Le 3 décembre dernier, le lendemain de leur concert au Point Éphémère, nous avons eu la chance de pouvoir rencontrer The Dedicated Nothing. Tout droit venus de Biarritz, les quatre membres ont accepté de répondre à nos questions et de revenir avec nous sur le chemin qu’ils ont parcouru de leurs débuts jusqu’à la sortie en octobre dernier de leur premier album Dawn to Dusk.
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> Pouvez-vous nous présenter The Dedicated Nothing ?
Franck : D’abord, on t’a dit qu’on n’avait pas dormi de la nuit ? Alors, un peu d’indulgence… (rires)
Greg : Je me lance ! Fin 2010, Franck le batteur, et moi-même, on décide de faire un bœuf pour délirer dans sa cave. Puis, Clément le guitariste débarque. A la deuxième répétition on compose Running Away, on ne veut pas faire de reprises. A l’été 2011, on fait notre premier concert juste pour délirer devant une soixantaine de potes. On ne le savait pas mais il y avait des gens du label Drop-In Music. Ils nous proposent leur studio et ingé-son pendant 3 jours/3 nuits pour faire une maquette. Franck qui, d’un projet de dix ans, se souvient du bassiste Mathieu, l’appelle et il arrive au studio. En septembre 2011, on sort cette première maquette. Début 2012 on se retrouve à Ephélide avec Nathalie pour envisager de bosser ensemble. On hallucine. On lance nos premières dates en printemps 2012 et sur la deuxième, Running Away commence à arriver dans les oreilles des gens. JD Beauvallet, rédac chef des Inrocks musique, nous fait un super tweet. On se retrouve à jouer devant 3 000 personnes pour notre 10ème concert, devant plus de 5000 à notre 12ème grâce à Quiksilver et Roxy. Très rapidement, on est propulsé vers la professionnalisation, toutes proportions gardées. Le groupe se construit et on apprend, avec des moments difficiles forcément, ce que c’est que d’être des rock stars comme des gosses. L’EP sort en février 2013. On ne s’attendait pas à se retrouver sur OÜI FM, Le Mouv’,… Puis on fait notre premier festival, le Big Festival, en ouverture de Two Door Cinema Club. C’était une expérience dingue, possible grâce à tout un entourage qui est toujours là pour nous élever dès qu’il y a une opportunité. De fil en aiguille, on rentre en studio. Notre premier album Dawn to Dusk est sorti le 6 octobre. Notre histoire aujourd’hui, c’est quasiment 60 concerts dont des ouvertures comme celles de Status Quo, BB Brunes, … C’est incroyable, nous sommes encore tout petits, mais on a déjà fait des trucs tellement dingues !
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> Vous avez aussi fait la première partie de Stromae. Comment cela a pu se réaliser ?
Franck : Grâce à une belle dynamique du réseau local qui nous permet d’arriver dans les bonnes mains et oreilles. On a participé au concours par Crédit Mutuel, on l’a gagné et on s’est retrouvé en première partie de Stromae à l’Aguiléra devant 5000 personnes !
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> Cela n’était pas trop impressionnant et stressant d’assurer une telle première partie ?
Mathieu : La foule était cachée, on ne pouvait pas savoir s’il y allait avoir du monde. On ne cogitait donc pas. C’est quand on est arrivé sur scène qu’on a fait « Waouh » !
Greg : Jusque-là, nous sommes très stimulés sur les grosses scènes et on adore ça. Le son et l’accueil technique sont incroyables. C’est stressant mais je pense qu’on a appris à mieux les gérer car il y a un mouvement de foule qui entraîne. Là, pour le coup, la réaction du public était juste hallucinante ! Au final, c’est l’intimité avec le public qui n’est pas facile.
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> Parmi toutes ces premières parties que vous avez assurées, laquelle vous a le plus marqués ?
Franck : Breton. Ce sont des bêtes de scène et de supers gars ! J’ai vraiment pris une claque dans la modernité, le sens un peu fusion du rock indé moderne d’Angleterre.
Greg : Moi j’avais beaucoup aimé notre concert de Two Door Cinema Club, c’était incroyable.
Mathieu : En règle générale, on a pris des claques sur toutes ! On apprend beaucoup grâce à ça, comme des gosses en train d’observer des grands.
Clément : Pour moi, Status Quo au Palais des sports, cette énorme scène. On avait un peu d’appréhension car c’était un public assis, qui ne nous était pas forcément destiné. Au final ça s’est très bien passé. Les gens ont dû percevoir qu’on prenait du plaisir.
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> Avez-vous ressenti une différence entre le public parisien du Point Ephémère hier, et celui du Sud ?
Franck : A Paris, il y a une culture des vraies salles rock, une curiosité, comme à Londres. Quand on vient ici, on est toujours bien accueilli par les équipes techniques, on travaille dans des conditions top avec le smile et du super matos. Et puis le retour du public a toujours été agréable. On s’amuse aussi dans le Sud-Ouest, mais le rapport avec le live n’est pas le même.
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> Tant qu’on parle des concerts, vous devez bien avoir quelques anecdotes à nous raconter…
Franck : Quand on a joué pour la première fois Dawn to Dusk, morceau très spontané et intense, aux Arènes de Bayonne. Le regard de Mathieu rempli de larmes à la fin du morceau, c’était fort en émotions.
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> Vous avez une préférence entre le processus de composition et celui de la scène ?
Greg : L’un nourrit l’autre. Le studio nous permet de nous poser et de réfléchir un peu plus en profondeur. Tandis qu’en live, on peut laisser parler l’énergie.
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> Tout à l’heure, vous avez dit que vous n’aimez pas faire de reprises. Beaucoup d’artistes de nos jours utilisent pourtant cette méthode pour gagner en visibilité. N’est-ce pas trop compliqué de débuter sans passer par cette étape ?
Franck : Chacun de nous a eu son lot de Téléphone, Oasis,… à 15 ans. Mais c’est toujours moins bien que les versions originales. Alors sur ce projet, l’idée était vraiment de créer du neuf.
Greg : Après, on a quand même pris beaucoup de plaisir à travailler quelques covers à notre façon, comme Santigold en acoustique pour OÜI FM. Je sais qu’il y a des groupes qui se font vraiment la main en faisant des reprises. Mais nous, notre chalenge était de ne pas en faire.
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> Et du coup, comment vous composez vos propres chansons ? N’est-ce pas trop difficile de se mettre d’accord quand on est quatre ?
Greg : C’est incroyablement simple. Les chansons naissent quand on est ensemble dans une super énergie, et jamais lorsqu’on est chacun de notre côté. Souvent, à peine le matos branché, Clément lance un riff avec sa guitare et on va progressivement composer un nouveau morceau.
Franck : Chacun peut, comme sur Running Away, donner des conseils sur les différents éléments : le chant, la basse, la batterie,… C’est notre manière de fonctionner, sinon ça ne marche pas.
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> Et comment trouvez-vous l’inspiration pour écrire ?
Franck : On prend énormément de drogues…
Clément : …et d’alcool. (rires)
Greg : Il n’y a pas du tout de prise de tête, on ne se met pas devant une feuille blanche en se demandant ce qui va se passer. Ça part de la musique, et les paroles viennent après. Nous sommes inspirés par la vie en général, le surf, notre histoire humaine, les gens qui travaillent avec nous et les potes qui nous supportent.
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> Pourquoi chanter en anglais ?
Mathieu : Greg a grandi à l’étranger, il a appris à parler anglais avant le français. Du coup, la question ne s’est jamais posée. Et puis, on est baigné dans la musique anglo-saxonne.
Greg : On a joué en Angleterre pour voir si l’accent passait et on nous a dit que ça sonnait australien. Donc c’était bon. Et puis, pour le moment, je ne sais pas chanter en français. (rires)
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> On retrouve certains titres de l’EP sur votre album, dont Love Me Girls qui a été réarrangé. Pourquoi ne pas l’avoir laissé comme tel ?
Clément : C’est parti de promo radio où on devait jouer en acoustique. Exercice qui nous paraissait quasiment impossible sans guitare électrique, et inintéressant par rapport à notre style. Finalement on a adoré. On en a eu des retours très positifs sur cette version. Donc on a pensé qu’on pourrait la sonoriser, la retravailler en un peu plus pop et calme pour l’album. Ça a été un grand kiff.
> Et justement, comment est-ce que vous qualifieriez votre style de musique ?
Greg : C’est de la très bonne musique ! (rires)
Mathieu : C’est toujours un peu difficile pour nous de la qualifier. Mais ce qui revient assez souvent en lisant les critiques, c’est que c’est de la musique assez sombre, urgente et anxiogène. Spontanée.
Franck : La dernière fois j’en discutais dans une interview. On disait qu’il y a vraiment un intérêt dans l’ambivalence de notre musique, entre le côté sombre et le côté dansant. Il y a une dualité qui revient assez souvent, alors qu’on ne force pas le trait. Elle donne envie de bouger…
Mathieu : …ou de tout casser ! (rires)
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> Certains la qualifient aussi de surf-music…Mais qu’est-ce que la surf-music ?
Mathieu : Surf et musique, deux mots qu’on aime bien mettre à côté. Mais maintenant, ça ne veut plus dire grand-chose. Il y a des surfeurs qui font des styles de musique totalement différents : Jack Johnson, ou la légende Tom Curren qui a d’abord fait du jazz-fusion. On a aussi un copain surfeur qui fait de l’électro.
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> A propos du surf, votre nom provient d’un terme inventé par le surfeur Miki Dora. Pouvez-vous nous en dire plus sur sa signification ?
Greg : Ca veut dire « dédié à rien ». Pour nous, ça signifie être à fond dans ce projet, prendre du plaisir et avoir envie de progresser. Mais « rien » parce qu’on ne veut pas y mettre l’enjeu d’une vie, il faut savoir garder du recul. Tous les jours, on voudrait tout plaquer pour ça, mais on ne peut pas.
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> La musique n’est effectivement pas le chemin le plus stable… Sans elle, qu’auriez-vous fait ?
Franck : On se serait bien fait chier ! (rires)
Greg : Pilote d’avions. On adore tous voyager.
Franck : Mais t’es nul en maths… Et il faut passer par deux/trois équations pour y arriver…. (rires)
Greg : Non mais moi je ne veux pas y arriver, je veux y être ! (rires) Enfin bref, dans le milieu du voyage. On a tous beaucoup voyagé et on se retrouve autour de ça, de cette inspiration qui va de New-York à l’Indonésie.
Franck : Sinon Clément a une passion pour le tuning. (rires)
Mathieu : Et il conduit bien…!
Franck : Non, ça c’était une connerie ! (rires)
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> Les maths, la conduite… Quels sont vos plus grosses lacunes, ou vos plus gros défauts ?
Greg : Je ne suis pas nul en maths. C’est parce qu’il y en a un qui est trop fort, et du coup on pense que je suis nul, mais c’est faux… (rires) Mais mon plus gros défaut c’est mon nez. (rires) Et Franck est dictateur !
Franck : Ce n’est pas un défaut du coup, c’est une avancée démocratique et sociétale ! (rires)
Greg : Sinon pour Mathieu, c’est qu’il est très fatigué ! Plus sérieusement, je pense qu’on se prend beaucoup la tête sur nos concerts. On va très loin dans l’exigence, la remise en question.
Franck : Nous sommes un peu chiants envers nous-mêmes, et envers les autres aussi du coup. On a peut-être trop de rigueur parfois.
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> Vous avez dit que vous aimez voyager. Est-ce qu’il y a un pays dans lequel vous rêveriez de jouer ?
Franck : On avait déliré une fois sur le principe d’une tournée sur les pas de Miki Dora, entre San Francisco et San Diego, en passant par Tijuana et la frontière mexicaine. On a envie de jouer, d’aller sur la route pour rencontrer tous ces publics, ces cultures. La côte ouest peut être un joli périple par rapport à notre histoire du surf !
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> Toujours par rapport au surf, vous travaillez également avec Quiksilver… Comment se déroule le travail avec une grande marque comme elle ?
Clément : En fait, le label est une filiale de Quiksilver. Le studio est sur le campus de la marque pas loin de chez nous, perché dans la forêt, à 500 mètres de la plage. C’est un cadre exceptionnel !
Greg : C’est une des rares marques de surf de cette taille-là qui a toujours essayé d’être aussi dans la musique. Il y a tout leur réseau de concept stores dans lesquels on a déjà joué. Grâce aux opportunités qu’elle nous fournit, on s’est retrouvé propulsé en dix concerts sur des scènes incroyables, ce qui nous a permis de gagner en qualité et visibilité !
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> Tout votre univers musical est en lien avec le surf. Cela n’est-il pas un peu restreint parfois ?
Franck : Au début, on avait énormément peur d’être catalogué. Mais on s’est rendu compte que même si l’esthétique et l’imagerie du groupe étaient liées au surf, on arrivait à avoir une certaine distance. Et puis, on ne force pas vraiment le trait, c’est notre style de vie depuis qu’on a 15 ans.
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> Avec toutes ces expériences, 2014 a été une année bien remplie. Etes-vous déjà en train de réfléchir à un nouvel album, à d’autres projets pour 2015 ?
Franck : Oui, a un EP. On est reparti bosser ça en résidence et on a déjà quelques chansons. Là, on est un peu tout feu tout flamme alors on aimerait bien le sortir au printemps, plutôt que de re-rentrer dans un processus long d’album.
Greg : On a envie d’exister, et l’EP est ce qu’il y a de plus rapide pour ça. Chaque année on envisage des choses et jusque-là, on touche du bois, il s’est passé à peu près ce qu’on espérait. C’est dingue ! Alors disons que 2015 sera l’année des festivals !
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