Etiqueter un artiste selon un genre musical, ou encore par rapport à des artistes qui lui sont similaires est un exercice courant en journalisme musical. Or, il existe parfois des spécimens pour lesquels il est plus délicat de dessiner les contours. Et c’est la problématique que soulève ici nymano, le beatmaker nancéen qui a sorti son premier album, short stories, regroupant dix-huit pistes à la durée relativement courte (allant de la minute à 2 minutes 30) au mois d’aout.
Poétiquement, nymano serait une sorte de côté obscur de Debussy. Plus mélancolique et « sombre », désabusé par la morosité de notre siècle, mais qui ne parvient pas à se débarrasser de ses idéaux idylliques. En témoigne l’illumination qu’est l’excellent douceur feat. saib en ouverture d’album, et différents motifs musicaux proposés de-ci de-là, comme les trente dernières secondes volatiles de comfy ou encore les répétitions apaisantes de people, la délicatesse du réveil de early wake up. Ce short stories n’est pas un album de la tristesse ou de la dépression, comme certains peuvent le concevoir, il s’agit plutôt d’une bulle de confort dans un monde violent.
La deuxième partie du crossover fou qui semble constituer l’ADN de nymano, et part la plus importante du code source du jeune homme, est à aller chercher au Japon. Plus précisément chez Nujabes, DJ japonais, décédé prématurément en 2010, mais dont le style aura laissé sa trace et inspiré de nombreux artistes. Leurs points communs ? Le hip-hop qui se mêle au jazz dans une ambiance planante, le beat travaillé et entrainant, la musique électronique qui n’a pas peur des saxophones et autres flutes traversières, la structure des morceaux (ouverture instrumentale puis introduction du beat quelques secondes plus tard, breaks mélodiques durant lesquels le beat est en pause). La quasi-totalité de l’album pourrait être qualifiée d’hommage à l’œuvre du maitre japonais, citons tout de même les majestueux rencontre, memories of you, great to see you, women, daydream. Ne lui manque plus qu’à trouver son Shing02 pour accompagner certaines de ses mélodies au rap, seul petit regret de ces courtes histoires.
Avec ce premier essai nymano se classe directement dans les révélations françaises à suivre de près, avant-gardiste d’un style encore trop peu exploré, prometteur, et ouvrant la voie vers d’autres paysages musicaux.
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