Nous avons découvert le groupe Stuffed Foxes en live à l’occasion du festival Terres du Son et voyant qu’il était programmé à l’occasion du festival Hop Pop Hop qui se déroulait le week-end dernier à Orléans, nous avons saisi l’occasion d’échanger avec lui. Après leur passage sur scène, les tourangeaux ont accepté de répondre à nos questions ; retour sur une interview passionnée et passionnante.
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> Le groupe est actif depuis 2017, ce qui n’est pas très vieux. Qu’est-ce qui vous a donné envie de vous lancer dans la musique ?
Léo (claviers/tambourin) : On joue de la musique ensemble depuis toujours. On a tous évolué en écoutant les mêmes disques, en se les partageant. On a trouvé cette même musique qui nous faisait vibrer et ça nous est devenu totalement évident, en 2017, de faire de la musique ensemble.
Léo (guitare/chant) : Mais 2017, c’est plutôt la date qui acte l’arrêt des études et le fait d’être focalisé sur notre musique. Nos goûts sont ultra resserrés les uns des autres vu qu’on a grandi ensemble, pour certains on se connait depuis le collège. Septembre 2017, ça peut être le point 0 par exemple.
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> Vous avez sorti votre premier EP en 2018. Êtes-vous satisfaits de cette première production. Quand vous la réécoutez un an après, est-ce qu’il y a des choses que vous aimeriez changer, refaire autrement ?
Germain : Oui, c’est sûr qu’il y a des choses qu’on referait différemment. Les premiers essais, on ne sait pas trop où on va et il y a forcément des choses pour lesquelles on n’est pas trop sûrs de nous. Du coup forcément si on le re-faisait ce serait différemment. Mais au final on en est quand même contents. On a un super souvenir et c’étaient des morceaux qui nous tenaient beaucoup à cœur.
Léo (guitare/chant) : Mais c’est clair qu’au moment de l’enregistrer, de le produire, on a marché dans l’inconnu en permanence. Quand on recherchait on ne savait pas forcément où est-ce qu’on allait, on n’avait pas forcément les repères exacts, on ne savait pas forcément où trouver les techniques précises, en termes de production, sur lesquelles raccrocher notre musique. Au final il est important ce disque, parce que maintenant qu’on sort une deuxième production en octobre, on avait déjà un point de départ technique avec ce disque-là.
Léo (claviers/tambourin) : Ça nous a permis de progresser.
Léo (guitare/chant) : C’est ça et cela nous a également permis de mieux connaitre notre musique.
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> Dans le groupe vous êtes nombreux. Comment est-ce que vous travaillez ? Est-ce que chacun amène ses idées ? Est-ce que l’un de vous va davantage guider le groupe vers la direction à prendre, un choix à faire… ? Comment faites-vous pour vous mettre tous d’accord ?
Léo (claviers/tambourin) : On marche beaucoup sur le principe de jam session en répétition. On part du riff de quelqu’un ou d’une idée simple et on essaye de la décupler et de la faire grandir. On répète toutes les semaines plusieurs fois.
Germain : On jam sur des idées, on fait sur des trucs, et ça prend forme petit à petit. Quand on joue on décide de garder ça et on se met d’accord sur la structure. On rejoue les trucs et ça vient comme ça.
Léo (guitare/chant) : Comme on a grandi ensemble et que nos goûts sont très resserrés les uns des autres, il n’y a pas de forces opposées. Ce sont des bribes d’idées de l’un ou de l’autre mais on marche tout de suite dans le même sens, tous les six. Il y a peut-être quelques idées différentes sur des détails, on va débattre et tout.
Germain : Oui, c’est sur un petit truc, est-ce qu’on met ça là ou pas et on va trouver des petits compromis qui ne posent aucun problème.
Léo (claviers/tambourin) : Mais très souvent c’est de la compréhension immédiate. On sait très souvent où est-ce que l’autre veut aller et c’est ça qui est super.
Germain : Quand le truc nous plait, ça marche pour tout le monde. Ça se sent tout de suite et on se dit « c’est cool, c’est ça qui fallait qu’on fasse ».
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> Et comment savez-vous que le morceau est fini ? À partir de quel moment vous décidez d’arrêter de travailler dessus ?
Léo (guitare/chant) : Une fois qu’on ne l’aime plus.
Germain : Généralement ça se sent. Tant qu’on avance c’est qu’on sent qu’il manque un truc, qu’il y a de l’idée et qu’il faut qu’on pousse le truc. Puis il y a un moment où ça nous plait. Mais parfois ça peut rechanger, rien n’est figé. À part quand on va en studio et là pour le coup on le fixe sur un support mais on peut continuer à le faire changer en live. Quand on arrive à une forme qui nous va on la garde, même si ça peut changer plus tard…
Léo (claviers/tambourin) : Ça bouge toujours un peu. Même au niveau des arrangements ou même une subtilité… C’est toujours en train de bouger.
Léo (guitare/chant) : Dans l’idée, c’est contre-nature de figer de la musique, comme un morceau enregistré. La musique, à la base, c’est vivant. On est dans cette idée-là quand on va jouer en live. Le but c’est de faire redécouvrir le morceau et de ne pas le faire sonner comme la dernière fois. Et justement je pense qu’il y a un moment où on a eu un peu trop cette idée-là de vouloir figer le plus possible les structures. Et aujourd’hui on s’est rendu compte que c’est un mauvais procédé. Il y a forcément un moment où on va arriver dans le studio et où on va devoir figer le morceau mais en réalité en live ils bougeront tout le temps. Ils auront une vie et ils évolueront.
Léo (claviers/tambourin) : Il y aura toujours une part de mouvement.
Léo (guitare/chant) : Jusqu’à ce qu’on ne les joue plus.
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> Vous avez un son très particulier. On lit parfois sur Internet que vous sonnez dans un esprit très années 70. Est-ce que c’est quelque chose que vous revendiquez ? Êtes-vous d’accord avec ce propos ? Est-ce que cela provient d’influences communes ?
Léo (guitare/chant) : En fait, on n’a pas vraiment de penchant particulier pour cette époque. En réalité on n’a pas l’impression qu’on sonne années 70.
Léo (claviers/tambourin) : Je ne sais pas, t’as vu sa gueule, t’as vu ma gueule...(rires). On n’a pas l’air très années 70…
Germain : C’est surtout que le style de musique qu’on fait prend sa source dans ces années-là et c’est quand même des trucs qu’on a écouté et qu’on écoute encore. C’est une super période mais on n’a pas l’impression de faire ça et d’être spécialement rattaché à ça.
Léo (guitare/chant) : Les années 90 sont tout aussi importantes pour nous. Genre Sonic Youth…
Germain : Nirvana.
Léo (guitare/chant) : Oui Nirvana… Tous ces groupes-là sont tout aussi importants pour nous que le son qu’on peut trouver dans les années 70.
Simon : Même la scène actuelle.
Léo (guitare/chant) : Oui. Même si c’est une musique de niche, en réalité le rock est une musique ultra-vivante, qui évolue beaucoup aujourd’hui et qui est en perpétuel mouvement. Au final ce sont peut-être plus les groupes d’aujourd’hui qui nous influencent.
Germain : Carrément. Et même si ça peut avoir un lien et une source dans les années 70, ça reste un rock d’aujourd’hui et une musique actuelle.
Léo (guitare/chant) : Et vivante. En progression. En évolution.
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> Justement, le style de musique le plus écouté aujourd’hui c’est la musique dite « urbaine ». Est-ce que vous ressentez de la difficulté à assumer votre style et à attirer un public ?
Germain : Le public est moindre mais il est là quand même. Et je pense qu’il y a une sorte d’équilibre. Il y a peut-être moins de public mais il y a aussi peut-être moins de groupes qui font ce style de musique-là que de la musique urbaine. Il y a une sorte de balance.
Léo (guitare/chant) : Du coup c’est beaucoup de passionnés.
Germain : Et c’est trop cool aussi. Ça touche des gens vraiment intéressés.
Léo (guitare/chant) : Et je pense qu’en concert on est capable d’attraper des gens qui ne sont pas forcément intéressés.
Léo (claviers/tambourin) : Oui c’est déjà arrivé.
Léo (guitare/chant) : C’est le live qui prime et peut-être qu’à un instant T ils peuvent ressentir quelque chose sur notre musique bien que ça ne fasse pas partie de leur goût. Et on adore la musique urbaine, tout le hip-hop, la trap…
Germain : Et c’est peut-être difficile de prendre du recul parce qu’on est dans ce milieu-là. On a l’impression que tout le monde écoute ça parce-que tous nos potes écoutent ça, les gens qu’on rencontre dès qu’on fait un concert… Même si au final ce n’est pas forcément le cas. Mais il y a quand même un public.
Léo (guitare/chant) : Puis on n’a pas l’idée d’être carriériste. En réalité, peu importe le nombre de personnes qui écouteront…
Germain : Le but est de trouver un public et de partager notre musique avec les gens et qu’ils soient 100 ou 10 000, peu importe.
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> Et quelle est votre préférence, le studio ou le live ?
Léo (claviers/tambourin) : On a fait plus de live, ça c’est sûr !
Germain : Le studio je pense qu’on n’est pas encore au point.
Léo (guitare/chant) : Le live c’est un terrain balisé pour nous aujourd’hui. Et justement là où il y a de l’aventure aujourd’hui pour nous, c’est dans le studio.
Germain : Mais toujours dans le live aussi quand même. Il y a encore plein de trucs aussi à savoir.
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> Comme vous le dites très justement, vous faites une musique très vivante et vous avez fait davantage de scène… Ça n’a pas été compliqué pour vous de passer l’étape du studio, de figer votre musique ?
Léo (guitare/chant) : Si, ça a été un merdier pas possible, laisse tomber ! En studio on est rincés, on ne comprend plus où on va, on se perd. Parfois on a eu des gros moments de dépression en studio, à ne plus savoir où est-ce qu’on va. Et justement c’est là où tout est à faire pour nous. Et en réalité on n’est pas forcément 100% convaincus de nos productions aujourd’hui.
Germain : Et ça veut dire qu’il y a encore du travail à faire, du coup c’est cool.
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> Vous allez sortir un nouvel EP le 19 octobre. Est-ce que vous pouvez nous en dire davantage ?
Léo (claviers/tambourin) : Il s’appelle No Vacancy. Il y a une pochette. Il sort le 19 octobre et on le jouera au Temps Machine (à Tours), pour la sortie.
Germain : Il y a cinq titres.
Léo (claviers/tambourin) : Et on jouera la Release Party avec Wild Fox, d’Angers.
Germain : Des gros potes. Ça va être trop cool.
Léo (claviers/tambourin) : Ça va être super.
Léo (guitare/chant) : On l’a enregistré avec Jérôme Trichard, un gars qu’on aime beaucoup, qui a fait toute la production.
Germain : Qui fait notre son en live et qui était là pour notre concert à Hop Pop Hop. Et c’était trop cool de faire ça avec lui.
Léo (guitare/chant) : Je pense que cet EP est moins trafiqué que le premier en termes de production. Il est moins sucré, la production est moins pompeuse. Il y a un truc plus instantané. Enfin, le terme c’est « urgent », c’est souvent ce que disent les gens : « c’est dans l’urgence ».
Germain : C’est tout le temps hyper enrichissant et agréable de bosser avec lui. Du coup en studio c’était comme en live, ça nous a beaucoup plu.
Léo (guitare/chant) : Je trouve que cet EP sonne comme un groupe dans une pièce. Et c’est stylé, c’est complètement aux antipodes de l’autre. C’est cool. Et il y aura un clip aussi.
Léo (claviers/tambourin) : Oui il y aura un clip qui sort le 4 octobre, réalisé par Julien Philips, de Tours.
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> Vous parliez de votre Release Party au Temps Machine, à Tours. Et justement, en parlant du Temps Machine, vous avez fait partie de leur dispositif Le Suprême LTM, est-ce que c’était important pour vous d’être accompagnés par une structure comme Le Temps Machine ? Qu’est-ce que cet accompagnement vous a apporté ?
Léo (claviers/tambourin) : Forcément, ils nous ont aidés à nous développer, d’une certaine façon. Puis ce sont des gens qui sont très gentils et très enrichissants.
Germain : Ils sont super cools et ils ont une expérience qu’on n’a pas et une connaissance du milieu qu’on n’a pas. Ils sont là pour nous aiguiller, apporter des réponses à nos questions et aussi apporter des réponses à des questions qu’on ne se posait pas et nous amener à nous les poser et du coup c’était super enrichissant.
Léo (guitare/chant) : Je trouve qu’on a eu une chance incroyable. On ne les remerciera jamais assez d’avoir eu envie de nous faire confiance. Parce qu’en réalité ça a quand même été super déterminant. Et il y a aussi la Fraca-Ma qui nous a accompagnés et grâce à ça on est un peu sorti du flou, de la vie de précarité en mode on fait juste de la musique, on a rien d’autre. Et là on avait des gens qui nous ont tendu la main et c’est vraiment une chance de fou.
Germain : On ne s’y attendait pas et ça a rendu les choses un peu plus concrètes dans notre tête. Ils ont été hyper bienveillants.
Léo (guitare/chant) : Puis l’idée que la musique ne résonnait pas que chez nous nous a beaucoup motivés !
Germain : Qu’il y ait des types à qui ça ait plu et qui ont décidé de nous aider, c’est hyper motivant.
Léo (claviers/tambourin) : C’est incroyable parce qu’en un an il s’est passé énormément de choses. Quand on revient un an en arrière, on était calés dans un appart’, en train de rêver, en train de crever et là aujourd’hui on fait des super scènes comme ici… Et quand on accuse le coup et qu’on se rend compte, on se dit « put**n il s’est passé trop de choses » et c’est assez fou. Ça va vite.
Germain : C’est ce qu’on a toujours voulu vivre et on le vit du coup.
Léo (claviers/tambourin) : On ne remerciera jamais assez tous ces gens.
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> En parlant de scène, vous avez fait le Printemps de Bourges cette année, on vous a également vus à Terres du Son, ce week-end c’est Hop Pop Hop… Comment on se sent quand on fait Le Printemps de Bourges, qui est réputé pour être une belle opportunité en termes de carrière et ces autres festivals qui sont tout autant de beaux événements, notamment dans la région ?
Léo (claviers/tambourin) : Je pensais que le Printemps de Bourges était un petit festival, donc moi ça ne me touchait pas vraiment.
Germain : Je pense qu’on ne se prend pas trop la tête avec ça. On pense surtout à faire notre musique et c’est trop cool de pouvoir la faire là et aussi de la faire ailleurs. C’étaient des super choses à vivre et on a essayé d’y aller comme on est toujours aller faire notre musique. C’est vrai qu’avec du recul c’était des choses importantes et c’est trop cool. Et pour moi Terres du Son c’était un peu marquant parce qu’est un festival où on était déjà allés en tant que festivaliers, puisqu’on habite à côté et où on a passé des super moments, on a vu des super concerts et du coup c’était super intense d’y jouer.
Léo (guitare/chant) : Pour revenir au Printemps de Bourges, je trouve qu’on s’est quand même mis la pression. On nous a bassiné avec les programmateurs, la vitrine… et là ça a été un flux d’informations. Et moi je me suis dit « ah oui c’est un moment important » et au final le concert n’était pas très agréable, il était loin d’être un de nos meilleurs concerts. Et ça nous a servi de leçon. Aujourd’hui, peu importe où on joue, c’est nous six d’abord.
Léo (claviers/tambourin) : Ce n’est pas la scène qui prime, c’est vraiment le fait qu’on est ensemble. Qu’on soit dans un bar ou sur la scène du plus gros festival du monde, c’est toujours la même chose.
Léo (guitare/chant) : L’important c’est la transe qu’on a sur scène. Je voudrais que nos concerts soient des sensations fortes, comme faire un grand 8. Maintenant sur scène il faut vraiment qu’on rentre concentrés uniquement sur ce sentiment-là et qu’on l’accroche. On a la chance de pouvoir choper ce sentiment quand on est sur scène, donc maintenant peu importe quelle scène…
Germain : Le but c’est aussi de partager ce sentiment-là avec le public, quel qu’il soit.
Léo (guitare/chant) : Quand tu relèves la tête, que tu vois qu’il y a des gens devant toi qui arrivent à accrocher ce sentiment que toi tu ressens sur scène, là c’est un moment fort. Le public c’est très important, mais d’abord il y a un truc égoïste quand tu montes sur scène…
Un grand merci aux Stuffed Foxes pour cet excellent moment passé avec eux !
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Photos © Laure CLARENC pour Can You Hear.
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