Pour la première journée de l’édition 2015 du Printemps de Bourges, nous avons eu l’occasion de discuter avec le batteur Léo et le bassiste Nathan de Kid Wise avant leur concert au 22 Est le soir-même.
.
> Depuis la sortie de l’album, tout semble s’être accéléré pour vous (émissions TV, radios,…). Comment vivez-vous ça ?
Nathan : C’est plutôt sympa. On a eu beaucoup de promos assez regroupées donc on est venus sur Paris une fois pendant une semaine et la deuxième fois pendant 10 jours. Donc ça a été intense. Mais effectivement, ça fait plaisir de voir qu’on parle de l’album dans pas mal de médias. Ça nous donne de la visibilité, donc on le vit plutôt bien !
Léo : On le vit très bien !
.
> Est-ce que cette montée soudaine en visibilité aura un impact sur votre écriture ?
Léo : Pas du tout. Quand on avait sorti notre clip Hope et l’EP Renaissance, comme on était inconnus au bataillon avant, on avait déjà forcément eu un petit engouement. Et au moment de l’écriture de l’album, on s’était un peu laissés avoir je pense par ce sentiment d’attente, et cette espèce d’idée de devoir confirmer. On a commencé à composer dans l’optique de « Qu’est-ce qui va plaire ? », « Il faut qu’on fasse un tube. ». Du coup on s’y est très mal pris, alors on a tout jeté et refait de manière plus innocente. Alors non, je pense qu’on s’est déjà laissés avoir une fois et que ça ne se refera plus. Il ne faut pas voir l’engouement et la visibilité comme des choses qui vont « pervertir ».
Nathan : C’est ça. On s’est vraiment aperçus qu’on faisait de la musique pour la faire et que c’était une chance que les médias en parlent. Non pas l’inverse : composer pour qu’on parle de nous. Ce qui nous paraitrait absolument absurde.
.
> Comment se passe le processus de composition du coup ? Vous êtes beaucoup dans le groupe, donc ça ne doit pas toujours être simple d’arriver à tous se mettre d’accord…
Léo : Carrément pas, non ! (rires)
Nathan : Généralement ça part d’une idée qui va éclore, soit au hasard d’une soirée à plusieurs, soit seul. On n’a pas vraiment de recette particulière pour composer les titres. Il y a plein de façons différentes. Puis après, on retravaille les choses ensemble au fur et à mesure. Donc effectivement, il y a toujours des débats dans la composition puisqu’on a tous des influences différentes. Mais en même temps, c’est aussi ça qui est positif, on s’en nourrit aussi. La plupart du temps, ça peut être un riff de piano qu’Augustin va trouver. Mais de manière globale, c’est vrai qu’on intervient tous plus ou moins selon les titres dans la composition.
.
> Comme tu l’as dit, vos influences sont très multiples. Est-ce que ce n’est pas un peu difficile parfois de réussir à garder une unité quand il y a tant de diversité ?
Léo : Oui, c’est vrai. Mais on y travaille et je pense que, de plus en plus, on arrive à se créer notre identité musicale. Donc c’est une bonne chose. Parce que c’est vrai qu’on part perdants car c’est très hétéroclite. Chaque membre a son univers bien à lui, qu’il décide d’implanter d’une manière ou d’une autre, et c’est tant mieux. On a mis un peu de temps à se trouver musicalement, mais là c’est fait je pense. En live en tout cas. Mais pour l’album on s’est tous entendus. On est tous très fiers du rendu. Après, on verra comment ça va évoluer dans le futur. C’est vrai que c’est compliqué, mais quand on trouve la bonne recette, c’est que du bonheur !
Nathan : Oui, et puis au fur et à mesure, on s’est aussi nourris des influences des autres. Donc finalement, quand on compose maintenant, on y va plus par petites touches, sans aller dans des extrêmes complètement opposés. On a tous pris un peu de toutes les influences, donc maintenant il y a plus d’homogénéité. Ça se fait plus naturellement.
.
> Pour cet album, vous avez collaboré sur Ceremony avec l’artiste iranien Mohammad Moussavi. Comment cette collaboration est-elle arrivée ?
Léo : Ça s’est fait par l’intermédiaire d’Augustin qui est un grand fan du pianiste allemand Nils Frahm. Et cet artiste avait partagé sur Internet une reprise faite par Mohammad et Augustin est tombé amoureux de son univers. Du coup, ils se sont mis un petit peu à papoter et Mohammad lui a expliqué sa situation en Iran qui est très compliquée. Toute musique qui n’est pas, soit sponsorisée par l’Etat donc de la pop vulgaire, soit de la musique religieuse, est interdite et est passible de peine de prison. Un de ses amis est décédé à cause de ça justement… Donc c’est très compliqué pour lui de faire de la musique. C’est une histoire assez touchante et on avait cette plage dans Ceremony où on avait quelques idées mais sans savoir exactement quoi faire. C’est venu un peu comme une évidence de lui laisser cette plage de 2/3 minutes. On lui a dit qu’il avait carte blanche. Ça lui a pris 3-4 jours pour nous envoyer son truc, parce que l’Internet là-bas est assez restreint. Du coup, quand on a eu le rendu final, on n’y a pratiquement pas touché parce que c’était juste ce qu’il fallait.
Nathan : Moi ça m’a particulièrement touché, et j’ai trouvé ça intéressant parce que j’avais vu le film Les Chats persans de Bahman Ghobadi qui était sorti il y a quelques années. Et on a malheureusement reparlé d’eux parce qu’il y a des personnes qui ont joué dans le film qui ont été assassinées. En plus, c’est un très beau film qui parle justement de la situation des musiciens indépendants à Téhéran et en Iran en général. Donc c’était intéressant de faire participer un artiste iranien car c’est la galère pour eux. Son type de composition était vachement cohérent avec le titre Ceremony. On est contents du résultat final pour ce titre. En plus, c’est un mec en or.
.
> Vous avez eu l’occasion de le rencontrer ?
Nathan : Non, mais on discute beaucoup sur les Internets. Oui, c’est lui qui nous a dit « les Internets » (rires).
.
> Et puis ça doit être une expérience très enrichissante, parce que la musique dans ce pays n’est pas du tout la même qu’en France.
Nathan : Ah oui, carrément !
Léo : En fait, on a tellement aimé son travail qu’on a décidé de le mettre sur le live aussi. On a un sample qu’on envoie et qui est en fait ce qu’il a fait sur l’album. C’est vrai que c’est plein de sonorités différentes. La manière de jouer de la guitare est également différente. Par exemple, il y a ce son assez spécifique dans son passage qui est réalisé avec un tube à essai de physique-chimie frotté contre la corde. Du coup, notre guitariste a aussi repris cette idée et le fait en live. C’est super enrichissant.
> Est-ce que ça vous a donné envie de collaborer avec des artistes d’autres pays à l’avenir ?
Léo : Oui, si on a l’occasion, carrément !
Nathan : On a déjà eu la chance sur l’album d’avoir eu un remix de Son Lux, un artiste new-yorkais. A la base, on aime beaucoup son travail donc c’était un honneur d’avoir un remix de sa part. Par le futur, on espère avoir d’autres occasions de le refaire.
.
> Et comment il est venu ce remix ? C’est lui qui est tombé sur votre musique ?
Léo : En fait c’est le label qui avait envoyé des propositions. On a fait une liste de plusieurs artistes de qui on aimerait bien avoir des remixes. Mais on a vu un peu trop haut ! (rires) Mais ce qui est bien, c’est que tout le monde nous a répondu, donc c’est déjà une bonne chose. Pour la plupart, ils n’étaient pas forcément disponibles pour cause de tournées ou de trucs comme ça. Mais Son Lux a répondu positivement à la demande, donc c’était vraiment cool.
.
> Parce que vous aviez mis qui sur votre liste ?
Léo : On avait tenté James Blake, Arcade Fire, Modeselektor.
Nathan : Modeselektor devait le faire. Mais finalement, les membres ont dit que le morceau était trop bien pour être remixé. C’est ce qu’ils nous ont dit mais bon je pense qu’ils n’avaient pas le temps ou autre…en tout cas, c’est la version officielle !
.
> Présenté de cette façon-là, ça a l’allure d’un compliment.
Nathan : Oui, c’était peut-être le but. Mais on a trouvé ça dommage, parce qu’on aime bien ce qu’ils font aussi. Après, ça se comprend aussi parce que parfois ils ont des impératifs. Je sais qu’ils ont une tournée qui s’est engagée, donc ce n’est pas forcément évident.
.
> En parlant de tournée, vous venez de faire une date à la Maroquinerie de Paris qui était complète ! Ça fait quel effet ?
Nathan : C’était assez dingue ! Ça a été sold-out la veille du concert ou le jour même. C’était un grand moment, on a joué 1h30 de set et il y avait un partage fou avec le public !
Léo : On a eu notre première banderole : « Merci de nous avoir fait vibrer ». C’était de Fabien Framery, c’est ça ?
Nathan : Oui c’est ça. Il nous a écrit, on lui a répondu et on a gardé la banderole.
Léo : Merci Fabien !
Nathan : C’était vraiment super le concert. On a passé un très bon moment.
Léo : On nous avait souvent dit quand on a commencé nos concerts que quand on allait monter à Paris, les gens allaient nous voir comme des provinciaux, que ça allait être difficile de gagner leur approbation. Mais en fait, pas du tout. A chaque fois qu’on a fait des concerts sur Paris, on a reçu un très bon accueil. Le Point Éphémère était complet et génial aussi. Et là, la Maroquinerie c’était la confirmation. En plus, c’était une date clé pour nous parce que c’était notre première date après la sortie de l’album. Du coup il fallait absolument qu’on confirme. Et autant notre prestation à nous que le public, c’était de la folie.
.
> Quelle est votre relation avec le public ?
Léo : La plus proche possible.
Nathan : C’est ça. En plus on adore ça de discuter, de dialoguer avec les gens qui font attention à notre musique. C’est nous qui gérons les réseaux sociaux. Ça permet de garder un contact direct, ce n’est pas du tout informel et impersonnel. On a toujours plaisir, après les concerts, d’aller au merchandising pour discuter avec le public. C’est toujours de belles rencontres. En plus, on en retrouve certains sur d’autres dates.
Léo : Et je pense que c’est super important au-delà de ça. Parce que quand on commence à faire beaucoup de concerts, il y a pas mal de gens qui peuvent se dire que l’on entre dans une logique concert : concert, dodo, un autre concert le lendemain dans une autre salle, avec un autre public… Ils peuvent se dire que maintenant qu’on est dans cette logique-là, le rapport avec le public va se faire plus difficilement. Donc je pense que c’est important de rester en contact, parce qu’on a un profond respect et une admiration pour les gens qui nous suivent et qui sont fidèles. Et puis ce n’est pas un effort, c’est un plaisir, quelque chose de normal et il faut que ça le reste.
.
> Vous avez fait aussi pas mal de showcases à la Fnac. Ça doit être une autre façon intéressante d’aborder le live ?
Léo : Tout à fait !
Nathan : Oui parce qu’on joue avec un peu moins d’instruments. On vient d’en faire un à la Fnac de Bourges, et à chaque fois qu’on joue à la Fnac on a toujours été super bien accueillis et les gens y sont venus. Certes, on retravaille les morceaux pour les showcases électro-acoustiques mais après, pour la façon d’aborder le live, on les prend de la même façon. On n’utilise juste pas les mêmes effets, c’est moins énergique.
Léo : Mais c’est plus intimiste. Puis là pour le coup, il y a vraiment un contact après car ils installent les tables et on a vraiment le temps de discuter avec les gens. On les remercie car on a un gros partenariat avec eux depuis la sortie de l’EP Renaissance. Ils nous suivent beaucoup, on gagne pas mal de visibilité grâce à eux. Je fais un peu un placement de produit là…Merci la Fnac ! (rires)
> L’interview touche à sa fin. Pour terminer, comment envisagez-vous l’évolution de votre musique ? L’Innocence traite beaucoup de ce passage à l’âge adulte, de cette perte de l’innocence, mais vous allez continuer à grandir, à vivre d’autres expériences. Comment pensez-vous que vos chansons vont évoluer par rapport à vous ?
Nathan : On a une façon de composer assez organique. Donc c’est difficile de répondre à ça maintenant.
Léo : On a déjà quelques bribes d’idées, mais pour nous là, on est un peu dans la gueule de bois de l’album L’Innocence. Donc pour le moment, on se focalise beaucoup sur le live pour défendre l’album. Mais dans un futur proche, on va commencer à recomposer. Donc comment on se voit plus tard ? Ça sera de nouvelles compositions, enregistrer un autre album et puis que le rêve continue !
.
Merci à eux pour avoir pris le temps de répondre à nos questions !
www.kidwise.fr
www.facebook.com/JESUISKIDWISE
Photo © Laure Clarenc