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Hop Pop Hop 2019 : Rencontre avec Irène Drésel

Pour notre dernière interview à Hop Pop Hop, nous avons eu la chance d’échanger avec Irène Drésel, artiste multi-facettes fascinante, et Gilles alias Sizo Del Givry, le percussionniste qui accompagne la jeune femme sur scène. Irène Drésel est à l’origine d’une musique puissante, une techno teintée de sensualité. Intrigués, nous avons voulu en savoir davantage sur son parcours, ses influences… Faisons un petit plongeon dans l’univers passionnant d’une artiste qui l’est tout autant.

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> Avant de faire de la musique, vous étiez passionnée par l’art visuel, les arts plastiques. Comment êtes-vous arrivée jusqu’à la musique ?

Irène Drésel : Effectivement j’étais à l’école des Beaux-arts à Paris et je faisais de la photo, de la vidéo, du dessin, des installations, beaucoup de choses axées sur la photo. Suite au diplôme l’année suivante j’avais une exposition, avec des photos, une vidéo et j’avais envie de mettre du son sur cette vidéo. Je me suis posée la question de savoir si je pouvais peut-être le faire moi-même, sachant que dix ans plutôt j’avais eu une brève envie de faire de la techno parce que j’aimais ça. Mais je n’avais pas poussé le truc, c’est une idée qui est passée puis qui est repartie aussi tôt. A l’époque il n’existait pas de logiciels comme aujourd’hui. Je pense que c’était quand même très difficile de faire de la musique, il fallait être un vrai geek dans les années fin 1999, 2000. Ce n’était quand même pas aussi accessible qu’aujourd’hui. Et puis je me suis mise. Un ami m’a montré quelques petites choses et ensuite cela ne m’a plu quitté. Et Gilles qui est avec moi est aux percussions et m’accompagne en live. Son nom de scène c’est Sizo Del Givry.

Gilles : Moi j’ai fait une école de percussions aux alentours de 11, 12 ans. J’ai fait des percussions africaines, des percussions cubaines, traditionnelles, pendant un petit moment. Ensuite j’ai joué en after avec des DJs, au Queen aussi, dans ce grand club. Et nous nous sommes retrouvés sur le projet en live il y a trois ans.

Irène Drésel : Oui, quand la question s’est posée en 2016 de savoir si tu voulais venir avec moi sur scène. Cela s’est fait d’une manière très naturelle.

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> Vous vous connaissiez déjà avant ?

Irène Drésel : On est en couple depuis 11 ans. Donc soit la scène allait nous séparer et Gilles resterait à la maison, soit il venait avec moi sur scène et je trouvais que c’était bien. Cela apporte quelque chose de très humain sur scène. Les gens ne savent pas qu’on est en couple mais il y a des gens qui le devinent. C’est arrivé qu’on nous dise « mais est-ce que vous ne seriez pas en couple ? » et après ils disent qu’ils le savaient (rires) !

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> Comment en êtes-vous arrivés à faire de la techno ? C’est un style de musique qui n’est pas très commun.

Irène Drésel : Non ce n’est pas très commun, surtout en ce moment. Ce n’est pas à la mode. Gilles écoutait beaucoup de techno et on s’est rencontrés lors d’un show de James Holden, un show de techno. Moi j’aimais ça, je n’en écoutais pas beaucoup mais j’aimais bien ça.

Gilles : C’était à la Chesnaie du Roy, James Holden, vers 4h30-5h00 du matin, il se mettait à faire jour.

Irène Drésel : C’est ça, c’était l’été, le 27 juillet 2008 il me semble. Et toi tu écoutais beaucoup de techno, donc quand on s’est vus on s’est mis à en écouter beaucoup, même si toi tu en écoutais déjà beaucoup. Cela n’a fait qu’entretenir ce truc. La techno c’est une musique que je peux écouter le matin au réveil, c’est quelque chose qui prend aux tripes. C’est une musique qui me parle profondément et Gilles aussi. Mais attention, je n’aime pas toute la techno, je n’aime pas du tout tout ce qui fait. D’ailleurs nous sommes assez difficiles.

Gilles : Oui, nous sommes vraiment difficiles. Mais la techno a un côté physique qu’on peut ressentir lorsqu’on joue sur des gros soundsystem. Ce qui est très régulièrement notre cas. Là tu recherches vraiment un impact corporel avec le public. Le kick doit aller chercher au fin fond du bas ventre parce que c’est ici que ça se passe. C’est vraiment cette écriture-là que tu cultives en écoutant, en faisant ton oreille. Et je trouve qu’Irène le retranscrit très bien parce que c’est aussi un mélange visuel et contemplatif. Quand tu écoutes la musique d’Irène, tu vois souvent des images. C’est pour cela qu’en live on a cette installation, qu’on travaille sur notre aspect scénique. En plus du message auditif on a un vrai message visuel qui se dégage.

Irène Drésel : Sur scène il y a des fleurs, toute une décoration florale qui accompagne le live. Ce n’est pas juste du son, c’est aussi visuel. Il y a une espèce de rêverie qui se met aussi un petit peu en place.

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> C’est aussi très lié au fait qu’avant vous étiez déjà très intéressée par l’art visuel…

Irène Drésel : Oui cela me permet de réunir les deux.

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> La techno que vous produisez à quelque chose de très sensuel. Elle dégage une certaine élégance, avec un petit côté féminin… Est-ce que c’est quelque chose dont vous avez conscience, que vous recherchez ? 

Irène Drésel : Je valide un morceau s’il me donne des frissons et si plusieurs semaines plus tard il me touche encore autant donc non c’est juste une succession de validations, de choix. Et il se trouve qu’à la fin cela donne ce résultat mais je ne me dis pas « ah non celui-là il n’est pas assez sensuel ». Ce sont juste mes morceaux préférés que j’ai mis dans un ordre particulier pour que ça emmène bien dans un voyage. Ça se fait naturellement. C’est ce qui me ressemble.

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> Nous découvrons vraiment la techno avec votre album que nous aimons beaucoup et c’est justement tout votre univers, ce rapport à l’image, cette sensation de voyager, qui font que votre techno nous touche. Ce n’est pas juste du bruit…

Irène Drésel : Je pense que l’album est plus calme. Le live est un peu plus énervé mais c’est normal. Il ne faut pas que les gens restent bras croisés, il faut quand même qu’ils bougent. Donc on essaye aussi de faire quelque chose d’un petit plus rapide, ça s’enchaine, ça se coupe, ça reprend… C’est autre chose. On m’a souvent dit qu’il y avait une différence entre le live et l’album, mais c’est très bien.

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> Et justement, que préférez-vous ? Le travail en studio ou le live ?

Irène Drésel : Je suis assez sédentaire, j’aime bien être à la maison, à composer avec une tasse de thé. Le live quand ça se passe super bien j’adore ça. On sort de là, c’est extraordinaire.

Gilles : Ce sont de très grands moments.

Irène Drésel : Même si nous essayons de chasser le stress. On fait beaucoup d’exercices pour ne plus se mettre en tension parce qu’avant j’étais assez sujette au stress avant les concerts et ça ne donne pas forcément une bonne ambiance. Mais il y a quand même une petite appréhension. Tu te dis « pourvu que ça se passe bien », tu ne sais pas trop, tu t’interroges sur les horaires de passage, est-ce que jouer à 21h00 ça va le faire ? On nous dit que le public d’Orléans est un peu comme le public parisien, bon d’accord…

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> Et du coup il est censé être comment le public d’Orléans ?

Irène Drésel : S’ils sont comme les parisiens cela veut dire qu’ils sont durs.

Gilles : Je ne sais pas. En tous cas je pense qu’ils écoutent.

Irène Drésel : Ils jugent non ?

Gilles : Moi j’aime bien le public parisien.

Irène Drésel : Ah mais j’adore le public parisien parce qu’on les connait.

Gilles Sizo Del Givry : Je trouve qu’il est génial parce que justement il écoute.

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> Vous avez travaillé en auto-production. C’est un choix ? Si un label vous approche, vous signeriez ?

Irène Drésel : Si un label m’approche il y aura une réflexion. Cela dépend du label, si c’est en France ou à l’étranger…

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> Vous ne vous fermez aucune porte…

Irène Drésel : Non, moi j’avance. Donc n’ayant pas d’opportunité de label intéressante, nous avons fait le choix de l’auto-production. C’est difficile l’auto-production, mais en même temps cela permet de voir ce qu’on fait, d’avoir une vision très pure, il n’y a pas de biais. J’ai quand même une équipe, je ne suis pas toute seule, mais je ne suis pas fermée.

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> Le premier EP, Rita, fait référence à Sainte Rita, qui est la sainte des causes désespérées, impossibles. Pourquoi ce lien, cette idée ?

Irène Drésel : A un moment de ma vie où je n’étais pas bien, j’ai une amie qui m’a conseillé de prier Sainte Rita, qui, elle, priait Sainte Rita puis on va dire que tout est allé mieux. Et je me suis dit qu’au moment où je sortirai mon premier EP il sera en l’honneur de Sainte Rita et je l’appellerai Rita et ça s’est fait comme ça. Et j’ai appris après que ma grand-mère priait également Sainte Rita.

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> Vous proposez également du merchandising peu commun. Pourquoi de la lingerie ?

Irène Drésel : Le merchandising usuel, c’est à dire le tote-bag, le t-shirt en coton et la casquette, ne me ressemblent pas beaucoup. J’avais envie de proposer un merchandising en lien avec ce que nous proposons sur scène, où nous avons des tenues assez extravagantes, assez féminines.

Gilles : On n’est pas toujours super habillés.

Irène Drésel : Pour le concert de ce samedi soir j’ai une robe blanche en dentelle. Il y a un côté un peu lingerie. Donc je trouvais que proposer un merchandising assorti avec ce qu’on voit sur scène fonctionnait bien. Imaginons un rappeur, il a un gros sweat qu’il va vendre. Moi je vends des jolis peignoirs, des nuisettes et des culottes à frou-frou. Ça change. C’est en satin. Il y a aussi des boxers pour homme. Le but c’est d’être cohérent, je n’ai pas envie que ce soit juste commercial, je n’ai pas envie qu’on fasse du chiffre en vendant des t-shirts ou alors il faudrait que le t-shirt soit très élégant. C’était aussi pour m’amuser avec le merchandising. Ça a été des longues recherches puisque c’est de l’impression sur satin, donc ce n’est pas évident. Mais j’ai trouvé un artisan dans la région, dans le 28 justement.

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> En ce qui concerne le processus de composition, travaillez-vous ensemble ou est-ce que c’est Irène qui créé le morceau et Gilles qui vient apporter sa touche finale ?

Irène Drésel : Je compose. Quand j’en suis très contente, Gilles c’est la première oreille qui écoute le morceau.

Gilles : Je fais des écoutes.

Irène Drésel : Il opine du chef ou il fait la grimace (rires). Et ensuite quand le morceau est fini et même durant la composition du morceau, il me conseille : « oh ce rythme-là est bizarre », « oh ici ton rythme tombe mal », « enlève une mesure ce sera peut-être mieux »… Il me conseille sur l’énergie, comment faire en sorte que le groove soit maintenu parce que je suis plus axée mélodie et lui plus sur le groove. Quand le morceau est fini on enregistre des percussions live que Gilles créé. Il rajoute…

Gilles : Mais tu créé plus de 90% du morceau en solitaire, seule dans ton univers. Moi pendant ce temps-là je fais tout autre chose. Et une fois que le processus est très avancé je mets un petit peu mon grain de sel.

Irène Drésel : Tu apportes une belle touche aussi.

Gilles : Après on construit le live ensemble.

Irène Drésel : Il me rassure aussi.

Gilles : Mais je trouve ça toujours bien.

Irène Drésel : Oui mais c’est arrivé que je me dise que tu vas détester et en fait tu me dis que tu adores. Et je suis contente. Parce que Gilles a une très bonne oreille et une très grande culture musicale.

Gilles : Et à chaque fois que je trouve qu’il y a quelque chose qui ne va pas, tu me regardes déjà avec un regard qui s’attend à ce que j’exprime mon doute.

Irène Drésel : Je le sais d’avance…

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> Et à quel moment savez-vous qu’un morceau est terminé ? Que vous n’allez plus y toucher ?

Irène Drésel : Je l’écoute plusieurs fois. Je me suis prise un abonnement à la piscine et j’ai un casque qui va dans l’eau et en fait tu valides un morceau quand tu l’écoutes en faisant autre chose. Tu n’es plus focus sur le morceau mais par contre s’il y a un moment qui te gène ça va te perturber. Tu es en train de nager et tout d’un coup tu te dis « là je me suis un peu ennuyée, ça fait quelques mesures qu’on tourne un peu en rond ». Par contre quand au bout d’un moment tu l’écoutes et tu ne te fais plus de remarques négatives sur le morceau, que tu l’apprécies jusqu’au bout et que tu as l’impression qu’il s’arrête au bon moment et que tu es rassasié, c’est qu’il est prêt.  C’est un peu comme le gâteau qui sort du four. Comment tu sais que ton gâteau est prêt ? Parce que ça commence un peu à sentir le parfum du gâteau dans la cuisine et que quand tu trempes ton couteau il a la bonne texture. C’est là que tu sais que c’est prêt. C’est une évidence. Quand il est prêt il est prêt. Il n’y a plus d’aspérité. Tu pars avec, tu peux t’endormir en l’écoutant.

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Merci à Irène Drésel et à Gilles pour cette interview très sympathique qui ouvre des horizons musicaux particulièrement intéressants !

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www.facebook.com/irenedreselofficial

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Actuellement chargée de communication, je suis passionnée par les musiques actuelles. J'observe, j'écoute, j'interroge et j'écris.

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