HomeInterviewsPlongée au cœur d’une rencontre pleine de fraîcheur avec Lady Linn

Plongée au cœur d’une rencontre pleine de fraîcheur avec Lady Linn

Lady Linn

Le 03 juin dernier, nous avons eu le plaisir de rencontrer Lady Linn, chanteuse belge jazzy…mais pas seulement ! L’occasion pour nous de revenir sur son troisième album, High, sorti le 31 mars dernier, sur l’ensemble de sa carrière et sur ses projets à venir. Le tout dans une discussion que Lady Linn a tenu à avoir en français.

        > Pour ceux qui ne te connaissent pas encore, peux-tu te présenter en quelques mots ?

Je m’appelle Lady Linn. Je suis chanteuse et compositrice. J’ai déjà trois CD. J’ai étudié au conservatoire de jazz, donc mon premier CD était influencé par le swing-jazz, le deuxième était un mélange, et maintenant c’est différent, c’est plus pop, plus électronique. Mais ça reste mes chansons.

     > Comment as-tu su que tu voulais être dans le milieu musical ?

Dès mes 8 ans, j’ai joué du piano car ma mère et mon grand-père en jouaient aussi. Quand j’ai eu 15 ans, il y avait des amis qui venaient de faire un groupe et ils m’ont demandé de jouer du piano. On n’avait pas de chanteur, donc j’ai chanté. C’est un peu une coïncidence…coïncidence, on dit ça, c’est ça ? J’ai fait chant/jazz au Conservatoire où j’ai rencontré beaucoup de gens. Et puis après j’ai commencé le groupe de Lady Linn and her Magnificent Seven.

     > Effectivement, comme tu le disais, la trame de fond de ton univers musical est le jazz. Qu’est-ce qui te plaît tant dans le jazz ?

Il y a beaucoup de musiques très dépressives ou agressives. Alors pour moi le jazz, c’est une musique très énergique, positive. J’ai toujours aimé la pop, la soul, l’électronique aussi. Mais le jazz, c’est l’improvisation, la liberté. C’est organique, vrai. Je pense que ça m’a beaucoup aidé, je suis plus ouverte, et plus libre maintenant.

     > Est-ce que ça tu aurais aimé vivre dans les années 30, à l’époque du jazz ?

Avant oui, parce que je me disais que c’était une époque superbe. Mais finalement, maintenant c’est plus agréable en tant que femme. Mais oui, il y a cette chose qui m’attire bien sûr, l’atmosphère dans les clubs de jazz. Mais on a ça aussi maintenant dans des villes. A Gand où j’habite, on joue du jazz dans des clubs plusieurs fois par semaine. Donc je suis contente.

     > Dans ton nouvel album, High, tu as exploré tout un tas d’autres genres musicaux (électro, dance, pop, disco,…). D’où t’es venue cette envie ?

Juste parce que j’écoute d’autres choses tout le temps. C’est naturel je pense. J’avais fait deux albums dans le style avec le groupe, et je pensais toujours au groupe quand j’écrivais. Je pensais aux cuivres, je me disais “oui il faut que je fasse un morceau pour les cuivres car il faut qu’ils jouent”. Mais maintenant, je suis plus libre, peut être plus égoïste aussi, du coup. J’ai juste écrit des chansons et après le producteur Renaud Letang et les musiciens ont fait des choses avec. C’est plus ouvert, et j’aime ça.

     > Est-ce que justement, tu aimerais tester d’autres styles à l’avenir ?

Oui bien sûr ! Mais je ne me dis pas “Ok, maintenant je vais faire un disque reggae, et puis après jazz”. Ce n’est pas si pur pour moi. Même mon premier album, je trouve que ce n’était pas jazz-jazz. C’est aussi un mix avec un peu de pop, de soul. Je veux toujours faire quelque chose qui soit moi-même, pas vraiment dans un style, mais plus un mélange de ce que j’aime. Quand j’avais 15 ans, en Belgique, il y avait ceux qui aimaient le rock comme Nirvana, Offspring, et les autres qui aimaient la house. Et moi j’aimais les deux. Je ne peux pas vraiment choisir.

     > C’était un choix plus risqué. N’étais-tu pas trop stressée à la sortie de l’album ?

Si, bien sûr ! En Belgique surtout, parce que là-bas tout le monde me connait. Ils s’attendent à du jazz, mais ce n’est pas du tout comme ça. Mais je suis contente parce qu’il y avait un nouveau public, mais aussi des fans qui ont trouvé ça super, qu’il était temps de changer un peu.

     > C’est le premier album que tu sors sous le seul nom de Lady Linn, sans les Magnificent Seven. Est-ce une façon pour toi de te détacher petit à petit d’eux, de faire ton bout de chemin toute seule, ou seront-ils toujours de la partie sur les prochains albums ?

Il y a eu des changements de musiciens, ce n’est pas le groupe original Magnificent Seven, à part les trois cuivres. Et puis, j’ai écrit moi-même les trois albums. Le nom du groupe c’était plutôt pour le live. Il était arrivé avec le jazz. Et maintenant le style est totalement différent, plus moderne. Dans cet album c’est très produit par moi, plus que par le groupe. Donc ce choix suivait une logique.

     > Comment te vient l’inspiration pour écrire et composer tes morceaux ?

C’est toujours à un moment où je suis émotionnelle, quand quelque chose est arrivé, ou que je m’ennuie, que j’entends une chanson qui me touche vraiment, ou un film. Ça peut être beaucoup de choses. Mais c’est dans les moments où je suis seule, dans un état plus mélancolique, philosophique. C’est le meilleur pour écrire.

     > D’ailleurs, le titre High a été inspiré par Charles Bradley.

Oui, je l’ai vu à la télé en concert live et c’est incroyable comment il se donne au public et à la musique. C’est très émouvant, ça m’a touchée directement. Je suis allée au piano et j’ai écrit High.

     > Et d’après toi, quelles sont les principales qualités qu’un artiste doit avoir ?

Honnête quand il écrit pour pouvoir te toucher, que tu puisses le croire quand il chante. L’originalité et du caractère. Un artiste doit aussi être très bon en live. Parce que quand tu écoutes des chanteurs en disque que tu aimes beaucoup, et que tu les vois en live ce n’est pas la même chose… Parfois ça me déçoit.

     > Justement, quand tu écris, est-ce que tu penses à ce que ça va donner sur scène ?

Non. Je faisais ça avant, mais maintenant je pense juste à l’album. Après en live, on joue quelques chansons comme sur l’album, mais on en a arrangées car ça n’avait pas la même énergie.

     > Demain, le 4 juin, tu joues sur la scène du Divan du Monde à Paris. Est-ce que tu as hâte ?

Oui, vraiment !

     > Tu as déjà joué en France ?

Oui, on a fait un tour il y a deux années. A Paris, mais aussi dans d’autres villes comme Strasbourg, ou dans des petits villages. C’était super, donc j’ai hâte !

     > Il y a-t-il une grande différence entre le public belge et le public français ?

Oui. Les français sont vraiment chaleureux. Les belges aussi sont très gentils mais plus timides. Les français sont plus ouverts, plus enthousiastes. Ils n’ont pas de gêne. Donc oui, ça fait une différence. Et le jazz ici, c’est plus normal, plus dans la culture qu’en Belgique. Et il y a plus d’interaction avec le public. Il y a juste avec la langue où c’est plus difficile pour moi. (rires)

     > C’est drôle, parce que certains artistes français disent le contraire, que le public belge est plus ouvert que celui français.

Je pense que c’est parce que ton public est plus critique envers toi. Quand quelqu’un vient d’autre part, il est plus intéressant. C’est psychologique. Mais les Belges sont connus pour être plus timide.

     > Est-ce qu’il y a un pays, une ville, un endroit dans lequel tu rêverais de jouer ?

Paris, mais maintenant c’est bon puisque je suis là ! Et aussi Rio de Janeiro. J’ai été là-bas deux fois et j’aime beaucoup le Brésil, la musique brésilienne. Ils ont une vraie connexion avec le jazz. C’est quelque chose d’humain. Les gens vivent la musique. J’étais là-bas et dans les rues, il y avait de la musique partout, les gens m’invitaient à danser. Donc je pense que quand tu chantes là-bas, ça doit être waouh. J’aime aussi l’Europe, ils sont très cools et à l’écoute de ta musique.

     > Est-ce que tu écoutes les avis, les critiques sur tes albums ?

J’écoute un peu, mais pas trop. J’ai envoyé des chansons de cet album à des amis pour qu’ils choisissent le premier single. Mais parfois ça ne m’aide pas, car ils ne disent pas la même chose, ou parfois ils donnent toutes les chansons que j’aime moins.

     > Et toi alors, quelle est la chanson que tu préfères dans High ?

The Beat et Remember. Ce sont des chansons que j’aime beaucoup.

Lady Linn 1

     > Peux-tu nous raconter comment s’est passée la création de cet album ?

J’ai commencé à écrire moi-même. Je connaissais un guitariste très bien, très créatif, Bruno De Groote qui a joué sur l’album mais pas en live. Donc j’ai écrit mes chansons et je suis allée le voir. On a fait une démo pour envoyer à Renaud Letang. Après on est allé au studio, et avec une machine, un drum computer, on a cherché le tempo. Ils avaient des idées totalement différentes, c’était très chouette pour moi. Il a fait un beat, on a joué Bruno et moi, puis après avec d’autres musiciens. On a fait niveau par niveau.

     > Renaud Letang est très impliqué dans le projet. Comment est née cette collaboration ?

Avec l’album précédent. J’aimais beaucoup Feist, Gonzales, Mocky, et j’ai vu son nom sur ces albums. J’ai vu qu’il travaillait avec Manu Chao et tout ces gens et je me suis dit “Waouh, c’est super”. Donc on a tout de suite envoyé le premier CD. Il a aimé, et a dit ok. C’était super pour moi, car je ne savais pas s’il allait être intéressé ou pas. C’était un peu une aventure. Je trouve qu’il me comprend, donc c’est très agréable de travailler avec lui.

     > Il doit y avoir une grande confiance.

Oui ! C’est le premier avec qui je fais ça. J’avais un peu peur au début, mais j’étais quand même confiante. Il me disait parfois “Oh, tu ne me fais pas confiance !” et je pensais “Oh, tu ne me connais pas. Je ne te l’aurais pas donné sinon.” C’était un grand pas pour moi.

     > Il y a-t-il d’autres artistes avec qui tu aimerais collaborer ?

Oui, les gens comme Feist, Gonzales, Mocky sont des musiciens très…waouh ! Prince aussi, je l’aime beaucoup mais ce n’est pas possible pour moi de travailler avec lui ! (rires) J’aime beaucoup des DJs aussi, je chante avec FCL.

     > Peux-tu nous en dire plus sur le projet FCL ?

C’est un DJ avec qui je chante depuis dix ans, un grand connaisseur de house. Avec un de ses copains, Nicolas, ils ont formé FCL et parfois je viens chanter. Ils ont fait un tube en Angleterre, et un peu partout dans le monde de la musique house. It’s You, c’était une reprise d’un classique. On a beaucoup joué à Ibiza, en Angleterre et dans des festivals. Pour moi, c’est lié au jazz, parce que c’est de la musique groove. On improvise, c’est plus lié à mon troisième album. La manière dont je chante est différente, mais c’est vraiment moi.

     > Tu es vraiment très ancrée dans la musique. Mais si tu n’étais pas dedans, qu’est-ce que tu aimerais faire ?

C’est difficile parce que je ne peux pas m’imaginer sans la musique. Peut être quelque chose de social, qui aide les gens, comme médecin dans une clinique ou dans la psychologie. Ou quelque chose de créatif, dans le film par exemple.

     > Pratiques-tu d’autres formes d’art ?

Je danse avec un groupe, du roller skating, sur du disco. Mais maintenant, ce n’est plus notre priorité, c’est plus calme. J’ai aussi une passion autour des films, j’en regarde beaucoup mais je ne pratique pas.

     > Quel genre de films tu aimes bien ?

J’ai beaucoup aimé De Rouille et d’os (Jacques Audiard). Ou des films avec Jack Nicholson. Les films de Hitchcock, de Stanley Kubrick, ainsi que des films très blockbusters. Des films flamands aussi car c’est dans ma langue et c’est ma culture. Les films européens car ils ont beaucoup de charme. J’aime bien Marion Cotillard et j’ai vu beaucoup de films français. Par exemple, Marie-Jo et ses deux amours (Robert Guédiguian), c’était chouette.

     > Quand on regarde tes clips, ou l’artwork de l’album, on constate que ton univers est très esthétique. Quelle place accordes-tu à l’image dans ton travail ?

C’est important, car on est dans un monde visuel maintenant. C’est une part de l’univers que je voulais créer, que j’avais en tête. Pour ce troisième CD, j’étais plus dedans, je travaillais vraiment avec des photographes, des gens très artistiques. Ce n’est pas non plus trop important, c’est la musique en premier. Je voulais surtout que ça soit moi, que ça me corresponde. Mais dans des vidéos comme Sassy, je n’étais pas là, mais je trouvais que c’était une bonne idée. J’aime aussi quand il y a de bonnes idées.

     > Justement, dans ton dernier clip Sassy, on voit plusieurs fillettes habillées, maquillées comme des petites stars. Elles deviennent “sassy”, impertinentes et en viennent à faire ce qu’elles veulent. Je me demandais si on ne pouvait pas y voir aussi une façon de critiquer cet univers de paillettes, ce “show-biz” trop artificiel, rigide pour de jeunes enfants ?

Un peu, on peut voir ça comme ça, mais ce n’était pas l’idée principale. Mais j’aimais bien cette idée pour ça justement, le fait qu’on peut y voir un message. Dans un sens je suis d’accord avec toi, mais je pense que le clip est plus à prendre par rapport aux paroles. Les mots ils étaient de moi, de moi qui étais jalouse d’une autre fille.

     > A gérer sur un tournage, toutes les petites filles, ça a dû être quelque chose ?

Pour moi ça va, c’était surtout difficile pour la régisseuse ! (rires). En fait, on a beaucoup filmé quand les enfants ne savaient pas car les filles étaient timides au début. Donc beaucoup de scènes dans la vidéo sont vraies. Ce n’était pas facile mais c’était aussi très marrant. Et puis, quelques filles avaient préparé la chanson, la connaissaient par cœur. C’est une chanson très simple, que tout le monde peut chanter. C’était touchant.

     > Quand tu travailles, est-ce que tu penses à l’avenir ou est-ce que tu vis plus au jour le jour ?

Les deux mais je suis plus à vivre au jour le jour car dans le monde artistique on ne peut pas prédire les choses. Je veux toujours être sûre de quelque chose. Pour écrire, c’est plus spontané, ça vient naturellement. C’est mon métier, mais je veux aussi que ça reste ma passion. Tu dois le sentir pour pouvoir faire. Tout peux changer en une minute donc il faut essayer de faire de son mieux et de profiter. Tu dois rêver mais aussi rester réaliste.

     > Du coup, est-ce que tu travailles déjà sur de nouvelles chansons, un nouvel album ?

Oui, mais c’est pour un film belge en 2015. Je suis en train d’écrire, et je pense que la musique que j’écris pour ce film vient aussi de moi. Ce sont aussi mes sentiments. Je vais voir ce que ça va donner.

     > Peux-tu nous en dire un peu plus sur ce film ?

Oui, mais c’est encore un peu secret en Belgique. En fait, il s’agit du pape qui venait à Gand dans les années 80. Ce film va être traditionnel mais charmant aussi. Donc là, je suis en train de regarder le scénario et d’imaginer des sentiments, des personnages. Ce sont des sentiments universels donc ce n’est pas si difficile pour écrire.

     > Comment es-tu arrivée sur ce projet ?

La régisseuse avait déjà fait trois vidéos pour moi dont Cry Baby et I Don’t Wanna Dance. C’est elle qui m’a demandé. On a beaucoup travaillé ensemble, on a une bonne énergie. J’étais très contente. J’aime beaucoup les choses comme ça qui te donnent de l’énergie.

     > C’est une expérience que tu penses que tu aimerais bien retenter à l’avenir ?

Oui, on ne sait jamais. Mais c’est encore trop loin pour moi pour y penser, mais pour le moment j’aime ça.

     > Est-ce que tu as des anecdotes à nous raconter ?

Il y a une anecdote de Belgique. Il y a une chanteuse shag, Lauren. Les gens mixent beaucoup les noms, je ne sais pas pourquoi.  Avant avec mon groupe on jouait des chansons des années 40 donc on avait un public vieux. Et là, ils ont pensé que c’est elle qui allait venir. Oh oh. On a su ça juste avant de monter sur scène.

Il y a beaucoup d’anecdotes avec les musiciens. Quand on était en France, il y avait une piscine dans un hôtel mais elle était fermée, car c’était tard après un concert. On a demandé si on pouvait quand même y aller. Ils nous ont dit que oui mais seulement si on était très très silencieux. Oui, oui. (rires) Et puis il y avait aussi une fête de mariage et des gens sont arrivés dans la piscine !

     > Est-ce que tu as un rituel avant de monter sur scène ?

Non. Je me tais. Mais pas trop calme non plus. C’est dur parfois de trouver l’équilibre. Je suis plus en forme quand je suis avec les musiciens, quand je bois un verre. Mais c’est pas bon pour la voix. En fait, non pas de rituel, je ne crois pas en ce genre de choses.

    > Tout à l’heure, tu disais que vous jouez aussi pour des gens plus âgés. C’est quoi la moyenne d’âge à vos concerts ?

C’est très mélangé. Il y a des enfants, des gens plus âgés aussi. Mais je dirai vers les années 20-30.

     > As-tu une préférence entre la scène et le studio ?

C’est totalement différent. Le studio j’aime parce que c’est très calme, avec une atmosphère créative. Mais être sur scène, chanter pour des gens, c’est quelque chose aussi. Je ne peux pas choisir. J’aime beaucoup quand ça varie.

     > Pour terminer, un petit mot à tes fans français ?

Viens demain ! (rires) Je trouve qu’en France, c’est très ouvert pour jouer. J’aimerai jouer beaucoup ici ! Je leur souhaite aussi beaucoup de passion et de créativité dans leur vie !

Un grand merci à Lady Linn pour nous avoir accordé un peu de son temps pour répondre à nos questions.

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Etudiante, je suis une passionnée d'art, et plus particulièrement de musique et de cinéma. Attirée par le milieu du journalisme et de la communication, j'aime partager mes petites découvertes artistiques avec les autres.

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