Fin avril, nous avons pu rencontrer By The Fall dans le cadre du festival Le Printemps de Bourges. Un échange qui nous a permis d’en apprendre plus sur sa façon de concevoir la musique, sur sa vision de l’autoproduction et sur ses projets à venir.
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> Tu as joué dans plusieurs groupes avant de lancer ce projet solo. Pourquoi avoir décidé de faire de la musique tout seul ?
C’est vrai que j’ai joué dans pas mal de projets mais ça date d’il y a longtemps. Ces chansons-là, j’ai essayé de les jouer en groupe mais ça a été compliqué parce qu’on a essayé de faire ça avec les copains. Donc il y a eu des problèmes de planning, des problèmes humains… Et au bout d’un moment, je me suis dit que j’allais poser ça sur CD et que je verrai après. J’avais besoin de passer à autre chose. Il y avait des chansons qui sont assez âgées, qui ont 7 ans maintenant, donc ça commence à faire vieux mais je ne voulais pas les lâcher pour autant. Alors tout est parti de là. Donc j’ai fait un premier EP qui s’appelle Ashes, sorti en janvier 2014, et By The Fall s’est créé là, de cette envie de compiler ces chansons-là.
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> Ta manière de travailler la musique a dû changer quand tu es passé en solo, par rapport à quand tu faisais partie d’un groupe ?
Complètement, oui. En fait, travailler en solo c’est d’une souplesse incroyable, c’est-à-dire que tu fais absolument ce que tu veux. Mais en même temps, il n’y a personne pour te dire que ce que tu es en train de faire ce n’est pas terrible. Tu n’as aucun recul, jamais, donc il faut prendre du temps. Et surtout il faut trouver la motivation et vraiment arriver à se dire « bon allez, là je m’y mets » parce qu’il n’y a personne pour te dire ce que tu as à faire, donc si au final toi tu ne te motives pas, il ne se passera rien.
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> Du coup, tu demandes l’avis de ton entourage sur ce que tu fais ?
Oui carrément ! Je suis tout le temps en train de demander l’avis de mes proches. C’est un peu obligatoire ça dans un projet solo, sinon tu fais de la merde je pense ! (rires) Mais de toute manière quand tu crées un truc et que tu veux le montrer à un public, tu as besoin d’être rassuré et d’avoir un public bêta-test. Tu leur fais écouter, tu vois un peu leurs retours. S’il y a un refrain d’une chanson qui ne plaît pas, alors tu vas le rebosser un peu. Il faut vraiment prendre le temps de faire une chanson, de faire quelques arrangements, les premiers jets, de ne plus y toucher et d’y revenir quelques mois plus tard. Ça permet de savoir ce que tu fais.
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> Tu as mis ton premier EP Ashes en téléchargement gratuit. Pourquoi ce choix ?
Parce que je ne me voyais pas faire payer cette musique déjà, et surtout parce que j’avais envie qu’elle soit écoutée. C’était un projet qui pour moi n’avait pas de grande ambition. J’ai un travail donc je ne me suis pas dit qu’il fallait absolument que je vende mon truc comme on te vend un produit. Je me suis dit que je fais de la musique, donc c’est cool s’il y a des gens qui l’écoutent, alors je n’allais pas mettre de frontières, et j’allais plutôt faire « viens l’écouter si tu veux ». Et au final, je pense que je vais garder cette logique plus tard. Le prochain album sera surement auto-produit, parce que je vois mal une maison de disque me suivre dans ce genre de chose, et ça sera gratuit.
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> En fait, tu comptes vraiment rester dans cette idée là pendant toute la durée de ton projet ?
Pourquoi pas. Je me retrouve là-dedans. Au final, donner de la musique ça permet de faire découvrir à plein de monde, et la musique c’est quand même fait pour ça. Ça doit être accessible.
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> J’avais lu sur Internet que tu travaillais déjà sur un premier album qui est envisagé pour l’automne 2015. C’est bien ça ?
Oui, enfin ça sera plutôt hiver 2016 ! (rires) Je m’en rendais pas vraiment compte quand j’ai balancé cette date, mais ça sera sûrement plus février 2016. Là je suis en plein dans les enregistrements. Toutes les chansons sont écrites, elles sont composées. J’en suis aux arrangements et collaborations. Tout ça, ça a un peu retardé, parce que forcément il a aussi fallu préparer Bourges donc j’ai passé moins de temps à enregistrer des guitares et des basses et à essayer de bidouiller sur mon ordi des arrangements. Là je vais m’y remettre par contre, et j’ai hâte parce que du coup j’avais un peu abandonné ça pendant un mois pour être prêt pour le Printemps de Bourges. Mais oui, c’est en cours de travail et je pense que c’est plus lucide de dire février 2016. Parce que, octobre 2015, quand tu fais un rétro-planning, c’est juste impossible, je suis complètement à la bourre.
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> Du coup, on peut en savoir un peu plus sur les collaborations que tu as évoquées ?
Oui. J’ai surtout fait appel à mes copains. Je ne voulais pas le faire entièrement tout seul, je me suis dit que j’allais faire participer mes copains, dont Morgane Imbeaud, ici présente. Tu vas me faire un peu de piano, tu es d’accord ? (rires) Parce que je ne sais pas jouer de piano, toi un peu, et j’aime bien ça. Et puis, ouvrir le projet à d’autres gens, c’est bien aussi. Moi je ne sais pas tout faire, j’ai galéré sur l’EP pour des conneries qui pourraient être faites en trois secondes par un vrai musicien : des cymbales, des shakers… Des trucs que j’ai faits 15 000 fois, c’est scandaleux, et au final il n’y a pas le vrai truc que j’aurais voulu. Donc faire appel à des musiciens qui connaissent vraiment leurs instruments, c’est inévitable maintenant.
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> Tu as dit que tu avais pris un peu de temps pour préparer le Printemps de Bourges. Tu l’as préparé différemment que les autres concerts ?
Non, mais après on ne fait pas non plus des masses de concerts. Donc on prépare ça comme un concert important parce qu’on s’est quand même posés pas mal de questions, on a fait des résidences, des répétitions. Tu te poses beaucoup de questions quand c’est le Printemps de Bourges en fait. C’est un set court, 30 minutes, il faut mettre les bonnes chansons au bon moment. Tu joues devant un public quasi que de professionnels, même s’il y a quand même un vrai « public » , je ne dis pas que les professionnels ne sont pas un public. Mais oui, tu bosses différemment, parce qu’il y a cet enjeu de jouer devant des professionnels, et tu te dis qu’il faut leur donner quelque chose qui tient la route de A à Z.
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> En février tu avais fait un autre festival, le festival Tropisme à Montpellier. Ça s’était bien passé ?
Oui, c’était génial comme date ! J’ai pris beaucoup de plaisir à jouer là-bas. C’était hallucinant, les gens étaient posés, allongés par terre. C’était la détente totale et ils étaient hyper réceptifs. Du coup je pouvais aller chercher des niveaux super bas. Et j’adore faire ça, de partir de très bas et d’aller très haut. Les gens étaient vraiment portés là-dedans, et moi j’étais porté par eux. Je sentais qu’on vivait le même moment, et c’était assez fou.
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> Et là, ton concert à Bourges s’est déroulé cet après-midi. Il s’est aussi bien passé que celui de Montpellier ?
C’était pas mal oui ! Il y avait du monde déjà, ce qui est plutôt une bonne nouvelle, et du monde réceptif. J’avais plein de gens devant moi qui souriaient et je sentais qu’il y avait une super qualité d’écoute. Les gens restaient et il y avait de vrais applaudissements sincères et pas des petits trucs accompagnés d’un « allez viens, on va manger notre kebab » . Il y avait un vrai truc, il s’est passé quelque chose avec le public. Mais ce matin par contre, j’étais très stressé. On avait les balances à 10h00, il fallait être là à 09h00. Il y avait tout plein de trucs à gérer et je n’ai pas d’entourage avec moi ici, à part mes copains qui m’ont quand même beaucoup aidé. Il y a les contrats, les papiers à remplir, les interviews à faire… Et moi je suis tout seul à devoir faire ça. Du coup c’est très stressant. Et puis ça passe à une vitesse folle. Mais après, une fois sur scène, on a essayé de lâcher la pression pour essayer de profiter et de prendre du plaisir. Et maintenant ça va super.
> Quelques jours avant le lancement du Printemps de Bourges, tu as dévoilé un nouveau titre, Polar. Est-ce qu’il sera sur ton premier album ?
Oui, il sera dessus.
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> Tu l’as dévoilé en version acoustique. Tu comptes le laisser comme ça où il va être réarrangé pour l’album ?
Ça sera assez différent sur l’album, plus arrangé. Là, c’est la version « nue ».
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> Pourquoi avoir décidé de le présenter d’abord en version acoustique ?
Parce que c’est un peu mon truc. J’aime bien les présenter complètement « nus » d’abord, et après on voit. J’aime bien enlever et remettre des arrangements. Puis au final, retrouver la chanson c’est quand même la base. Donc là, l’avoir fait comme ça, complètement à poil, tu reçois la chanson telle qu’elle est. Après c’est marrant justement de faire complètement une autre version beaucoup plus tard et que les gens comparent et se disent « eh mais attends, je m’en rappelle de cette chanson-là qu’il a fait avec sa guitare sur une vidéo » . J’aime bien m’amuser avec ça.
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> Du coup tes titres ont une première vie en version acoustique, puis il y a la version présente sur les enregistrements. Est-ce qu’après tu aimerais faire encore d’autres versions de ces morceaux ?
Oui carrément ! Ça va arriver, parce que je suis vraiment là-dedans, j’expérimente. Peut-être qu’il y aura complètement une autre version de ce morceau sur l’album, puis complètement autre chose en live. J’aime bien faire évoluer les chansons.
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> Tu as dit que c’est un album que tu allais entièrement auto-produire. T’as déjà pensé à faire appel au financement participatif ?
Je suis déjà en train de réfléchir à ça, et je pense que ça va se faire.
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> Par Ulule ou Kisskissbankbank ?
Alors là, je pense plutôt à quelqu’un d’autre. On verra, pour le moment je ne révèle rien mais il est possible que je fasse appel au crowdfunding. Parce qu’en fait, vu que ça va être gratuit en téléchargement quoi qu’il arrive, je me dis que peut-être que cette fois il y en a qui voudront un support vinyle ou CD. Donc peut-être que je ferai un crowdfunding juste pour eux. C’est-à-dire que ceux qui vont participer au projet, vont payer leur propre vinyle et il sera disponible qu’ici. Bon je vais aussi en profiter pour me faire aider sur ce dont j’ai besoin. Au final, ça peut être pas mal pour ceux qui veulent vraiment l’objet, comme ça ils peuvent le trouver. Parce qu’on me dit souvent que la musique gratuite c’est bien mais qu’il faudrait au moins que je vende un vinyle. Mais pour moi, c’est illogique. Je ne vais pas vendre la musique et à côté la donner, même s’il y a un objet. Donc là, ça pourrait carrément être une bonne idée le crowdfunding. Parce qu’ils achètent la musique, mais au final ils participent au projet, donc ce n’est pas tout à fait pareil. Du coup, ça pourrait peut-être être le bon compromis pour avoir du physique. Comme là par exemple, on a des CD promo qui ont été pressés et on les distribue autour de nous. Je n’aurais jamais pu faire ça en autoproduction car ça coute trop cher. Et au final, tu fais des nombres super limités. Là c’était bien de pouvoir faire des CD promo et les donner. Les gens nous demandaient « mais pourquoi vous les donnez ? » . Déjà parce que c’est un CD promo, et en plus il y a tout l’EP là-dessus qui à la base est gratuit. Donc si je donne quelque chose, ce n’est pas pour le vendre après, il faut rester logique.
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> Du coup tu n’aimerais pas un jour pouvoir vivre de ta musique ?
Si mais sur des concerts. Parce qu’aujourd’hui, ça ne se fait plus sur les ventes de disques, enfin je ne crois pas. Si peut-être pour quatre artistes, ou sur l’édition sinon. Après, il y a aussi les rémunérations de vidéos sur Youtube. Mais non, ça se joue ailleurs. J’espère qu’on va y venir à ce système mais c’est les artistes qui freinent vraiment parce qu’ils se disent « non, j’ai travaillé, ça m’a coûté de l’argent alors je le vends ». Mais je pense qu’il y a moyen de récupérer cet argent-là autrement. Maintenant on a tellement passé le cap du « je vais écouter ma musique gratos » qu’au bout d’un moment c’est bon, prends la, écoutes la. Puis même, fais-le avec plaisir. Je vois vraiment ça comme ça. Mais je sais qu’il y a débat là-dessus. Mais moi je suis à fond là-dedans et il faut qu’on passe le cap. Il faut donner notre musique pour justement donner envie aux gens de venir nous voir en concert, et c’est là qu’on y arrive, parce que là vraiment on travaille. Je ne dis pas qu’on ne travaille pas sur un album, mais ça reste promotionnel comme truc. Enfin c’est mon point de vue.
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> Enfin il y a quand même un sacré travail derrière un album…
Oui, il y a du travail. Tu bosses une esthétique, quelque chose, tu proposes un vrai projet. C’est aussi du temps. Mais bon après voilà… Pour le moment c’est mon point de vue. Après je dis ça parce que pour le moment ça ne me coûte pas d’argent. C’est vrai que quand ça te coûte les yeux de la tête, t’as envie d’avoir un retour sur investissement. Mais tu peux l’avoir ailleurs. Et puis aujourd’hui c’est le truc de l’autoproduction. Tu en vois trop d’auto-produits qui se retrouvent avec des caisses de CD sur les bras à dire « sinon ton voisin, il n’en veut pas un ? » . Bah ça serait peut-être bien qu’il écoute ta musique, plutôt qu’il achète ton truc dix balles. Enfin tu vois, quand tu n’as pas de vrai réseau pour vendre ton disque, quand tu n’es pas aidé par une énorme force de frappe qui va vraiment tout faire pour que ça passe en radio, pour qu’il y ait des pub, pour que ça se vende et que tout aille bien, alors je pense que pour un auto-produit c’est se mettre une énorme balle dans le pied que d’essayer de vendre sa musique en 2015. Mais je sais que c’est mon point de vue.
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> Tout à l’heure tu as évoqué les rémunérations sur les vidéos Youtube. Ça me fait penser que tu n’as pas encore sorti de clip.
Non il n’y en a pas.
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> C’est prévu ?
Oui !
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> C’est toi qui va le faire entièrement aussi ?
Non non, je délègue un peu aussi ! (rires) Je ne sais pas tout faire, alors il faut que j’arrête de vouloir tout faire moi-même. Je suis soutenu par une boite audiovisuelle. Ce sont des copains qui s’appellent Biscuit Production et qui ont fait la petite vidéo que tu as vue pour le titre Polar. Ils se sont engagés pour faire un clip. Ça sera pour l’album donc le clip devrait sortir un peu avant l’opus. En gros, on va faire un single qu’on va mettre en clip.
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> Il y a déjà des pistes sur ce à quoi ça va ressembler ?
Non, pas du tout ! On n’a même pas encore fixé le titre, alors c’est assez vague. Pour le coup, ça je pense que ça devrait sortir à l’automne. Donc on va y réfléchir cet été. En tout cas, c’est dans les petits papiers. On se dit qu’on va en faire un, c’est déjà un bon début.
> Et après le Printemps, d’autres festivals de prévus ?
L’été… Après le Printemps, l’été… Oh que c’était nul ça ! (rires) Non sinon on a quelques petites dates de prévues. On vient de Clermont-Ferrand donc on en a une de programmée là-bas. On a une mini-tournée prévue cet été, en plein mois de juillet parce qu’on est fous, avec des copains qui s’appellent Heming Wave. On va aller en Belgique et dans le Nord. On s’est calés dans des petits bars. On va essayer d’affronter le public de bars rock’n’roll. On est vraiment fous ! (rires) Mais je ne me fais pas trop de soucis, ça va être sympa là-bas. On va voir.
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> Ça va faire bizarre de passer du Printemps de Bourges aux petits bars du Nord.
C’est sûr ! Mais c’est un projet qui est tout jeune, alors il faut aller faire nos armes, aller sur le terrain et essayer d’aller affronter tous les publics.
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> Et tu vas peut-être pouvoir revenir tranquillement, d’ici quelques années, comme beaucoup d’iNOUïS par la « grande porte » ?
J’espère ! Déjà avoir pu faire la date au 22 cette année, c’est génial ! Que demander de mieux ?
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> Que ça puisse continuer encore longtemps !
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Merci à By The Fall pour cet échange très intéressant !
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Photos © Laure Clarenc