Panem est un groupe indie rock basé à Tours. Alors que le quatuor s’apprête à sortir une réédition de son EP Zeitgeist / Absolute Monopoly en version remasterisée et en format CD/vinyle, nous avons échangé avec Yacine, guitariste et fondateur du groupe. Au programme : historique, projets futurs, nouveau single, clip…. Cette discussion a été l’occasion de partir à la découverte de ce groupe qui sort des sentiers battus.
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> Panem est un groupe de rock tourangeau. Peux-tu nous parler de la création du projet ? Quand est-ce que vous vous êtes rencontré.e.s et comment ?
Le groupe existe depuis 2018. Nous nous connaissions depuis plus longtemps car nous avons joué ensemble dans diverses autres formations, mais pas forcément ensemble. Mogan, le batteur, et moi, dans Rauni, Mogan et Emeline, la bassiste, dans Oceakyl et puis tous les trois, Mogan, Emeline et moi, avec un chanteur qui s’appelle ZeM, vers La Rochelle. Nous nous sommes rencontrés il y a dix ans. L’idée du projet trotte dans ma tête depuis une éternité. Le fait de rencontrer Mogan, Emeline et puis Marie parallèlement, a permis de concrétiser la chose. Même si c’était plus tard. Je suis plutôt lent (rires). Un projet, même précis, dépend aussi des rencontres. Et ces rencontres ont vraiment concrétisé le projet et ont apporté une couleur énorme, quelque chose que je n’aurais pas pu imaginer. Chacun y apporte sa personnalité. Avec Marie nous nous sommes rencontrés dans une école, Tous en Scène. Tout s’est assemblé très naturellement, même si nous venons d’horizons musicaux très différents. Marie est plutôt gospel, RnB, soul. Il n’y avait pas vraiment de composante rock prog dans ce qu’elle faisait ou ce qu’elle aimait bien. De mon côté, le rock (et plus) a toujours été là. Mais je suis plutôt schizophrène musicalement. Mogan n’est pas du tout batteur de rock au sens où nous l’entendons et c’est tant mieux parce que j’adore quand c’est super ouvert. Et c’est ce qui a permis que les choses se fassent. Il fallait que ça se passe comme ça, avec ces personnes là. Et depuis 2018 le projet s’est accéléré parce que nous avons mis en place le répertoire. Nous avons commencé la première phase de l’enregistrement assez rapidement et nous nous sommes mis en quête de concerts. Nous en avons fait un certain nombre et puis tout s’est arrêté avec la crise…
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> Ce n’est pas compliqué de se mettre d’accord tous ensemble quand on vient d’horizons aussi différents ?
Dans notre cas non. Nous sommes devenus très proches tous les quatre. Personnellement, je n’ai jamais vécu quelque chose de semblable, humainement, dans un groupe. Donc tout se fait naturellement. Il y a des discussions mais pas de débats interminables, ni d’ultimatum. Nous sommes d’accord sur les idées. Le dénominateur commun est la musique en elle-même, les chansons. Nous nous retrouvons autour de ces chansons et chacun y apporte son grain de sel. Même s’il y a une trame rock, avec les guitares etc, le projet est multi-formes. Pour nous c’est ouvert. Nous n’avons pas envie de nous enfermer dans une étiquette. Même si c’est compliqué pour nous dans le cadre de la promotion du groupe. Nous avons des choses à raconter, mais il faut flécher le parcours etc. Ce n’est pas une volonté élitiste, ou par snobisme. Ce serait juste de dommage de se priver de tout ce que nous avons envie de mettre dans ce projet. Donc il n’y a pas de débat impossible ou de mésentente.
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> Par conséquent comment travaillez-vous ensemble ? Est-ce toujours la même personne qui apporte une première idée ? Est-ce que vous partez d’abord d’un texte, d’une mélodie ? Est-ce que vous vous retrouvez tous les quatre dans une même pièce pour composer ensemble ?
Il n’y a pas de règle établie mais c’est moi qui compose la plupart des chansons. Nous ne faisons pas de jam dans une même pièce. Mais ce n’est pas fermé. Si quelqu’un a une idée elle est évidemment la bienvenue. Tout le monde n’est pas compositeur ou n’a pas vocation à composer, selon les projets. Par exemple, il n’y a pas plus créatif comme musicien et batteur que Mogan. Il n’y a qu’à voir son projet solo, Bruyance, qui va arriver très bientôt. Il est très créatif et compose pour lui mais dans Panem il s’implique différemment. Cela ne signifie pas que son implication est moindre parce qu’il ne compose pas. Finalement, si les compositions pour Panem sont les miennes, les arrangement sont communs. Je bidouille beaucoup à la maison donc souvent je vais arriver avec des compositions qui pourraient être plus ou moins finies et nous travaillons autour de cela. D’ailleurs, nous gagnons beaucoup de temps avec ce fonctionnement. Les répétitions sont des filages, de la mise en place. Cependant, si un morceau, aussi avancé soit-il, ne prend pas, nous ne le faisons pas. Je propose et eux disposent. Par contre, Marie est plus dans le processus d’écriture, avec certains textes.
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> Vous avez sorti votre premier EP en fin d’année 2020 et celui-ci a reçu un bel accueil médiatique français mais aussi à l’étranger, notamment au Canada, au Japon… Comment vous sentez-vous face à ces retours ?
Nous sommes ravis. Même si je suis surpris que cela puisse « plaire ». Cela fait toujours bizarre. On se demande comment c’est possible que son projet ait une résonance comme cela. Et je suis agréablement surpris que l’EP ait pu trouver un écho dans divers médias et dans différents pays, mais surtout dans des médias avec des lignes éditoriales différentes. C’est quelque chose qui m’a vraiment plu. Pendant plusieurs jours nous nous sommes demandés comment nous allions présenter le projet, parce qu’il peut paraître un peu old school par rapport à ce qu’il se fait maintenant. Mais on s’en moque. L’EP a également connu un bon relais en Angleterre ainsi que dans des médias plutôt « metal ». Dans tous les cas, tous ont compris le propos musical et cela nous fait hyper plaisir. Personnellement, j’ai 14 ans quand une chronique sort (rires), parce que c’est toujours un peu stressant de sortir un EP et de voir qu’il ne se passe rien.
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> Comment s’est passé l’enregistrement de cet EP ? L’avez-vous enregistré pendant le confinement, est-ce qu’il a été contraint ou influencé par ce(s) confinement(s) ?
Nous ne l’avons pas enregistré d’une traite. Les prises avaient été faites avant le confinement mais toute la post-production devait être faite pendant. Finalement nous nous sommes rendus compte que c’était injouable. Il fallait que nous soyons sur place. Nous l’avons enregistré chez Thierry Chassang, dans le studio Master Studio, au Mans. Thierry est presque comme un cinquième membre. Nous adorons travailler avec lui. Il aurait pu mixer l’EP tout seul mais c’était compliqué de gérer le travail, les échanges, par mail. Mais comme nous n’étions pas vraiment attendus avec cet EP, nous avons décidé de ne pas nous presser. Pendant le confinement nous avons fait d’autres choses : un inédit, une reprise de la chanteuse Israélienne Noa, qu’elle a repartagé sur son Instagram, ce qui m’a beaucoup encouragé. Puis dès que le confinement a été terminé, nous avons tracé chez Thierry Chassang et nous avons mixé l’EP. Nous avons travailler d’arrache-pied tout l’été pour finir et également pour tourner le clip car nous voulions absolument qu’il y ait une vidéo pour accompagner la sortie du premier single. Le confinement nous a permis de prendre du recul, de réécouter les morceaux tranquillement.
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> Il y a une importante recherche artistique globale autour du projet Panem, aussi bien musicale que visuelle, mais aussi dans les différents noms donnés à vos morceaux, à votre EP, au groupe… Est-ce voulu ? Est-ce quelque chose à laquelle vous avez beaucoup réfléchi ?
C’est difficile de trouver un nom de groupe, même quand on a des idées. C’est un baptême. C’est très important. Je suis hyper sensible à cela et de manière générale, j’ai la passion des titres. Pour moi, même hors musique, un titre est très évocateur. Un titre de livre est un des éléments qui va me donner envie de le lire. En ce qui concerne nos titres, oui ils sont sérieux et il y a un message derrière mais nous restons à notre place. Nous ne voulons pas donner de leçons. C’est la résonance qui est importante. Peut-être que cela peut faire réfléchir ou faire découvrir des choses. Zeitgeist est un titre qui provient de la philosophie allemande du 19ème siècle. Le zeitgeist signifie l’esprit du temps et c’est très actuel. Ce sont les différentes caractéristiques qui vont définir l’esprit d’une époque. Zeitgeist est notre dernier morceau mis en place et il a été rapide à composer. Il a été travaillé en collaboration avec Ben Fitoussi, un super beatmaker. Cela s’est fait par hasard. Et le thème traité, le monopole, m’est venu comme ça. C’est une allégorie qui peut être appliqué dans de nombreux domaines. Tout le monde cherche le monopole absolu aujourd’hui, on pense notamment à la problématique des données. Mais nous ne sommes pas dans la dystopie, même si j’ai un faible pour les dystopies esthétiques. Concernant Panem, le nom vient de la locution latine « Panem et circenses » qui signifie du « pain et des jeux du cirque ». Mais tel quel, le nom est vite devenu imprononçable. Donc nous avons coupé. Mais ça un sens, tout est du pain et des jeux du cirque. Le football, par exemple, c’est devenu énorme et n’importe quoi. Netflix… On peut tout voir sous ce prisme. Mais même s’il y a ces thèmes chez Panem, nous ne sommes pas tenus de les respecter. Nous n’allons pas chercher des idées qui vont être conformes. Le morceau Something I Don’t know, plus pop ballade, n’a strictement rien à voir avec tout cela. C’est une histoire d’opportunité ratée, de choix à faire… Quant au titre Breathe, Pretender il parle explicitement d’abus, d’harcèlement, de viol. C’est l’histoire du consentement.
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> L’EP est sorti en pleine crise sanitaire. Est-ce qu’avec le groupe vous ressentez une forme de frustration liée au fait de ne pas pouvoir le jouer en live ? Et que faites-vous pour faire vivre cet EP ?
Il y a plusieurs niveaux de frustration mais je vois toujours le verre à moitié plein. La frustration la plus importante est celle liée au fait que nous ne pouvons pas nous voir aussi souvent que nous le faisons d’habitude, parce que nous sommes très proches dans la vie, tous les quatre. Quant à la frustration liée au fait de ne pas pouvoir jouer l’EP, elle est là mais c’est comme ça. Nous ne sommes pas particulièrement à plaindre, tout le monde est dans la même misère. Il y a un climat très anxiogène mais pas uniquement parce que tout est fermé, ou parce qu’il n’y a plus rien… Après ça va être la course. Tout le monde va aller jouer, démarcher. Les bookers vont être submergés… J’essaye de ne pas trop penser à tout cela mais ce n’est pas pour autant que je ne le prépare pas. D’un autre côté, s’il n’y avait pas eu le confinement, nous n’aurions certainement pas eu le temps de nous occuper autant de cette sortie. Il y a toujours la possibilité d’optimiser. Mais la tristesse domine également quand tu vois l’état actuel de tout le secteur. C’est dur. Mais ça reviendra forcément parce que les gens ont besoin de musique.
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> Vous avez mis en ligne une version concert de votre titre The Empty Man. Est-ce que vous envisagez de faire d’autres live pour d’autres morceaux, ou d’autres clips ?
Oui. The Empty Man est un concert, Zeitgeist est un court métrage. Ce dernier a été réalisé par le nantais Quentin Rousseau, nous nous sommes éclatés à le faire. Nous voudrions en faire un autre dans le même style. Ce n’était pas prévu mais dans notre esprit nous ne voulions pas faire de clip typique, scénarisé, avec le groupe qui joue dans son coin. Il y a plein de clips que nous adorons, dans ce genre, mais ce n’est pas ce que nous voulons faire. Nous allons surement repartir sur un clip court métrage pour un morceau qui est enregistré à moitié. Cet été nous avons eu l’opportunité d’aller enregistrer à La Kapsule, un studio à Montreuil, avec Pierre Jacquot, un réalisateur et une sommité du son. Il a notamment travaillé avec Catherine Lara, Sting, Peter Gabriel… C’était un peu court mais nous avons réussi à enregistrer la basse et la batterie de ce morceau. Nous allons le finir et nous allons le sortir comme un single. Il s’appelle The Winter House et il parle d’exil. Je l’ai écrit il y a 10 ans. Concernant le live, nous sommes sur un projet qui va prendre forme très bientôt. Je ne peux pas encore trop en parler, c’est une expérimentation, en studio. Nous partons du live, de la vidéo, cela pourra être surprenant… Nous adorons la vidéo, donc il y en aura.
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> Tu parles d’un nouveau single, de nouveaux projets vidéo… Est-ce que vous envisagez la sortie d’un plus long format ?
Oui. Nous avons sorti un EP mais nous aurions pu faire un album. La setlist de nos concerts fait 16 ou 17 morceaux. Nous avons le matériel. Mais nous avons réfléchi. Quand tu sors un album tu mets 12 morceaux d’un coup et si tu veux faire une autre sortie après, il t’en faut 12 autres. Et la diffusion, les lectures générées, seront identiques à un EP. Même si j’adore en écouter, le format album est presque obsolète pour moi, notamment pour un groupe pas connu. Il faut se faire découvrir, et cela commence par un morceau. Mais si nous avions une fanbase bien présente, un album prendrait tout son sens. Il y a des impératifs économiques et pour l’EP nous avons fait les fonds de tiroirs. Nous nous interdisons pas de faire un album et le deuxième EP est déjà prêt. Nous savons à peu près ce que nous allons mettre dedans mais nous restons ouverts. Nous allons nous voir, peut-être que quelque chose va sortir de ces rencontres et sera enregistré… Les gens écoutent des playlists aujourd’hui, pas des albums. Un album a du sens s’il est sorti en physique. Et une sortie physique n’a rien à voir avec une sortie numérique. Dans le groupe, nous essayons de diffuser notre musique au maximum, mais nous faisons de la musique pour nous-même et nous sommes simplement très contents d’être ensemble et de jouer nos morceaux. Après, nous la proposons aux gens, au plus grand nombre. En tout cas, ce qui est sur, c’est que fin 2021, début 2022, selon les circonstances, il y aura un deuxième EP de Panem qui sortira.
Un grand merci à Yacine pour ce bel échange !
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