Lors du Printemps de Bourges, nous avons rencontré Aliocha quelques heures avant son concert au Théâtre Jacques Cœur. L’occasion pour nous de revenir sur le début de sa carrière musicale, ses voyages, ses envies…
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> Tu viens d’une famille d’artistes. Est-ce que c’est simple tous les jours ?
Oui ! Et c’est même plutôt bien parce qu’on peut échanger nos découvertes artistiques. Du coup, je n’ai jamais ressenti de « pression du nom ».
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> Tu es un artiste aux multiples casquettes puisque tu es aussi comédien. Est-ce que ton travail de comédien est enrichissant pour la musique, et inversement ?
Oui, je pense que ça m’a appris à gérer mon stress avant de rentrer sur scène. Et puis, quand je me nourris artistiquement en tant que comédien, c’est-à-dire quand je regarde des films ou que je lis, je me nourris aussi en tant que musicien. Et vice-versa. Mais sinon, ce sont deux activités totalement différentes.
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> Et comment on gère le fait d’avoir deux métiers ?
J’imagine que la plupart des artistes ont à vivre ça, le fait d’avoir un autre métier ou d’étudier à côté. Par exemple, j’ai un ami musicien qui était aussi architecte ; il a fait les deux activités jusqu’à ce qu’il puisse vivre uniquement de sa musique.
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> Ta carrière musicale est assez récente. Tu as sorti un EP, Sorry Eyes, en 2016 et ton premier album va paraître le 02 juin. C’était plus simple, financièrement et artistiquement, de commencer par un EP ?
Oui, tout à fait, c’est un peu comme une carte de visite. En fait, ce qui s’est passé c’est que je voulais sortir un album complet car j’avais une vingtaine de chansons et je pensais en sortir onze ou douze. Mais finalement, il y avait quinze chansons dont j’étais vraiment satisfait. Donc on a décidé de sortir un premier EP de cinq titres, et c’est maintenant au tour de l’album, qui est la suite, de paraître. Surtout que ça fait presque deux ans que je l’ai enregistré.
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> Est-ce que du coup, durant ces deux ans, tu as retravaillé tes morceaux ?
Non. On a beaucoup travaillé le live, mais les enregistrements sont restés les mêmes.
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> Tu changes beaucoup de choses pour le live ?
Oui. Il y a des chansons que je faisais juste en guitare/voix sur l’album et que j’ai réarrangées avec un groupe pour la scène. Et puis, les musiciens qui m’accompagnent en concert viennent avec leurs idées, ce qui me permet de toujours évoluer. Il y a aussi de nouvelles chansons.
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> Comment tu choisis les musiciens qui t’accompagnent sur scène ?
Ce sont des rencontres, des proches ; je ne fais pas d’auditions. Par exemple, mon frère est batteur et m’accompagne, et il avait un ami bassiste qui lui avait un ami guitariste/claviériste, etc. Tout s’est fait comme ça. Et je suis vraiment fier d’avoir des musiciens qui sont excellents et qui, surtout, sont jeunes. Je tenais à ce qu’on soit une bande de potes pour ne pas être cet artiste solo qui se retrouve avec des vieux de la vieille sur scène. Car toutes ces premières expériences que je vis, comme de voyager ici et de faire des festivals, ce sont aussi des premières fois pour beaucoup des musiciens qui m’accompagnent et c’est très stimulant de vivre ça ensemble.
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> En parlant de voyages, tu bouges beaucoup ?
Oui, plutôt, mais pas forcément avec la musique. Je trouve ça vraiment chouette de découvrir de nouvelles villes, de nouveaux pays ; ça me nourrit énormément.
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> Est-ce qu’il y a une ville ou un pays qui t’a tout particulièrement marqué ?
Je suis passé rapidement par Berlin et j’aurais aimé y rester plus longtemps car artistiquement, il a l’air de s’y passer beaucoup de choses.
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> En plus, on dit qu’à Berlin le public est très chaleureux.
Oui, vraiment ! J’y suis allé que pour des premières parties, donc les gens ne me connaissaient pas, mais j’étais vraiment bien reçu ! J’ai hâte de pouvoir y retourner.
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> On dit aussi ça du Québec, que les gens sont très accueillants.
Oui, justement quand j’y étais on comparait beaucoup Montréal et Berlin. Je suis de Montréal, et quand quelqu’un me demande « Est-ce que c’est vrai que c’est une ville bien ? », je réponds oui !
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> En fait, il n’y a qu’en France que les gens râlent !
Oui, disons que c’est différent ! (rire) C’est surtout le premier contact qui est difficile. Je suis arrivé à Paris, et il y a eut une engueulade alors qu’on n’était pas encore sortis de l’avion !
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> Safia Nolin nous disait tout à l’heure que l’autre différence entre le Canada et la France se situait au niveau de l’industrie musicale ; qu’il y avait beaucoup plus de libertés artistiques chez vous.
Je ne sais pas parce que je suis signé en France avec [PIAS] et ils me laissent énormément de libertés artistiques. C’est pareil à Montréal avec les gens d’Audiogram qui nous ont laissé carte blanche à Samy Osta et moi. Je ne connais pas l’expérience de Safia, mais je ne ressens pas ça comme ça. Après, je pense que c’est normal qu’un label ait son mot à dire sur la création artistique.
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> Comment se passe le travail avec Samy Osta (La Femme, Feu ! Chatterton, etc.) ?
Il a vraiment essayé de me comprendre et de me connaître. Pour ça, il est même venu faire la pré-production à Montréal et est allé prendre des verres avec moi et mes potes. On a écouté des musiques, on a beaucoup parlé et du coup, quand on est rentrés en studio, on avait les mêmes références. On savait où on voulait aller. Et puis, il m’a fait énormément confiance ; plus que moi-même. Par exemple, au piano je n’avais vraiment pas confiance en moi et quand il fallait trouver des arrangements, il me disait «Je te laisse pendant trente minutes et tu trouves» . Il m’a permis de sortir le meilleur de moi-même.
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> Ce n’était pas un peu stressant de se retrouver devant le piano et de devoir absolument trouver quelque chose ? Tu n’as jamais l’angoisse de la feuille blanche ?
Si, carrément ! Mais justement, il m’a mis face à ça et je pense que c’était nécessaire que je me confronte à ma peur pour que ce soit vraiment mes mélodies sur toute la ligne. Tout seul, je n’aurais pas eu suffisamment confiance.
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> Avant tu avais travaillé avec Jean Leloup. C’était la même façon de faire qu’avec Samy ?
Quand j’ai rencontré Jean Leloup, je n’avais vraiment aucune expérience. J’avais composé seulement sept ou huit chansons à la guitare et je l’ai rencontré dans un café. C’est un artiste que j’admire énormément. J’ai pris ça comme prétexte pour lui parler et je lui ai dit «J’ai quelques compositions à la guitare, je ne sais pas trop quoi en faire, est-ce que tu peux me donner un conseil ?» . Il m’a proposé de venir le soir-même au studio où il travaillait avec The Last Assassins. Du coup j’ai pris ma guitare, j’y suis allé, j’ai joué quelques morceaux et il s’est tout de suite excité. Il a dit à ses musiciens d’apprendre mes parties et on a enregistré une maquette de trois chansons. J’étais vraiment en train de vivre un rêve ; je sentais que c’était quelque chose d’important. Il m’a appris énormément, comme un mentor. Et c’est avec ces maquettes-là que je suis allé voir mon label Audiogram.
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> Certains artistes aiment bien travailler avec des labels car ils ont besoin d’être très entourés, tandis que d’autres préfèrent progressivement tout faire eux-mêmes. Tu es plutôt comment toi ?
Là pour le coup je suis très entouré et ça ne me déplaît pas forcément. Après, quand j’ai signé avec mon label j’avais seulement 17 ans et je n’avais vraiment rien donc c’était une chance inouïe pour moi. Peut-être que si j’avais été plus avancé et que j’avais eu plus confiance en mon projet, j’y serais allé tout seul, comme les Daft Punk qui ont fait tout, tout seuls, à 19 ans parce qu’ils croyaient vraiment en leur truc. Ils tenaient quelque chose de très solide, contrairement à moi pour qui c’était vraiment important d’être entouré.
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> Et pour la partie visuelle comme avec les clips, est-ce que tu es aussi très entouré ? Est-ce que tu apportes tes propres idées ou tu laisses carte blanche à un réalisateur ?
Pour le premier clip, Xavier Reim nous a suivis avec une caméra et l’idée me plaisait que ça soit un peu documentaire. Pour le deuxième clip, Sarah, je me suis plus impliqué dans le concept et la création. Il a été réalisé par Jeremy Comte. Et pour le prochain, j’avais justement envie d’essayer autre chose et de laisser carte blanche à un réalisateur que j’aime, alors on verra ce que ça va donner. Il n’a pas encore été tourné, et je ne sais même pas encore si j’aurai l’argent pour le faire.
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> Tu ne veux pas faire appel au financement participatif pour pouvoir le réaliser ?
Au Québec, il y a des systèmes de financement qui sont assez bons. Donc je vais déjà faire appel à eux, et ensuite on verra.
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> Et pour en revenir aux chansons, dans l’EP, il y a une alternance entre des morceaux très acoustiques et d’autres arrangés. Est-ce que ce sera aussi le cas sur l’album ?
Oui ! En fait sur le tracklisting, les huit premières chansons sont arrangées et les trois dernières sont acoustiques. C’est vrai qu’il y a ce côté-là dans ma musique… En live j’ai arrangé toutes mes chansons mais je suis en train de me demander si ce soir je ne vais pas jouer des chansons tout seul !
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> Donc le concert de ce soir n’est pas encore pleinement défini ?
C’est ça. Parce que j’ai envie de retrouver ce côté solo que j’aime bien et qui fait vraiment parti du projet. C’est comme ça que les morceaux ont été composés à la base. Il y a un esprit de groupe mais en même temps, ce projet est né en solo, dans ma chambre. Donc, ce n’était pas prévu mais je vais peut-être changer ça à la dernière minute ! (rire)
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> Tu as d’autres dates prévues en France ?
Je joue le 27 avril à la Maroquinerie de Paris. Ensuite, je reviendrai peut-être en France en mai et en juin.
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Merci à Aliocha d’avoir accepté de répondre à nos questions !
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