dans le groupe Fontarabie. C’est un peu orchestral, vraiment spécial !
> Quelle place la musique occupe-t-elle au Québec ?
Une grande place ! La musique est très, très présente. Il y a beaucoup de groupes. C’est vraiment facile de faire de la musique à Montréal parce que la vie n’est pas chère. Tu peux trouver de bons musiciens n’importe où. Mais en même temps ça peut rendre les choses un peu plus dures, car il y a tellement de groupes que pour se démarquer, il faut vraiment avoir quelque chose de spécial.
> Comment avez-vous réussi à vous faire une place en France ?
En fait ce qui nous a permis de venir ici, c’est un showcase montréalais. On a joué à M pour Montréal, et il y avait des français des Inrocks qui étaient présents et qui ont bien aimé notre concert. Ça nous a permis d’être suivis par le tourneur FURAX et de faire des spectacles ici. On a ensuite été pris en charge par le label Atmosphériques pour sortir l’album. Tout a démarré à partir de ce concert.
> Est-ce plus difficile pour un groupe québécois de percer en France ?
Ce qui nous aide, c’est qu’il n’y ait pas beaucoup de groupes francophones qui font notre genre de musique ici. Les gens sont fascinés par de la musique anglophone chantée en français. Mais par contre, la réalité financière est difficile. Il y a plein de concerts qu’on n’a pas pu faire parce qu’on n’avait pas les sous. Être six sur la route, ça coute cher !
> Justement, c’est comment de travailler à six ? Ça ne doit pas toujours être très simple…
C’est difficile, il y a beaucoup de chocs d’idées. Les gens ne le savent pas forcément, mais des vrais groupes c’est rare. Dans tous les groupes il y a des leaders. Par exemple pour les Beatles, c’était John Lennon et Paul McCartney. Il y a un songwriter puis des musiciens. Dans Monogrenade, j’écris les chansons et après je travaille avec chaque musicien indépendamment. Je trouve ça plus simple et je préfère parce que si j’étais tout seul, je ferais toujours la même chose et je me tâterais souvent ! Et en même temps, travailler en équipe me permet d’amener les chansons où je veux mais avec la touche créative que chaque membre aura apportée. Pour Métropolis par exemple, j’avais une idée avec les cordes alors j’ai appelé Marianne et on a essayé ensemble. Chacun de nous deux donnait son avis. Ensuite, j’ai contacté François et on est arrivé à quelque chose d’un peu plus évolué. Je trouve qu’on a trouvé une belle façon de marcher.
> Ça ne vous stresse pas un peu d’être celui qui commence à proposer les chansons, les textes ?
Ça me le faisait au début. Mais tu sais, j’écris des chansons depuis que j’ai onze ans. Maintenant je m’en fous, et puis, ils sont directs avec moi, c’est bien. Des fois ils me disent « Cette chanson-là, elle est plate », et je sais qu’il faut que je l’arrête. Vu qu’on est beaucoup, tout le monde donne son opinion, et quand tout le monde aime une chanson c’est cool, mais quand tout le monde n’aime pas, bon… (rire)
> Vous avez évoqué le titre Métropolis. Comment s’est déroulée la réalisation du clip ?
Alors ça en fait, on n’a vraiment rien à voir avec. Tout le mérite va à Christophe Collette, le frère de Mathieu, le batteur. C’est lui qui s’occupe du visuel. Si on a décidé de faire ça avec lui c’est parce que c’est le frère de Mathieu, mais surtout parce qu’il se force vraiment à comprendre nos chansons. Il y a beaucoup de réalisateurs qui font des clips très beaux, mais qui pourraient correspondre à n’importe quelle chanson. Christophe lui, il écoute la chanson, la comprend. Il y a deux façons d’interpréter Métropolis. Soit c’est un clone qui est pris dans sa vie et qui la recommence toujours, ou soit une personne qui est pris dans un monde futuriste où la société est divisée. On voulait plus exploiter ce côté-là. C’est un petit clin d’œil à Fritz Lang et à son film Metropolis. D’ailleurs, la chanson à la base s’appelait Répéter. Puis quand on a constaté le lien avec le film, on a décidé de l’appeler Métropolis. En plus, ça allait bien avec cette thématique.
> Justement, cette thématique sur l’univers rétro-futuriste, elle vous vient d’où ?
En fait, Composite parle de la complexité de l’être humain, car je suis passionné par la psychologie. Je ne peux pas m’empêcher de psychanalyser les gens ! Il n’y avait pas de concept sur Tantale, c’était plein de chansons mises ensemble. Tandis qu’à mi-chemin de la création de Composite, je me suis rendu compte que toutes les chansons parlaient de quelqu’un, d’un trait de personnalité, de l’être humain en général. Je trouve que Composite est un beau mot pour illustrer tout ça parce qu’on est la composition de plein de choses. Tu es la composition de ton éducation, tes amis, des choix que tu as fait. Tout t’influence. C’est ça que j’ai voulu exploiter comme thématique. Et étant donné que c’est super large et complexe, pour moi l’aspect spatial correspondait bien. L’être humain, c’est tout petit et complexe, mais ce qui m’a choqué c’est que, par rapport aux planètes, c’est quoi ?
> Et est-ce que écrire sur l’être humain, ça vous permet de vous interroger sur vous-même et de vous libérer de certaines choses ?
Je n’aime pas beaucoup parler de moi-même dans mes chansons. J’essaye d’éviter le narcissisme. Les artistes en solo qui parlent d’eux, ça m’intéresse moins. J’aime mieux ne pas savoir de quoi ça parle. A moins que ça soit vraiment super beau. On n’est pas tous des personnes avec des vies trépidantes. Je suis un gars qui passe tout son temps dans un studio, parler de moi serait très plat ! (rire)
> De nos jours, beaucoup de musiques sont « formatées ». Les chansons très travaillées musicalement, comme c’est le cas pour les vôtres, sont plus rares. Est-ce que vous avez l’impression que c’est plus difficile pour vous de percer ?
Oui, je crois que ce phénomène est universel. Il n’y a plus de marques culturelles, c’est juste toucher le plus de monde possible qui compte. On dirait qu’il y a une mondialisation de la culture, tout sonne pareil. Les gens ne sont pas éduqués musicalement. Il y a beaucoup de monde qui nous demandent pourquoi on fait de la musique déprimante. Moi, je ne trouve pas ça déprimant, mais bon ! (rire) Musicalement, on entend toujours la même chose, les gens écoutent la même chose. Mais je ne pense pas que ça soit leur faute. Si tu as faim et que je t’offre soit un Mc Donald, soit un Subway, tu vas forcément devoir choisir entre les deux. Mais si je t’avais proposé autre chose que du fast food, tu aurais peut-être pris autre chose. On ne peut pas blâmer les gens parce que les distributeurs leur proposent toujours la même chose.
> Avoir des textes en français est-il une barrière ? Parce qu’aujourd’hui beaucoup de francophones chantent en anglais…
Oui, c’est une barrière. En même temps, on est des francophones alors chanter en anglais serait un peu de la corruption pour moi. En plus, il y a beaucoup d’exemples qui montrent que des français qui chantent en anglais, c’est très mauvais ! (rire)
> Avez-vous déjà rencontré votre public français ?
Oui, et on a vraiment hâte de le retrouver. A Montréal, il y a énormément de musique. En France aussi, mais les gens écoutent vraiment les chansons, ce qui m’a surpris. A Montréal, il y a plein de concerts, on dirait que les gens s’en foutent. Alors qu’ici, les gens sont vraiment, vraiment gentils ! Avec Tantale on est venu trois fois en Europe. En France, mais aussi en Belgique, en Suisse et dans les pays francophones. Et partout ici, les gens écoutent et ne parlent pas pendant la chanson. Ce n’est qu’après le show qu’ils viennent nous parler. Ça m’a vraiment touché la première fois qu’on est venu ici, de voir que les gens connaissaient la chanson Ce soir et la chantaient. Waouh ! Je l’avais écrite dans ma chambre, alors là c’était magique. On a eu un beau public jusqu’à maintenant.
> Pour cette tournée, à part la France, allez-vous jouer dans d’autres pays ?
Probablement. On espère, mais c’est vrai que la langue est une barrière. Et puis, il y a aussi la réalité financière. Par exemple au Canada, le Québec est la seule région francophone, malgré ça on a quand même joué partout. Mais c’est dur car c’est cher de faire 7 000 kilomètres en camion, entre les pleins d’essence, les nuits d’hôtel…
> Si on met l’argent de côté, est-ce qu’il y aurait un pays dans lequel vous rêveriez de jouer ?
J’aimerai bien aller à Berlin. Je n’y suis jamais allé, mais il paraît que la scène musicale est super cool là-bas. Je pense que ça serait un bon exemple ! Ou sinon un pays tropical.
> Avez-vous des anecdotes de concert à raconter ?
Une fois, il y a un monsieur qui est venu me voir après le spectacle. Je pense qu’il devait être complètement bourré ! Il m’a dit « Votre concert, je l’ai trouvé vraiment bon ! Les instruments, les violons, c’est beau, mais la voix… Il faut dire à votre chanteur qu’il arrête de chanter ! ». Je crois qu’il ne savait pas que c’était moi le chanteur ! (rire)
> Merci de nous avoir accordé cette interview ! Que pourrions-nous vous souhaiter pour la suite ?
De revenir en Europe ! Comme on vient de sortir l’album ici, on espère le jouer le plus possible !
> On vous le souhaite alors !