A l’occasion de la nouvelle édition du Printemps de Bourges, nous avons eu la chance de participer à une conférence de presse avec Fakear, artiste fortement prometteur de la scène électro française.
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> C’est votre première fois au Printemps de Bourges ?
Non, c’est la deuxième fois. L’année dernière, je faisais partie des Inouïs et c’était cool. Je jouais au 22 Ouest, c’était tout à la fin, il n’y avait pas grand monde. Et je me souviens, c’était une date cool et là ça fait hyper plaisir de revenir et par la grande porte, c’est trop d’honneur.
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> Le concert est complet ce soir ?
Je ne sais pas.
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> Si, c’est bien complet !
C’est vrai ? Il ne faut pas me le dire ! Maintenant, j’ai peur.
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> Il va y avoir 12 000 personnes !
Combien ?
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> La capacité, c’est 12 000, sur deux salles.
C’est… (sans mot).
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> Comment on se prépare pour un concert en festival comme celui-ci, où il y a beaucoup de monde à passer, et notamment sur une date comme la Rock’n Beat où il y a des groupes sur deux salles, avec un public qui se balade ?
Je ne me suis pas trop préparé. En fait, c’est cool, parce que les festivals c’est justement l’endroit où tu peux ne pas trop te préparer, parce qu’il y a un aspect un peu détente, tu es au milieu de plein de gens, tu peux te reposer sur les autres artistes et tu te dis « même si je foire mon concert, il y a SBTRKT et Rone qui récupèrent derrière et qui vont faire le travail ». Ce n’est pas pareil qu’une date en solo où là tu es dans une salle où les gens ont pris leur ticket pour te voir toi et tu arrives et si tu foires, c’est leur soirée qui est foutue. Il y a moins de pression en festival, même s’il y a plein de gens et qu’il y en a dix fois plus que dans une salle… Oui c’est plus détente et plus l’éclate. Et en plus ce soir je teste plein de choses, je vais jouer des morceaux qui ne sont pas du tout sortis, des choses qui sortiront dans je ne sais pas combien de temps…. Et c’est trop cool de tester, c’est l’occasion de tester les gens et de leur faire envie et de leur dire « Regardez, si vous venez me voir en vrai, ça fait ça… ».
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> Il y a des affinités particulières avec les autres groupes de ce soir ?
Oui SBTRKT et Rone, déjà ce sont de grandes influences et puis Rone je commence à le connaitre un peu, on s’est retrouvés plusieurs fois sur des dates et je pense qu’on va boire quelques verres.
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> Concernant les sets dans les festivals, c’est compliqué de les remanier ?
Non, j’ai une méthode de fonctionnement qui est bizarre parce que je fais de la musique électronique mais je ne fais pas un set qui se tient de bout en bout pendant 1h00 ou 1h15. C’est une suite de chansons, c’est comme un concert de groupes de rock, on choisit de faire telles ou telles chansons et elles se suivent. Ce soir, je joue 45 minutes donc pas très longtemps, du coup c’est facile, j’ai repris le set du dernier et j’ai enlevé cinq ou six chansons et ça se fait assez instinctivement. On le fait en concertation avec l’équipe technique. Je n’ai pas un set qui est fixe, je n’ai pas le set d’1h, le set de 45min… c’est juste un set qui bouge tout le temps.
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> Est-ce que visuellement il se passe des choses sur scène ?
Non. C’est tout noir, il n’y a rien. Il y a une lampe de chevet derrière. Non, en fait il y a un lightshow. On tourne avec deux ingénieurs lumières, donc c’est une mise en place assez importante et on a la structure, avec le logo de Fakear, les trois losanges, en très gros derrière moi et en aluminium. Il fait 5 mètres sur 4 mètres et il est complètement illuminé. Je joue avec un groupe aussi, donc il y a de la vie sur scène, avec un bassiste, un batteur, un violoncelle, un clavier et moi aux machines. C’est vraiment un concert, plus qu’un set ou un mec avec sa table, comme Rone. C’est cool parce qu’il passe plus tard et lui il est vraiment avec sa table et sa scénographie qui est vraiment imposante et moi c’est vraiment un délire qui se rapproche plus de Wax Tailor.
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> Comment vous vous positionnez sur les festivals ? On vient vous chercher pour cet aspect groupe ou plus pour l’aspect électro ?
Je pense qu’on vient me chercher pour La Lune Rousse. On vient me chercher parce que le titre a fait plein de vues sur Youtube je pense. Mais ce qui est bien, c’est qu’il y a cet aspect studio : « Fakear, la musique que tu peux écouter à la fois dans ton bain et à la fois en soirée » et en live, j’ai envie de proposer quelque chose d’un peu différent qui est, en même temps, beaucoup plus humain, plus énergique. Il y a vraiment un délire de groupe avec les musiciens. Il y a une vraie batterie, de vrais instruments et j’ai envie de changer ça. Je n’ai pas envie d’enregistrer mon album avec le groupe, je vais enregistrer mon album tout seul et en live il y a vraiment cet aspect qui est différent. Et du coup il y a certaines dates où effectivement ça pose problème. Il y a des festivals qui me programme à 2h00 du matin, après plusieurs autres musiciens électro, ce n’est pas cohérent, parce que moi j’arrive avec mon groupe et l’ambiance est plus « spectacle », « concert ». Il y a des moments de creux, des moments où il se passe des choses, ce n’est pas un set qui monte en tempo. C’est arrivé deux ou trois fois qu’on se retrouve dans cette position. Par exemple, à une soirée il n’y a pas très longtemps, je suis passé après Cottow Claw, quatre musiciens qui viennent de Besançon et qui font du son super lourd et ce n’était pas terrible. J’étais trop gêné. Le public était là en mode « montée » et il était plus demandeur d’ambiance, mais ce n’est pas trop le créneau. Fakear c’est plus quelque chose de début de soirée qui va monter.
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> Et justement cette expérience là te permet de réfléchir aux prochaines dates ?
Ce n’est pas tellement moi qui décide, ce sont plutôt les programmateurs. Et je pense que plus le mot va passer, plus ils vont voir le live avec les instruments et plus ils vont se dire que je ne dois pas être programmé trop tard. Mais il faut que le live passe, parce que là ça ne fait que depuis deux ou trois mois que je tourne avec les musiciens, donc le fait que Fakear soit en live avec un groupe n’est pas encore acquis. Si je me produis tout seul, ça danse beaucoup plus. Ça arrive encore, on alterne entre les deux. Il y a la formule live et la formule solo. Dans la formule solo je fais à l’ancienne, je suis juste avec mon laptop et mes machines et dans la formule live, je suis avec tout le monde.
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> Qu’est-ce qui fait que c’est l’un ou l’autre ?
Le budget.
> Comment on passe d’un morceau studio que tu fais avec tes machines complètes, à une formation ?
Déjà on répète. C’est quelque chose que je ne faisais plus du tout. Je n’avais plus l’habitude d’aller en répétitions, de brancher mes machines, de jouer, de faire tourner jusqu’à ce que ça groove avec le groupe. Mais l’important, c’est que c’est toujours quelque chose d’humain. C’est d’abord une relation plus qu’un fantasme sur le catalogue, les compétences de la personne. Tous mes musiciens sont des personnes avec qui je m’entends très bien. Donc tout se passe naturellement. Je ramène un morceau, ils l’aiment ou pas, ou alors ils sont obligés et après on le répète, on rigole. L’ambiance est détendue et eux apportent aussi des idées. Ils viennent du jazz, du coup ils ont vraiment une maitrise impressionnante et c’est cool. C’est hyper libre. Des fois ça ne me plait pas donc on ne le fait pas. Ce n’est pas « Fakear et ses musiciens », ils font partie de l’identité live du projet.
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> Sauf que ce n’est pas quelque chose que tu veux poser sur un album…
Oui, c’est l’identité live, mais ce n’est pas l’identité du disque. Parce que ce dernier, je le sens à fond. Peut-être que j’y repenserai après le premier album, parce que pour moi je n’ai pas encore sorti de vrai premier album, même si Sauvage était assez « gros », c’est plutôt un gros EP. Mon premier album c’est mon premier bébé, c’est mon travail et il faut que je le créé en entier, tout seul, que personne ne me donne de conseils dessus. Au deuxième album, peut-être que j’essayerai de le faire avec mes musiciens, de les solliciter pour de vraies parties de claviers, de basses… mais pour l’instant j’ai vraiment envie de ficeler mon album et après de me dire « c’est bon, je le mets derrière moi et je peux repenser ma manière de créer ». Mais ce n’est pas encore à l’ordre du jour.
> Tu as réalisé un remix du titre « Pola » de Jabberwocky. Pourquoi ce titre et est-ce que tu as rencontré le groupe, est-ce que vous avez travaillé ensemble sur ce remix ?
En fait, nous avons le même tourneur, le même agent et je pense que c’est passé par eux, je ne me souviens plus très bien comment cela s’est fait. Oui je les avais rencontrés plusieurs fois, puis on s’est croisés l’année dernière aux Vieilles Charrues, c’était un peu notre première vraie rencontre et j’avais déjà fait leur remix, mais c’était parce que c’est un peu « la famille », avec le même tourneur que moi… et j’aimais bien cette chanson, il y avait de la matière que je pouvais complètement exploiter, au niveau des voix par exemple. C’était cool à faire.
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> En début d’année tu as sorti un EP avec Superpoze et Thylacine. Tu avais déjà travaillé avec Thylacine en 2014, comment s’est passé le travail de composition pour cet EP à trois ?
On était regroupés tous les trois pour une date dans la station de ski des Arcs, à la montagne et on a passé trois jours là-bas, on jouait le premier soir et après on avait deux jours de libres, et on s’est dit que comme on se connaissait bien, Superpoze étant un ami d’enfance et ayant travaillé sur quatre ou cinq dates avec Thylacine l’année dernière, on allait se mettre dans la même chambre d’hôtel. Nous avions à boire mais rien à manger et on faisait les geeks. On avait nos trois laptops à des endroits différents, on s’était dit « on choisi un spot chacun dans la pièce qui nous va au niveau de la bulle », et chacun s’est posé dans son coin. On faisait un début de morceau, puis quand on avait trouvé une boucle cool, on la mettait sur une clé USB et on la filait au voisin. On disait « fait un truc », puis il la filait au voisin, qui la filait à son tour au voisin… Et à la fin le travail te revenait, tu écoutes ce qu’ont fait les autres, et puis tu rajoutes autre chose et ainsi de suite. Finalement, on a fait quatre morceaux comme ça et un autre en plus qui n’est pas encore sorti. Je ne sais pas si on le sortira, peut-être…
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> Et au niveau des retours concernant cet EP, vous êtes satisfaits ?
Nous n’avions pas d’ambition concernant cet EP. On s’était dit qu’on allait faire ça parce qu’on s’apprécie. On va le faire pour le plaisir, on le mettra en gratuit. On a fait ça à « l’arrache ». Au début on a proposé un lien We Transfer puis on s’est aperçu que le lien périmait au bout d’une semaine… On n’avait aucune attente, c’était vraiment une envie de faire ça pour se faire plaisir et le donner, de faire un cadeau. Et si on a d’autres occasions, on en refera un.
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> Tu parlais de ce morceau enregistré à la montagne, il y a des endroits particuliers où tu travailles ?
Non, je travaille partout. Maintenant, j’essaye d’éviter de travailler dans le train ou dans le camion parce qu’il y a trop de bruits. Dans Fakear, il y a plein de petits détails, de petits bruits que j’aime bien, du coup dans le train c’est compliqué, parce que ces petits détails tu ne les entends pas. Mais pendant un moment, j’ai pas mal travaillé dans le train. Maintenant dans le train je prends des notes. Mais je peux bosser un peu partout sinon. Après j’aime bien bosser chez moi. Faire le bazar partout et me mettre à travailler. C’est un peu névrosé.
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> Tu vas jouer à l’Olympia le 8 octobre, comment te sens-tu ?
J’ai peur. Quand on m’a dit que Le Trianon était complet, j’ai dit que c’était n’importe quoi. Je me suis demandé ce qui m’arrivait. Et puis on m’annonce l’Olympia après direct derrière. Je ne réalise pas encore. Je le réaliserai quand on me dira qu’il ne reste plus que 500 places à vendre. Mais pour l’instant c’est trop loin. Il va se passer trop de choses entre temps. Je ne le conçois pas encore, je ne vois pas encore du tout dans ma tête « Fakear » écrit sur l’Olympia.
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> Tu as aussi travaillé avec Deva Premal, qui est une artiste avec un univers très particulier, très méditatif, assez étonnant. Comment ça s’est passé, comment est venue l’idée ?
En fait, tous les samples qui sont dans Fakear sont issus de ce genre de musique de méditation, de CD de relaxation et je vais chercher des choses là dedans, que ce soit dans la musique méditative ou la musique du monde. Et un jour j’étais tombé sur un mantra que je trouvais cool, chanté par Deva Premal et au final Deva Premal a reconnu sa voix. C’est elle qui m’a retrouvé. Elle a dit que c’était sa voix, en featuring et m’a réclamé de l’argent. Ça ne s’est pas très bien passé finalement. Mais ça me servira de leçon. J’aurais bien aimé qu’elle me retrouve et qu’on ré-enregistre la partie. Mais non, ça a été très froid. Mais j’adore ce qu’elle fait, j’admire son travail.
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> Peux-tu nous parler de ton nouvel EP Asakusa à paraître le 1er juin prochain ?
Au départ on l’avait prévu pour le 18 mai mais ce sera finalement pour le 1er juin, parce que justement on a un problème avec ces questions de voix et qu’on n’a pas envie de rencontrer le même problème qu’on a eu avec La Lune Rousse. On essaye de pallier à ces éventuels soucis qui peuvent se poser. On a trouvé qu’il y avait un sample de voix qui pouvait justement donner lieu à ce genre de problème, donc on va le ré-enregistrer. C’est un EP qui est étrange parce que je fonctionne par cycle. Il y a Morning Japan, le premier EP, qui est très lumineux pour moi, très émotionnel. Ensuite il y a Dark Lands, qui est le contrepied du premier, qui est très froid et plutôt porté sur les paysages, puis il y a Sauvage, qui est très chaud, très émotionnel aussi. Et la suite c’est Asakusa, et c’est de nouveau plus froid, plus paysages. Ce n’est pas ce que les gens ont entendu dans Sauvage, ils ne vont pas retrouver cet esprit là dans Asakusa, à part un track. Les autres tracks amènent quelque chose de plus transitoire. J’étais dans une partie un peu bizarre de ma vie, je ne savais pas où me placer. Du coup c’est un EP avec quatre titres qui partent dans tous les sens. Il y a la fois un peu de Japon, il y a un morceau un peu salsa, hyper dansant et le dernier morceau est très sauvage, avec un aspect très ensoleillé et des petites voix. C’est rigolo, ça amène plusieurs choses.
> Il y a des dates en particulier ou des lieux dans lesquels tu sens très à l’aise, par exemple au Printemps de Bourges en ce moment ? On parlait aussi de l’Olympia tout à l’heure…
L’Olympia, typiquement, ce n’est pas la date où, pour l’instant, je me sens le plus à l’aise. Je pense que quand j’y serai ce sera cool, mais pour l’instant j’appréhende beaucoup. Le Printemps de Bourges, c’est cool, c’est un festival qui est plutôt symbolique en France. Tous les professionnels sont là. C’est assez familial. Ce n’est pas un festival où tu arrives, avec un défi à relever, comme aux Vieilles Charrues ou aux Solidays, où tu as une pression beaucoup plus grosse. A Bourges, c’est plus détente, plus famille. Mais à la fois qui ne l’est pas, parce que ce sont des professionnels. Après je me souviens par exemple des Vieilles Charrues, c’est un lieu mortel. C’est vraiment un des festivals dans lequel je me suis senti le mieux. Après il y a tous les petits festivals qui sont vraiment mortels, qu’il faut vraiment préserver. J’en ai fait un vraiment génial l’année dernière, du côté de Bordeaux, qui s’appelle Vie Sauvage. Le cadre, l’ambiance, le public… tout était vraiment hallucinant. C’est un festival à faire, une aventure.
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Merci à Fakear pour cet échange !
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