Matthieu Duffaud est à la fois le programmateur du festival orléanais Hop Pop Hop et le programmateur de la salle de musiques actuelles orléanaise l’Astrolabe. A quelques semaines de la 4ème édition du festival, Matthieu a accepté de répondre à quelques-unes de nos questions : comment gère-t-on la programmation d’un festival qui met l’émergence à l’honneur, comment gère-t-on la programmation d’un festival qui s’installe dans plusieurs lieux très différents de la ville, quel impact peut avoir Hop Pop Hop en terme de territoire, quel futur pour le festival ? Et bien d’autres encore. Hop Pop Hop est un événement qui fait la part belle à la découverte et son développement est aussi intéressant que son affiche. Rencontre avec une personnalité qui fait vivre les musiques actuelles à Orléans.
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> Quel était l’objectif premier de Hop Pop Hop ?
Matthieu Duffaud : Avec l’équipe de l’Astrolabe on avait les Tournées Bistrophoniques, qui ont duré 11 éditions, qui se déroulaient sur une journée le samedi de 14h00 à 3h00 du matin dans le bars d’Orléans et dans les lieux du patrimoine de la ville d’Orléans. Et au bout de 11 éditions on s’était dit qu’on avait envie de changer, de faire évoluer le concept et de créer un vrai festival. Et parallèlement à ça, la Ville d’Orléans arrêtait un festival qui s’appelait le Jour J, changeait le dispositif du festival Orléans Jazz donc il y avait une place pour un festival dans la ville. Et l’objectif c’était de créer un festival où la scène émergente a sa place, dans des lieux culturels de la Ville d’Orléans, qui ne sont pas forcément destinés à la musique initialement et qu’on change un peu de leur valeur d’usage habituelle. D’où la création de ce festival dans cinq lieux, tous des lieux de culture pour la plupart, où il y a de la musique de temps en temps. Mais là c’est place à la musique actuelle dans un lieu de danse, dans un lieu de théâtre, dans la Scène Nationale, dans la Salle de l’Institut qui est plutôt ouverte sur le Conservatoire et sa musique et puis les Jardins de l’Évêché qui est un lieu qui est ouvert régulièrement et qui accueille de la musique électronique et du jazz depuis quelques temps.
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> Est-ce une façon d’attirer le public dans des lieux auxquels il ne confronte pas forcément, vers lesquels il n’ose pas aller ?
Il y a un public qui connait tous ces lieux, parce qu’il y a des personnes qui vont voir des spectacles à la Scène Nationale et au Centre Chorégraphique National, mais il y a un autre public qui n’y va pas régulièrement et on se rend compte qu’il y a des gens qui découvrent les lieux, notamment le Centre Chorégraphique National. Il y a eu, à la fois, un public qui a découvert le Centre Chorégraphique dans cette configuration-là et également à la Scène Nationale où le public est sur le plateau d’une des salles du théâtre, ce qui est anodin parce que la plupart du temps le public se retrouve assis dans une de ces salles. Donc il y a effectivement des gens qui découvrent les lieux. Et que les gens puissent rencontrer ces lieux, c’est un peu le but aussi, puis pourquoi pas après, être amené à découvrir la programmation des lieux en question, notamment celle défendue par Maud Le Pladec qui propose plein d’Afterwork qui sont ouverts à des danseurs néophytes autour de la musique actuelle, de la musique électronique. Il y a des ponts qui se font.
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> Vous êtes également programmateur de l’Astrolabe. Est-ce que vous remarquez des publics différents entre celui qui fréquente l’Astrolabe et celui qui fréquente le festival ?
Oui. On a un public de festivaliers qui vient peut-être grâce au mot « festival », ou peut-être grâce à la centralité du festival à Orléans, ou encore peut-être grâce à l’état d’esprit du festival, puisqu’au delà de la programmation c’est un avant-tout un festival qui a une couleur et où les gens se sentent bien. On voit des gens qui peuvent rester sur la grande scène et passer leur festival devant la grande scène parce que c’est comme ça qu’ils consomment le festival et certains qui ne viennent pas d’Orléans et qui vont faire la démarche de venir au festival et qu’on ne voit pas forcément à l’Astrobale. On a même des bénévoles qui débarquent uniquement pour le festival et qu’on ne voit pas le reste de l’année à l’Astrolabe. Certains parce qu’ils n’habitent pas dans le coin et d’autres parce qu’ils veulent juste s’investir sur le festival. Donc oui il y a un public différent. On a bien évidemment un public en commun, il y a le noyau dur du public qui vient au festival, mais il y a un public qu’on ne revoit pas forcément le reste de l’année à l’Astrolabe.
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> Hop Pop Hop est un festival tourné vers l’émergence. Est-ce qu’il n’est pas difficile d’attirer un public vers la découverte, face à de grands festivals portés par de grosses têtes d’affiche ?
C’est à la fois compliqué et à la fois une singularité. Notre parti pris c’est l’émergence, parce que c’est vraiment ce qu’on défend le reste de l’année à l’Astrolabe et chacun a sa place. Il y a des gros festivals qui existent depuis très longtemps et qui fonctionnent très bien. Il y a la programmation qui compte mais il y a des gens qui vont au festival sans connaître une partie de la programmation, ils y vont par curiosité et parmi les 35 propositions il y a 2, 3, 4 groupes par jour, voire plus ou moins, qui vont leur plaire et qui seront suffisants pour eux pour passer une bonne soirée. Il y a la programmation mais aussi les programmations qui sont aussi autour du festival, le cadre, l’ambiance, la déco… C’est un tout. On ne s’est pas fixé un objectif d’un an pour fidéliser un public. On prend le temps aussi de mettre en œuvre le festival. On a le temps, on a de la patience. Elle n’est pas éternelle parce que c’est de l’argent engagé, mais au bout de la 3ème édition on a fini par trouver notre public, même si on peut encore attirer d’ailleurs que d’Orléans, de Tours, de la Région Centre, l’année dernière on a fait complet le samedi. Je ne sais pas comment ça va évoluer, mais les gens reviennent peut-être par rapport aux découvertes qu’ils peuvent avoir fait les années précédentes, sans forcément connaître les groupes qu’on programme parce qu’il est vrai que cette année, à part Altin Gün, Arnaud Rebotini, Namdose, Vaudou Game, ce sont des groupes qu’on a déjà vu un peu en France ou à l’Astrolabe, mais tout le reste ce sont des groupes, qui pour la plupart, font leur premier passage à Orléans.
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> Comment réalise-t-on une programmation tournée vers l’émergence ? Beaucoup de veille, de déplacements sur d’autres concerts… ?
Pour le festival il y a Frédéric Robbe, le directeur de l’Astrolabe, qui fait de la veille également, qui participe à la programmation et moi je vais régulièrement à des festivals, pas forcément des festivals de têtes d’affiche mais justement des festivals où je peux découvrir des groupes. Je fais également énormément de veille et je reçois beaucoup de sollicitations, à la fois de groupes en direct et de tourneurs français voire de tourneurs étrangers. Je parle avec plein de gens qui écoutent de la musique et qui me font découvrir plein de choses. Donc j’écoute les gens, mes homologues dans d’autres festivals, des amis qui habitent sur Orléans. On est en quête permanente, Fred et moi, sur la curiosité, la nouveauté, sur ce qu’on peut entendre. Et on a la chance effectivement de se déplacer assez régulièrement sur des festivals.
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> Vous programmez également des artistes locaux. Par conséquent, quand vous réalisez la programmation du festival, est-ce que vous respectez une sorte d’équilibre ? Faire venir un pourcentage bien précis d’artistes locaux face à des artistes internationaux ou alors vous fonctionnez plutôt au coup de cœur ?
C’est à la fois au coup de cœur puis c’est aussi lié à un dispositif. Il y a des artistes régionaux qu’on a vus, qu’on a bien aimés, comme par exemple les Stuffed Foxes qui tournent un petit peu depuis cette année et que j’ai vu pour la première fois à Bourges. J’avais écouté leurs morceaux et j’avais vraiment bien aimé et une fois qu’on les a vus on n’a pas hésité pour les programmer. Après il y a des groupes qui sont portés soit par des salles équivalentes comme le Chato’Do, le Temps Machine ou par des dispositifs d’accompagnement où on arrive à repérer, chaque année, des groupes et qu’on sent prêts pour jouer à Hop Pop Hop, comme Le Comptoir qui est un groupe assez récent de hip-hop d’Orléans, que Polysonik et l’Astrolabe ont accompagné. Et l’idée c’était de se dire, avec Benjamin, le directeur de Polysonik : « On les a fait jouer à l’Astrolabe une première fois sur la grande scène, donc pourquoi pas les montrer à un autre public dans le cadre du festival. » D’une part ça leur fait une expérience de concert supplémentaire, puis ça nous permet de les faire découvrir à d’autres personnes et eux peuvent jouer et se faire plaisir.
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> Le festival se déroule dans plusieurs lieux culturels d’Orléans. Comment répartissez-vous les artistes ? Est-ce que vous pensez le choix artistique en fonction des lieux ?
Non. A part à la salle de l’Institut du Conservatoire, où pour des raison d’acoustique on fait un peu attention aux groupes qu’on peut y mettre car c’est une salle assise avec des boiseries, des grands miroirs, c’est une salle du 19ème siècle qui est superbe, pour le reste on évite qu’il y ait une unique couleur musicale dans une salle pour cloisonner les genres. On force les gens, même s’ils font ce qu’ils veulent, avec un parcours ping-pong entre les salles. Donc on peut passer d’un groupe de hip-hop à un groupe de rock’n’roll ou à un groupe de hardcore qui va succéder à un groupe de pop… Ça arrive. Après, parfois, dans les salles, il y a peut-être des touches sur les esthétiques, mais on ne trouvera jamais dans une même salle qu’un groupe de pop. Puis ça peut aussi être lié à la configuration du groupe. Il y a des scènes qui sont trop petites pour accueillir des groupes où ils sont 7/8 donc on fait aussi gaffe à l’accueil du groupe. Mais globalement on a envie qu’il y ait un parcours et on pousse les gens à se balader entre les salles.
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> En dehors des concerts, le festival a aussi un impact particulier sur la ville d’Orléans. Vous proposez des « Contre-visites » à destination des professionnels, il y a également, cette année, la présence d’un concept-musical qui vient de la Nouvelle-Orléans, et on sait que la Nouvelle-Orléans est jumelée avec Orléans depuis janvier 2018… Du coup est-ce que Hop Pop Hop est également une façon de mettre en lumières la culture et l’histoire de la Ville d’Orléans et est-ce que ce sont des paramètres que vous prenez en compte dans la programmation ?
Quand le festival s’est créé, Fred disait « Comment passer un week-end à Orléans ? », donc comment les gens qui ne sont pas forcément d’Orléans peuvent se faire plaisir en se baladant dans des lieux culturels à Orléans, en se baladant dans le cœur de ville, dans le centre historique d’Orléans. Si possible on la chance, une fois qu’on a pris sa place, de pouvoir sortir des sites du festival et de pouvoir se balader si on le veut, donc pour ceux qui ne connaissent pas le centre ville, de pouvoir aller dans le centre ville, de pouvoir aller manger quelque part et puis de se balader. En impliquant d’autres lieux comme le Musée des Beaux-Arts, puisqu’on y accueille les Haïkus numériques ça permet aussi aux gens de découvrir un autre établissement culturel et pourquoi pas l’exposition du moment… La déambulation qui est prévue avec la compagnie Engrenage, de Rennes, rappelle aussi la Nouvelle-Orléans puisque c’est une dizaine de musiciens, de chorégraphes et 40 ambassadeurs qui vont faire une second line comme les carnavals de la Nouvelle-Orléans à travers le centre ville, donc il y a forcément un lien avec cette récente histoire de la Nouvelle-Orléans et d’Orléans. Qui plus est la Nouvelle-Orléans est une ville musicale donc c’était l’opportunité de faire venir des gens et il y a aussi la Music Box Village, qui a été découverte par Fred à la Nouvelle-Orléans. C’est un village rempli de « maisons instrumentales », chacune a une fonction différente et chacune fait de la musique et en l’occurrence nous allons accueillir une cabine téléphonique qui a été créée pour l’occasion par les américains qui vont venir avec et qui vont pouvoir l’utiliser. Il y a des petites enceintes au dessus de la cabine téléphonique qui vont permettre de faire de la musique, de chanter dans la cabine avec une réverbération naturelle et tout ça va être guidé par les gens qui l’ont conçue et les gens vont pouvoir se l’approprier dans le site du festival et à l’occasion d’un brunch qui va être fait par Caro, la cuisinière de l’Astro et de d’autres lieux. Elle va proposer un brunch Nola aux couleurs de la Nouvelle-Orléans, qui sera accessible au public et il y aura cette démo de la Music Box de la Nouvelle-Orléans en même temps. Donc il y a forcément des liens, un impact et on tient compte de notre territoire pour monter le festival. Il y a eu ce jumelage, cette opportunité de faire des choses avec la Nouvelle-Orléans. On ne s’arrêtera pas uniquement à cette édition, on va pérenniser, on va essayer de refaire des choses. On a déjà fait des concerts cette année, avec des groupes de la Nouvelle-Orléans et on compte pérenniser des actions avec les gens de la Nouvelle-Orléans sur les année suivantes.
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> Justement, en terme de territoire, la Région Centre est dotée de beaux événements, que ce soit à Bourges avec le Printemps de Bourges, à Tours avec Aucard de Tours, à Chartres avec L’Paille à Sons… Est-ce que Hop Pop Hop c’était aussi une façon de dire que dans le 45 il se passe également des choses et d’avoir un festival qui puisse attirer tous les publics au même titre que ces autres événements régionaux ?
Effectivement. Vous parlez du Printemps de Bourges, il y a Aucard de Tours, il y a les Rockomotives à Vendôme, qui sont des beaux événements, notamment les Rocko et Aucard de Tours et il y en a plein d’autres qui sont moins connus et on avait envie qu’à Orléans il y ait un festival comme ça et qui ressemble à ça. Il se trouve que ce qu’on a pensé et écrit est sorti de terre. Je pense qu’il y a de la place pour d’autres choses et effectivement à Orléans il y a actuellement l’Autre Monde avec l’association Défi qui fête ses trente ans au Parc Pasteur. Ça va participer au rayonnement de la Région mais c’est surtout le moyen de raconter une histoire sur un festival et de se faire plaisir, de donner envie, d’exciter la curiosité des gens et de passer une week-end autour de la musique émergente, que ce soit rock’n’roll ou autre… et ça un impact sur Orléans, sur le département, sur la région puisqu’il y a des gens qui viennent de la région et ça fait partie des festivals de la Région Centre maintenant. On est tout récent, rien à voir avec les Rockomotives qui ont plus de 20 ans voire 30 ans mais on est un des festivals de la région et on est content de le faire vivre sur la ville d’Orléans.
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> Pour terminer, des petites envies pour le futur du festival ?
Il y a toujours plein de groupes qu’on veut faire venir et qu’on n’a pas réussi à faire venir cette année et qu’on aimerait bien faire venir l’année prochaine, parce que soit il y a des problèmes de disponibilités, soit ce sont des groupes qui ne tournent pas à ce moment-là, soit ce sont des groupes qui vont chez d’autres festivals… donc il y a toujours cette curiosité, cette envie incessante de faire venir des groupes et puis d’autres qu’on va découvrir en même temps. La liste est longue, on pourrait faire beaucoup de festivals chaque année parce qu’il y a tellement de groupes excitants un peu partout. Puis il est trop tôt pour savoir comment on va faire évoluer le festival. Est-ce qu’on le garde en l’état ? On verra. Pour l’instant il est sûr qu’on va pérenniser les lieux avec qui on collabore : la Scène Nationale, le CCN, le 108… Puis il y a le Hop Pop Off, qu’on a encore changé cette année puisqu’on associe La Ruche en Scène, qui est en café-théâtre qui aimerait bien faire des concerts et qu’on associe donc dans l’accueil des showcases qui sont proposés par Radio Campus Orléans le samedi après-midi. Le Musée des Beaux-arts est une nouveauté de cette année, est-ce qu’on le refera l’année prochaine… ? Ça dépend. L’évolution est perpétuelle sur les lieux associés et puis on pourrait penser à un jour supplémentaire.. On ne sait pas encore. Pour l’instant on est sur la configuration des deux jours qui fonctionne bien, qui est bien organisée par toute l’équipe et on a envie de fidéliser les gens sur ce week-end là. Et puis place aux évolutions à l’intérieur, en dehors… Le festival évolue un peu chaque année, donc les années suivantes on aura encore d’autres idées qui viendront alimenter le contenu du festival.
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Un grand merci à Matthieu Duffaud pour cet échange particulièrement intéressant !
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