Dans le cadre du Printemps de Bourges, nous avons pu discuter avec Martin Mey de sa façon d’aborder les concerts ainsi que de ses nombreuses collaborations visuelles et musicales.
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> Ton concert au Printemps de Bourges était cet après-midi. Ça s’est bien passé ?
Ça s’est bien passé pour un concert l’après-midi dans les conditions des iNOUïs qui ne sont pas évidentes. Mais je pense qu’on a fait un bon concert. Il y avait plutôt du monde pour l’heure, et les gens avaient l’air assez content. On a eu plein de bons retours.
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> Ce matin tu avais posté un message sur Facebook. Apparemment il n’y avait plus d’électricité à Bourges ?
Oui c’est vrai. Il y a un planning très serré, comme dans n’importe quel festival, et nous, on était les derniers à balancer. Donc on a eu un peu peur quand on a entendu l’alarme et qu’on a vu tout le monde sortir du bâtiment. On a perdu 10 minutes comme ça, sans électricité, mais bon au final on s’en est bien sortis.
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> Ça a dû rajouter une pression supplémentaire.
Ouais je ne sais pas trop… Il y a déjà beaucoup de pression parce que c’est quand même une date importante. Donc même si toi tu ne te mets pas la pression, les gens te la mettent. Et là, le fait qu’il n’y avait plus d’électricité, ça m’a presque détendu un peu. J’aurais pu faire un concert acoustique, ça ne m’aurait pas dérangé.
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> Et le fait que ça soit les iNOUïS, donc un tremplin assez important, ça doit rajouter pas mal d’agitation ?
Oui, il y a beaucoup d’agitation autour de ce festival-là quand on vient en tant que découverte. Après je ne me mets pas de pression sur ce tremplin. Pour moi le truc qui est génial, c’est déjà d’être ici. A partir de là, on est à Bourges pour faire un bon concert. Ce n’est pas à moi de dire si c’était bien ou pas, mais a priori c’était pas mal.
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> Tu as d’autres dates de prévues à travers la France pour le moment ?
Oui, il y en a pas mal mais peut-être qu’elles ne sont pas encore toutes annoncées. Il y en a plein qui sont en train d’être confirmées. En tout cas, on est sur une belle série de dates déjà depuis le début de l’année. On a dû en faire 15 ou 20, et je pense qu’il y en aura encore peut-être 30 d’ici la fin de l’année. C’est une très belle tournée qu’on a la chance de faire.
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> Ça sera plus des festivals ou des dates en salle ?
Un peu des deux. De belles salles un peu partout en France et puis quelques festivals cet été. Je ne vais pas trop dire de noms parce que je ne sais pas ce que j’ai le droit de dire pour le moment… En plus, il y a des choses qui ne sont pas encore confirmées. Mais il va y avoir une belle date fin mai dont je ne peux rien te dire, et peut-être une très belle date début juillet, que je ne peux pas te dire non plus ! (rires) Sinon il y a un très beau festival cet été à Marseille qui s’appelle L’Edition. On va jouer là-bas en juin, dans un festival au Pays Basque en juillet, dans un autre dans le Var…
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> Tu abordes tes concerts en festival différemment de ceux en salle ?
Oui, c’est sûr que ce sont des exercices très différents. Je suis beaucoup plus habitué et à l’aise a priori en salle parce que c’est simplement l’expérience que j’ai. Jusqu’à très récemment je ne faisais pas de la musique taillée pour les festivals donc on faisait plutôt des petites salles et j’étais très bien sur cette jauge-là. Mais maintenant, avec le fait qu’on soit en trio, qu’on fasse le Printemps de Bourges et d’autres festivals cet été, on travaille pour que la musique touche aussi les gens dans ce contexte-là qui est complètement différent. Après, je n’ai pas d’appréhension particulière, mais il faut vraiment changer car ce n’est pas du tout le même rapport au public. Donc j’espère que ça leur plaira, même si au départ, j’ai plus le feeling de la salle dans le noir avec moins de gens et une écoute différente car ça correspond plus à ma musique telle que je l’écris.
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> En concert, tu es accompagné par des installations visuelles ?
Oui. En fait, on a fait une création à partir de tape art. Le tape art, c’est l’art de faire des trucs visuels à partir de scotch. C’est une pratique que j’ai découvert un jour et qui m’a plus qu’intéressé. Je suis tombé amoureux de cette pratique, je me suis mis à en faire moi-même, et je me suis dit que j’allais pouvoir décliner ça pour la pochette de mon disque, pour mon premier clip qui allait avec l’album, et sur scène. On a fait appel à des artistes berlinois qui s’appellent Tape Over et qui nous ont aidés à faire la création scénographique. Sur scène aujourd’hui, comme partout en tournée, on tire des bandes de scotch qui nous font un habillage scénique qu’on met ensuite en valeur avec les lumières. Cela nous permet d’installer un univers visuel qui me plait beaucoup.
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> En parlant d’aspect visuel, tu as sorti ton nouveau clip hier. Tu as travaillé avec le collectif Sauvageon pour faire ce clip en 3D. Comment ça s’est passé ?
En fait, c’est un clip qui s’est fait très rapidement à partir d’une belle rencontre avec Sauvageon qui étaient très sensibles à la chanson au départ. Et nous, on avait pour idée de laisser une sorte de carte blanche aux réalisateurs qui avaient bien senti l’idée du morceau. On les a laissé faire et imaginer le clip. Du coup, ça s’est fait très simplement et en une journée de tournage pour les prises de vues réelles qu’ils avaient très bien préparées. Donc on a fait tourner un enfant et fait quelques prises avec moi. On a tout tourné sur fond vert. Et après, tout le reste est un gros travail d’animation en 3D qui leur a pris 10 journées 24/24h parce qu’on voulait l’avoir pour le Printemps de Bourges, ce que l’on a réussi à faire. Ils nous ont montré quelques extraits au fur et à mesure, mais on leur a vraiment laissé le champ libre pour faire ça et on est très contents du résultat. A la fois techniquement c’est très beau, et ça colle bien au titre.
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> Ça n’a pas dû être simple à gérer un enfant sur toute une journée de tournage comme ça ?
Justement, ils ont fait ça très bien, parce que je pense effectivement que c’était l’une des principales difficultés. Ils peuvent être très sûrs d’eux parce qu’ils sont très compétents sur l’animation 3D, mais en terme de réalisation je n’étais pas vraiment sûr de comment ça allait se passer avec un enfant sur un plateau de tournage, mais ils ont été très bons en coaching d’acteur. Je pense que la clé a été de faire un tournage très détendu comme on n’en voit jamais. On avait l’impression que c’était des vacances de faire ce clip, ce qui a permis de mettre à l’aise l’enfant parce que sinon ça allait être compliqué pour lui. Et au final, je pense que ça rend très bien et que l’émotion passe dans ce clip.
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> Du coup, la 3D donne un aspect un peu jeu vidéo. Est-ce que c’est un univers qui t’intéresse ?
Non pas du tout. Le jeu vidéo, ce n’est pas mon truc. Par contre, tout ce qui est interaction, étrangeté entre le réel et le numérique, donc ce qui se passe dans ce clip-là, ça me parle beaucoup. J’aime expérimenter des techniques différentes à chaque fois dans les clips. J’adore beaucoup l’animation en général, d’ailleurs on a déjà fait un clip tout en dessins animés, un en stop-motion aussi et ce clip-là en animation 3D. Ce ne sont que des manières d’explorer ces techniques-là, mais sans être que purement dans de la technique. J’espère qu’on arrive à faire une interaction poétique entre les prises de vues réelles et la techniques et je pense que c’est ce que Sauvageon ont très bien réussi à faire dans ce clip. Le principe est qu’on rentre dans cet univers-là, mais je trouve que la manière dont on y est amené est très intéressante, on n’est pas juste plongé dans un univers de jeu vidéo. En plus, et c’est ça qui m’a plu dans leur scénario, c’est qu’ils ont bien su proposer une idée qui colle avec le fait que c’est un morceau qui à la base est très acoustique, qui parle d’un enfant dans la nature, et qui en même temps a des sonorités très électro.
> Il y a d’autres techniques comme ça que tu aimerais tester dans de futurs clips ?
Oui, plein ! Je n’ai pas d’idées qui me viennent comme ça. Là tu vois, ce n’était pas forcément une volonté de départ, je ne m’étais pas dit que j’allais faire un clip en 3D. Mais vu que je suis très sensible à ça, c’est les propositions qui me parlent le plus. Donc la prochaine fois, peut-être qu’il y aura une autre proposition avec une autre technique qui me parlera autant. C’est quelque chose qui m’intéresse et je préfère nettement ça au clip où on va me voir jouer de la guitare, ou au clip où on va essayer de raconter un scénario pour faire un court-métrage. L’expérimentation technique me plaît beaucoup car c’est aussi un bon moyen de croiser les disciplines. On n’est pas seulement là pour faire un clip parce qu’il faut en faire un sur de la musique, on est là pour essayer de prolonger le morceau par quelque chose de beau. C’est ce que je fais aussi quand je fais de la musique, je ne sais pas forcément où je vais aller, j’essaye d’expérimenter les choses. Donc, je ne peux pas du tout te dire ce que ça va être la prochaine fois.
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> Après les collectifs Tape Over et Sauvageon, il y en a d’autres avec qui tu aimerais beaucoup travailler ?
Oui il y en a beaucoup, mais je suis très nul pour citer des références… Surtout comme ça, en plein milieu d’interview ! (rires) Disons que je suis très friand de collaborations diverses et variées. Ça peut très bien être quelqu’un que je vais rencontrer ce soir par exemple. Il faut vraiment qu’on est un bon feeling artistique et humain et après on peut pousser les choses très loin. Ça peut partir de presque rien et devenir une très belle collaboration. Je n’arriverai pas à te citer la prochaine, mais il y en aura d’autres.
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> Tu collabores aussi pour tes chansons. Récemment, tu as travaillé avec Paulette Wright pour It Just Happens. Comment ça s’est déroulé ?
En fait, au moment d’enregistrer l’album, on avait en tête cette idée de featuring qui pouvait être sympa. Et en même temps, ce n’était pas évident pour moi de me projeter sur une collaboration comme ça parce que je suis très à l’aise avec le fait moi de participer au projet de quelqu’un, mais musicalement je n’avais jamais invité quelqu’un sur mon projet. Je ne savais pas trop comment le faire avec mes morceaux qui sont très personnels et très intimes. Mais un jour, mon producteur m’a fait écouter Paulette Wright, une chanteuse franco-anglaise basée en Champagne-Ardenne, que je ne connaissais pas du tout. J’ai adoré son style, son timbre de voix et sa présence. J’avais la chance d’être en studio à Marseille avec Simon Henner, avec qui j’ai enregistré l’album, et j’ai profité de 2/3 jours libres pour inviter Paulette en studio avec moi, sans savoir ce que l’on allait faire. En deux jours, on a écrit ce morceau et un autre qu’on n’a pas gardé pour le disque. It Just Happens est une chanson écrite dans l’instant et qui du coup parle de ça, de faire des choses sans les avoir vraiment réfléchies et sans avoir vraiment fait exprès. C’était une rencontre assez magique et naturelle. Paulette apporte quelque chose de très beau qui a toute sa place sur le disque.
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> Tu as évoqué Simon Henner, avec qui tu as réalisé l’album. Pourquoi ce choix ?
Je fais mes morceaux tout seul au départ, j’ai beaucoup de trucs dans la tête mais j’aime bien l’idée de m’entourer de gens qui vont apporter une richesse supplémentaire et un truc que je n’arriverais pas à faire tout seul. Donc là, j’avais pensé à Simon pour une raison humaine, car on s’était rencontrés sur un autre projet, je connaissais ses projets à Marseille et c’est un très bon musicien et un mec adorable. J’aime bien ses sonorités électroniques, sa façon de jouer du clavier et il sait faire des choses en terme de rythmiques électroniques et de claviers que je ne sais pas faire mais qui me plaisent beaucoup. J’avais besoin de travailler avec quelqu’un qui sache traduire et m’aider à faire sortir un truc avec des claviers que j’ai sous les doigts mais que je ne sais pas vraiment faire parce que je ne sais pas travailler la matière comme lui. Du coup, je me suis naturellement tourné vers lui pour lui demander de travailler sur le disque et au final, il l’a vraiment réalisé. On a fait tout le disque à deux et c’est une très belle expérience car je n’aurais jamais fait un disque pareil sans un mec comme lui, et en même temps je reconnais vraiment mes chansons du début à la fin. Mais elles ont pris une autre dimension. Ça me permet aussi de faire revivre des morceaux qui étaient déjà dans d’autres versions complètement différentes sur d’autres disques, comme Running Child qui est une vielle chanson que je jouais avant en guitare acoustique et qui là est devenu un morceau électro-pop.
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> Ça doit quand même demander une grande confiance pour travailler avec quelqu’un d’autre sur la réalisation de l’album ?
Oui vraiment, car il faut lâcher beaucoup de choses. Mais en même temps, je ne l’ai pas laissé faire l’album tout seul, on a vraiment tout fait à deux. En fait, je ne suis pas à l’aise en studio, je préfère improviser ou jouer de la musique sur scène. Donc j’ai besoin d’avoir quelqu’un qui, je sais, va vraiment m’aider à accoucher des morceaux et me rassurer en permanence sur tout ce que je fais, car à partir du moment où je suis en studio, je ne crois plus en rien. Je doute encore plus que d’habitude. Alors il me fallait la bonne alchimie avec quelqu’un qui est capable de me donner confiance et en même temps de me pousser dans mes derniers retranchements et de me dire quand il faut éliminer. La confiance c’est surtout au début, te dire « voilà, c’est à lui que je confie ce travail-là » et une fois que tu es parti dedans, il faut le laisser faire et accepter qu’on n’a pas choisi de bosser avec lui pour rien. Je suis très content d’avoir travailler avec Simon.
> Du coup, tu n’envisages pas du tout, un jour, de produire ton propre album ?
Si peut-être… Mais je ne me projette pas trop. Je ne sais pas du tout ce qui va se passer sur les prochains disques. Pour l’instant, je suis très à l’aise dans ce système où je vais aller, au fur et à mesure des rencontres, travailler avec quelqu’un d’autre pour chercher autre chose, et m’enrichir de cet apport-là. En espérant aussi que j’apporte quelque chose à ceux qui travaillent avec moi. Généralement, ça se passe bien et ça enrichit le répertoire et le réseau de musiciens avec qui on fait des choses. Après oui, peut-être qu’un jour je voudrais m’enfermer deux mois dans un chalet à la montagne et faire un disque tout seul. Mais produire un disque, au sens technique du terme, ça demande de vraies compétences que je ne me sens pas d’avoir tout seul tout de suite. Je peux faire des maquettes, mais pas encore un disque. Mais bon, peut-être que ça viendra. Plus ça va, plus je touche à l’électro et à la technique. Donc peut-être que dans dix ans je ferai un disque tout seul.
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> Est-ce que c’est toujours dans cette idée d’aventure humaine, d’enrichissement, que tu avais fait un EP en duo ?
Oui l’EP d’avant a été présenté comme un EP en duo, mais ce n’est pas exactement ça… En fait, c’est juste le prolongement naturel du projet. Au départ j’étais en solo dans ma formule live et donc aussi sur disque, et à partir de 2013 j’ai commencé à jouer avec Laurent Tamagno qui est aujourd’hui encore mon batteur dans le trio sur scène. Donc quand on a fait cet EP en duo, c’était pour montrer ce que l’on faisait à deux, pour présenter la nouvelle formule de Martin Mey. C’était l’enregistrement naturel à faire à partir de ce moment-là. Aujourd’hui on est en trio sur scène, par contre j’ai fait le disque tout seul avec Simon. Tout ça, ça bouge un peu mais ça ne change rien au fait que ce soit mes morceaux. En fonction des moments, je les joue avec différentes personnes ou j’ai envie de les arranger avec l’apport de certaines autres personnes. A ce moment-là, l’apport de Laurent à la batterie était très important donc c’était un vrai EP en duo.
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> Il y a des instruments que tu aimerais rajouter à cette nouvelle formation scénique ?
Oui, plein ! Déjà il y a plein d’instruments que je suis content d’avoir mis dans mon dernier disque, comme le mellotron. C’est difficile d’en avoir un sur scène avec soi mais il y en a plein sur le disque car on adore ça avec Simon. Et puis il y a aussi des flûtes, des cordes, des cuivres… Mais la base pour moi en live serait d’avoir un tas de choristes derrière moi sur scène. Plus ça chante, plus je suis content. Des violoncelles, ça serait pas mal. Des cuivres aussi… Un peu tout en fait ! Je serais très heureux de faire un truc avec un orchestre complet un jour. J’ai beaucoup d’influences différentes, dont beaucoup d’influences très vocales, très classiques ou contemporaines. Alors on verra. Il y a une prochaine création à laquelle on commence à réfléchir qui prendra peut-être ce genre de tournure, mais je ne peux pas en dire plus pour l’instant.
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Merci à Martin Mey pour ses réponses à nos questions !
www.martin-mey.com www.facebook.com/MartinMeyMusic
Photos © Laure Clarenc