Quelques heures seulement avant son premier concert en France au Pop Up du Label, Kate Miller-Heidke, chanteuse australienne, nous a accordé un peu de son temps afin de revenir sur ses choix artistiques et sur son nouvel album O Vertigo! .
> Je pense que les français ne vous connaissent pas tous encore. Pouvez-vous vous présenter ?
Je suis une auteur-compositrice-interprète. J’ai beaucoup joué à travers le monde, mais ce soir sera ma première en France. Du coup, c’est très agréable d’être ici.
> Vous avez d’abord étudié la musique classique. Comment vous est venue cette idée de vous lancer dans une carrière solo plus pop ?
En fait, ma plus grande passion a toujours été d’écrire des chansons. J’ai étudié la musique classique parce que je pensais que c’était une carrière plus sûre. Maintenant que j’y repense, c’était une idée étrange et folle. Je ne pensais pas que c’était possible d’avoir une carrière en écrivant des chansons, ça me paraissait être un rêve. J’ai toujours écrit tout un tas de chansons dans ma chambre, je jouais également dans des groupes. Puis j’ai sorti mon premier EP indépendant, je suis passée à la radio et j’ai signé un contrat avec un label. Voilà comment tout ça est arrivé.
> Est-ce que vous pensez qu’avoir étudié la musique classique vous a permis d’apprendre des bases musicales importantes pour la suite de votre carrière ?
Je ne pense pas. Les deux appartiennent à des mondes très différents. Je pense qu’à un certain niveau, l’Opéra est respecté. Il est considéré comme une haute discipline, un grand art, quelque chose d’intellectuel. Mais en même temps, je pense que les gens trouvent que ça sonne faux. Alors que la musique pop est plus authentique. C’est donc deux choses complètement différentes. Mais pour moi, l’étude de la musique classique a sûrement changé quelque chose à la façon dont j’utilise ma voix. C’est très différent de ce que font les autres chanteuses pop habituellement.
> Je ne sais pas exactement comment cela fonctionne en Australie…Est-ce difficile de se faire une place dans le monde musical ?
Oui, ça l’est ! Je pense que j’ai été chanceuse de pouvoir trouver cette sorte de « niche ». Je ne me vois pas comme une artiste mainstream produisant des hits. J’ai un public très fidèle. J’essaye juste de faire de la musique qui soit surprenante et différente.
> Vos trois premiers albums ont été acclamés par les critiques et le public. Le premier a été certifié disque d’or, le deuxième disque de platine. Avez-vous ressenti de la pression pour ce nouvel album ?
C’était un peu différent cette fois-ci, parce que O Vertigo! est un album indépendant. Du coup, j’avais déjà vendu beaucoup d’exemplaires à des fans avant qu’ils ne l’aient entendu, ou même avant que l’album soit enregistré. Donc, c’était cette pression-là. Les gens m’avaient déjà donné tout cet argent avant que je fasse le CD. Ça aurait été vraiment triste et embarrassant qu’ils ne l’aiment pas alors qu’ils avaient payé pour ! Mais heureusement, il y a eu une très bonne réaction. Mais je ne peux pas trop penser à ce genre de chose, à la pression et à la réaction du public. Je dois juste faire quelque chose qui me surprenne, qui soit une sorte de challenge, et surtout quelque chose que j’aime faire. C’est la seule chose que je peux faire.
> Pourquoi avoir quitté votre label ?
J’ai travaillé avec eux pendant longtemps, à peu près 8 ans, j’avais besoin de prendre le contrôle de ma carrière. Je pense que je n’ai pas besoin de cette grande construction pleine de personnes, mais juste d’une petite équipe. Je suis une obsédée du contrôle ! Je voulais pouvoir prendre les décisions dont j’avais envie.
> Pensez-vous que ça vous a permis d’être plus créative ?
Je ne suis pas sûre de cela. Mais ça m’a certainement permis de ressentir moins de pression, de me sentir plus libre de faire des chansons pour mon plaisir et celui du public.
> Vous avez donc fait appel au crowdfunding (financement participatif). Pouvez-vous nous en dire plus sur cette expérience ?
Je pense que c’est un changement intéressant dans l’industrie musicale. Pour quelqu’un comme moi, ça a très bien fonctionné parce que j’avais déjà une base de fans. Ils m’ont beaucoup supportée, ils étaient passionnés et fidèles. Ca ne fonctionne pas pour tout le monde et je ne sais pas encore si je le referai, mais je pense que c’était le bon endroit et le bon moment pour moi.
> Ça a été l’un des projets de crowdfunding le plus rapide en Australie, puisque vous avez récolté les fonds nécessaires en trois jours seulement ! Que ressentez-vous par rapport à ça ?
Très chanceuse ! On a essayé de rendre ça cool pour les gens aussi, en faisant des vidéos divertissantes et drôles. J’ai essayé d’offrir des choses que les gens pouvaient aimer. J’ai mis beaucoup d’effort pour faire en sorte que ça réussisse. Mais je n’aurais jamais imaginé que ça allait être un tel succès !
> Vous semblez effectivement avoir un grand nombre de fans fidèles. Utilisez-vous beaucoup les réseaux sociaux pour communiquer avec eux ?
Oui. Et je pense que le crowdfunding peut être considéré comme une sorte de réseau social. J’ai rencontré beaucoup de gens grâce à ça, c’était super. Je suis beaucoup sur les réseaux sociaux, probablement trop même ! (rires)
> Ce soir vous allez donc pouvoir rencontrer votre public français pour la première fois. Etes-vous excitée ?
Oui, beaucoup !
> Je crois d’ailleurs que vous avez vécue en France pendant une courte période…
J’ai fait un échange juste après que j’ai eu fini l’école. C’était à Oyonnax, entre Lyon et Genève. C’était en 1999, mon français était très bon à mon retour, mais maintenant il doit être un peu faible !
> Pouvez-vous essayer de dire quelque chose en français à vos fans ?
Qu’est-ce que tu veux que je dise ? Je suis ravie d’être ici ! Finalement, j’ai eu hâte de venir ici pour longtemps !
> Merci ! Mais revenons-en à l’album. Comment avez-vous écrit et composé O Vertigo! ?
Très rapidement, par moi-même, à Brisbane où je vivais à ce moment-là. J’ai écrit beaucoup de choses. Brisbane a une magnifique rivière, et beaucoup de mes chansons me sont venues à l’esprit pendant mes marches au bord de cette rivière. Ensuite, je rentrais à la maison et finissais les chansons au piano. L’album a été écrit en l’espace de deux mois.
> C’est effectivement court ! Est-ce que ça a été la même chose pour vos précédents albums ?
Non, c’est à chaque fois différent. Par le passé, j’ai beaucoup écrit avec mon mari. Mais cette fois, j’ai voulu tout écrire moi-même. C’est un album très personnel, sur moi.
> Pouvez-vous nous en dire plus sur les thèmes et les paroles de cet album ?
Il est rempli d’un sentiment d’indépendance, de vulnérabilité, d’une idée d’ascension dans sa propre vie. Il y a aussi quelques chansons à propos d’amour. Pour moi c’était aussi une façon d’explorer les structures des chansons pop, du coup, beaucoup d’entre elles sont assez simples. Mais c’était avant tout un travail, un jeu avec ma voix, qui m’a procuré un grand sentiment de liberté vocale.
> Vous avez travaillé avec Passenger sur Share Your Air et avec Drapht sur Drama. Comment se sont déroulées ces collaborations ?
Je connais Mike « Passenger » depuis quelques années maintenant. J’avais collaboré avec lui sur sa chanson The One You Love. Il est venu passer un peu de temps en Australie. J’avais cette chanson Share Your Air et j’imaginais sa voix dans ma tête, chantant avec moi. Je voulais qu’il y ait des collaborations dans cet album, je n’avais jamais fait ça auparavant. Il y a quelque chose de très spécial dans le fait d’amener la voix et l’esprit de quelqu’un dans ses propres chansons. Je pense que sa présence est très bien. Pour Drapht, nous étions des amis Twitter mais on ne s’était jamais rencontré. On a collaboré par mail, ce qui est assez étrange d’ailleurs. On ne s’est toujours pas vu mais il semble très sympa.
> Est-ce qu’il y a d’autres artistes avec qui vous voudriez collaborer ?
Oui, beaucoup ! Je suis une fan de ce qu’il se passe à Brooklyn en ce moment, surtout dans le croisement musical avec le classique. Si Rufus Wainwright m’appelait, je ne dirais pas non. Je suis ouverte à beaucoup de choses différentes.
> D’ailleurs, êtes-vous déjà en train de réfléchir à un nouvel album ?
Oui, j’ai commencé. J’ai peut-être une ou deux chansons. Mais ça sera très différent, c’est tout ce que je sais.
> Pour cet album, seul un clip, celui de Share You Air est disponible. Pouvez-vous nous en parler ?
C’est une très belle création faite d’effets spéciaux. Il y a des silhouettes de visages, et un jeu entre l’eau et la végétation. C’est difficile à expliquer, mais c’est très beau à regarder.
> Il y aura-t-il d’autres vidéos pour cet album ?
Je pense que oui, mais je ne peux pas dire pour quelles chansons.
> Parmi ces chansons, quelle est votre préférée ?
Je pense qu’en ce moment, avec les concerts, j’adore joué O Vertigo! . C’est très amusant, avec les jeux sur ma voix. Sinon, j’aime aussi beaucoup Yours Was The Body qui a un côté un peu plus blues.
> N’est-ce pas trop dur justement d’interpréter des chansons comme O Vertigo!, avec toutes ces variations de tonalités ?
Oui, des fois ma voix se fatigue. Je commence souvent à tomber malade. Attraper froid est mon pire cauchemar ! Donc je dois prendre soin de moi, ne pas boire trop, ne pas fumer et ne pas trop parler non plus ! Mais j’y arrive la plupart du temps.
> En plus de votre carrière solo, vous écrivez aussi un opéra, je crois…
Oui. C’est pour les enfants et les familles principalement. C’est basé sur un roman nommé Rabbits à propos de la colonisation en Australie. C’est prévu pour le mois de février. Tous les personnages sont des animaux, et je joue un oiseau.
> Est-ce la première fois que vous écrivez un opéra ?
Oui. En fait, c’est un peu comme une pièce de théâtre musicale. C’est quelque chose que j’ai toujours eu envie de faire, et j’adore ça !
> Pensez-vous que c’est une expérience que vous retenterez à l’avenir ?
Oui, je l’espère !
> Mais n’est-ce pas trop difficile de jongler entre cette activité et votre carrière musicale en solo ?
En fait, je pense que ces deux activités sont liées dans le sens où elles me permettent de toujours avoir de l’inspiration. Je pense que faire la même chose encore et encore serait ennuyant. Créativement parlant, je reste en vie parce que je fais des choses très différentes.
> Merci de nous avoir accordé un peu de votre temps. Que pouvons-nous vous souhaiter pour 2015 ?
De pouvoir retourner à Paris, ça serait super ! Et aussi de pouvoir tourner dans le reste de la France.
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