Quelques jours après la sortie de son troisième album, nous avons eu la chance de poser quelques questions à Mesparrow. Développement personnel, arrêt des concerts, réflexions autour de la voix… Mesparrow s’est livrée, nous a touchés, surpris et surtout charmés.
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> Votre nouvel album Monde Sensible est sorti le 15 janvier dernier. Comment allez-vous depuis cette sortie ? Êtes-vous satisfaite des retours que vous avez eus et de l’accueil réservé à Monde Sensible ?
Je suis très contente, j’ai eu pas mal de beaux retours. C’est la première fois que j’ai des retours du public qui ne me dit pas uniquement qu’il aime le morceau mais aussi qu’il lui fait du bien, qu’il se sent moins seul, qu’il se sent compris… Et cela me fait vraiment plaisir.
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> Cet album est plus intime et plus personnel, c’est peut-être la raison pour laquelle le public se sent plus touché. Est-ce que réaliser cet album était une forme d’exutoire pour vous ? Un besoin de se libérer de certains sentiments, questionnements ?
La libération était probablement inconsciente dans mon travail. J’avais en tête de me révéler telle que je suis vraiment, me mettre à nu, en quelque sorte. J’étais en train de faire des changements dans ma vie pour aller dans cette direction et j’avais vraiment envie de transmettre des messages qui parlent de qui je suis vraiment. Mon but était aussi d’aider d’autres personnes. Quand j’ai écrit Elle rougit je savais que la chanson ne parlerait pas à tout le monde car certains ne rougissent pas mais je savais aussi qu’elle pourrait vraiment parler à ceux qui rougissent. C’est également le cas pour le morceau Différente.
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> Comment et quand avez-vous commencé à travailler sur cet album ? Comment a-t-il mûri en vous ?
J’ai commencé à travailler dessus en 2017 et il a été fait en deux fois. Je suis tombée enceinte et à ce moment là j’étais dans un tourbillon, dans une bulle où je ne savais plus vraiment ce que je voulais au niveau de la musique. J’étais dans une forme d’introspection, je me demandais ce que je voulais faire de ma vie. Donc nous avons commencé à enregistrer quelques morceaux puis j’ai tout arrêté. J’ai fini ma grossesse, j’ai donné tout mon temps à ma maternité pour bien profiter de ce que je vivais. En parallèle, je continuais à travailler sur moi en développement personnel, à chercher ce que je voulais, qui j’étais vraiment. La deuxième partie de l’album a été réalisée pendant le premier confinement. Cet album a une histoire particulière.
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> Ce confinement a-t-il également été source d’inspiration pour terminer cet album ?
C’était le moment où nous devions terminer cet album donc les choses se sont vraiment faites comme ça. Puis il y a eu le confinement et comme je travaille avec mon compagnon, nous étions confinés ensemble. Bon, avec un enfant en bas âge (rires) donc ce n’était pas toujours évident. Mais en même temps c’est drôle parce qu’il y a un morceau où je sais que derrière une voix que je chante, il jouait avec des clochettes dans le couloir et nous l’avons gardé. C’est un petit détail lié à la situation. Ce confinement nous a tous permis de revoir notre manière de vivre, certaines exigences, certaines barrières et de notre côté nous avons fait un album, en grosse partie, à la maison, avec du bon matériel parce que j’avais investi dans un très bon micro. J’étais vraiment dans cette période d’introspection, de transformation intérieure et cela a accompagné l’album.
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> En plus de partager toute cette réflexion autour du développement personnel, de l’affirmation de soi, de la recherche de sa personnalité dans votre nouvel album, vous la partagez également sur les réseaux sociaux. Est-ce important pour vous de communiquer directement avec les personnes qui écoutent votre musique et vous suivent ? De les sensibiliser autrement que par le biais de cet album ?
Oui. En parallèle et avant ma grossesse, j’ai commencé à écrire un livre que je n’ai pas encore terminé mais je ne dois pas en être très loin. Au départ, ce livre avait pour but d’accompagner les femmes dans la créativité. J’avais envie d’écrire le livre que j’aurais aimé trouver quand j’étais petite parce que je n’avais pas d’entourage dans la création. J’aurais aimé avoir un mentor qui m’aurait tendu la main, m’aurait expliqué des choses, encouragé, quelqu’un qui comprenait et connaissait cela de l’intérieur. J’ai écrit dans cette optique et parce que j’avais en tête des personnes qui ne s’autorisent pas à être créatives et que je voulais aider. Je suis triste d’entendre des personnes me dire que c’est trop tard, que ce n’est pas pour eux. Il n’est jamais trop tard pour créer. J’ai beaucoup écrit là-dessus car c’est ce qui m’a lancé au départ. Puis comme j’ai traversé ce processus de transformation intérieure, où j’interrogeais le fait d’être créative et en même temps dans une zone de confort. Avec les concerts, j’avais l’impression d’avoir fait le tour de quelque chose. Je ne me sentais plus trop à ma place et cela devait changer. J’ai du tout remettre à plat et accepter d’avoir aussi une zone de confort même en étant artiste et en étant très libre. Cela m’a éclairé sur plusieurs plans et le fait de les avoir traversés moi-même m’a donné envie d’aller plus loin dans ce que j’écrivais dans mon livre. Je me suis rendu compte que se reconnecter à sa créativité, se libérer… revenait à se reconnecter à qui nous sommes vraiment. C’est le même cheminement. Plutôt qu’apprendre des choses, c’est vraiment déconstruire, enlever des blocages. J’ai continué à écrire ce livre mais comme il n’est pas encore sorti j’ai eu envie de partager des textes que j’écris, qui ne seront pas forcément dans le livre mais qui viennent d’une envie. Au-delà de l’album, il s’agit vraiment d’une envie de partager. Je me dis que parfois, cela peut peut-être aider quelqu’un.
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> Vos partages changent de ce que nous pouvons régulièrement voir sur les réseaux sociaux. Est-ce que parfois vous avez l’impression d’aller à contre-courant, de ne pas aller vers ce qu’on attendrait, éventuellement, d’une artiste actuellement ? Et est-ce que vous avez une appréhension face à cela ?
Oui. Dès que j’ai commencé à le faire je me suis demandé ce que penserait mon label. J’avais des peurs et elles correspondaient à celles qui me freinaient dans le fait d’oser être qui je suis. Il y a eu un moment où j’ai arrêté de suivre les artistes sur les réseaux parce que cela me renvoyait l’idée que je ne faisais pas les choses correctement. Et j’avais peur d’être jugée. Puis finalement je me suis dit que j’avais le droit de partager mon expérience et que si cela pouvait parler à quelqu’un, pourquoi pas… Je me suis autorisée à être qui je suis vraiment. Et je sais que ce que je suis vraiment c’est artiste d’un côté et de l’autre j’ai envie de transmettre et d’aider. Faire de la communication bateau m’ennuie profondément. Je n’y arrive pas, je le fais de moins en moins. Mais au départ, je n’osais pas partager toutes ces réflexions, c’était difficile. J’ai préparé un texte quand nous avons sorti le clip de Danse et en échangeant avec la personne qui s’occupe de la communication dans mon label, pour savoir si ce texte n’était pas trop long et si je n’allais pas trop loin, il m’a répondu qu’au contraire, cela faisait du bien. Et ça m’a fait du bien de l’entendre. J’ai été rassurée. Je me suis sentie légitime de le faire et soutenue.
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> Face au contexte actuelle, cela crée également davantage de proximité. Les gens ont besoin de lire ce genre de messages. Et cela peut également encourager ceux et celles qui ne vous connaissent pas à écouter votre musique.
C’est possible. Parfois je fais le lien avec certains morceaux et ce que j’ai à dire derrière puis parfois il y a des textes qui parlent d’autres choses. Mais même si mes textes ne ramènent pas des personnes vers ma musique, rien que le fait qu’ils puissent faire du bien, accompagner quelqu’un sur une journée… c’est chouette. Je suis la première, sur les réseaux, à aller suivre des gens qui écrivent ce genre de textes parce que cela me fait du bien dans mon propre cheminement. Ça circule. Et ça fait du bien par rapport à que nous entendons aux informations par exemple. Certains en font également de l’humour, comme Maurice Barthélémy qui parle de l’hypersensibilité de façon décalée. Tout ce qui est sincère et vient de nous remet un peu d’humanité. J’ai également arrêté les concerts pour l’une de ces raisons, parce que je trouvais qu’il y avait une barrière entre le public et moi sur scène. Cela ne m’allait plus. Si je refais des concerts, quand ça reviendra, et selon ce que je ferai avec ma voix, je veux faire quelque chose avec une réelle proximité avec le public, où il y a quelque chose de direct. Pas une forme à laquelle nous sommes habituées en France, dans des clubs classiques ou des festivals habituels… qui ne correspondent pas à ma manière d’interagir avec les gens.
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> Du coup vous ne ressentez pas de frustration à l’idée de ne pas pouvoir présenter votre nouvel album sur scène en ces temps de crise sanitaire ?
Non. Je me rappelle, pendant le premier confinement, les tourneurs reportaient les dates et nous ne pensions pas que nous n’aurions pas de concerts pendant si longtemps, nous pensions même que cela reprendrait en septembre. Quand j’ai annoncé que j’arrêtais le live, cela a été une mauvaise nouvelle. Mais je cherchais d’autres formes, peut-être une idée d’installation sonore… Je voulais vraiment faire autre chose. Je sentais que ça n’allait pas et que le conflit venait de l’intérieur de moi. Je me suis rendu compte que je ne voulais pas faire de concerts, que j’avais besoin d’une pause pour recréer autrement, trouver d’autres choses en moi, aller explorer d’autres pistes. Je me suis dis que j’allais juste faire cet album et le sortir et heureusement mon label a été super. Ils m’ont soutenue et acceptée. J’étais contente parce que personne ne m’a demandé si j’avais des dates ou non et je n’ai pas eu a en parler beaucoup.
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> Vous habitez dans la région de Tours, est-ce que vous avez entendu parler des concerts à domicile mis en place par Le Temps Machine en collaboration avec des artistes locaux ? Cela prenait la forme de petits concerts chez l’habitant. L’artiste jouait face à un nombre limité de personnes, chez elles et dans le respect d’un protocole sanitaire strict. Est-ce que c’est le genre de proposition qui pourrait répondre à vos attentes actuelles ?
En effet, j’ai des amis qui m’en ont parlé. Mais je suis allée vers d’autres choses récemment. J’ai annoncé que j’allais travailler sur des soins avec ma voix. J’ai commencé une autre activité en parallèle donc je ne me vois pas faire des concerts sur cet album. Je suis encore en transformation. Je ne sais pas ce qui se passera pour le prochain album, je commence à avoir des envies et des idées, qui vont utiliser ce que je fais avec ma voix, dans le soin notamment. Ce sera une forme plus expérimentale, plus intuitive, qui va donner lieu à des concerts qui seront davantage des « performances », en petit comité. Je ne pense pas que je re-chanterai tout mon répertoire dans ce genre d’événements. Je ne sais pas encore. Déjà avec mon premier album, intitulé Keep this moment alive, j’avais senti qu’il y avait quelque chose avec l’instant à garder vivant. Actuellement je travaille le chant intuitif et il y a quelque chose qui se passe avec la voix. On peut vraiment soigner, libérer… J’aimerais faire des performances qui pourraient prendre la forme de soins collectifs, pour lesquels nous sommes obligés de faire avec l’énergie du moment et les personnes qui sont présentes. Je laisse tous les possibles ouverts.
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> Vous parlez d’un prochain album mais n’est-ce pas trop difficile de penser à une autre œuvre après la « mise à nu » réalisée avec Monde Sensible ?
Au début je ne voyais pas ce que je pouvais faire d’autre après cet album, comme si j’avais tout dit. Et comme j’écris des textes que je partage sur les réseaux, j’ai l’impression que ceux qui me suivent savent tout. Mais en parallèle, comme j’explore d’autres choses avec ma voix et que cela fait très longtemps que j’ai envie de faire des choses plus expérimentales sur mes albums, sans me l’autoriser… je pense que cela va se répercuter sur la création du prochain album. J’espère que j’arriverai à faire quelque chose de l’ordre d’une expérience sensible. Dans Monde Sensible je parle du sensible, dans le prochain je proposerai certainement une expérience sonore.
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> Pour en revenir à cet album, Monde Sensible, qui vient de sortir, est-ce que vous envisagez de proposer d’autres clips pour continuer à le faire vivre ?
Ce n’est pas prévu.
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> Est-ce que vous pensiez en sortant cet album, qu’en plus de vous faire du bien à vous, il pourrait également faire du bien au public, vu le contexte délicat de pandémie dans lequel il est sorti ?
Je n’avais pas du tout prévu que cet album puisse avoir un impact par rapport à ce que nous vivons. Mais quand j’ai fait le morceau Différente ou Elle rougit, je me suis dis qu’ils pourraient parler à certaines personnes. Ce sont des sujets intimes qui touchent également d’autres gens. Mon but n’était pas de plaire au plus grand nombre mais juste de faire du bien à ceux qui partagent ce sentiment, cette hypersensibilité.
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Un grand merci à Mesparrow pour cet échange passionnant !
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