Le 21 novembre dernier, le duo anglais The Ting Tings a accepté de répondre à quelques-unes de nos questions avant leur concert à La Flèche d’Or. Une occasion de revenir sur l’élaboration de leur dernier album, Super Critical.
> Beaucoup de gens vous connaissent déjà, mais pouvez-vous rapidement vous présenter ?
Katie : Rapidement ? Ok ! Je m’appelle Katie.
Jules : Je m’appelle Jules, et nous sommes les Ting Tings !
> Ting Tings…il me semble que votre nom provient d’un mot chinois ?
Katie : Oui, c’est ça ! En fait, c’est le nom d’une fille avec qui je travaillais dans une boutique de vêtements. Elle m’a dit qu’en mandarin ça signifiait «kiosque à musique» , et en cantonais « écouter » . C’était cool, alors on lui a volé son nom. (rires)
> Et vous vous intéressez un peu à la musique chinoise ?
Jules : Non, non, pas du tout ! Ce n’est pas une de nos influences. On s’intéresse seulement à la nourriture chinoise ! (rires)
> Quels sont vos influences du coup ?
Katie : Nous sommes toujours influencés par Talking Heads et Blondie. Mais pour cet album, on a aussi cherché du côté des clubs de DJ, du Studio 54 et des années 70/80. Par exemple, Diana Ross, Donna Summer, Stevie Nicks et beaucoup d’autres encore !
> Cela se ressent beaucoup sur votre album, qui est plus disco. Mais n’était-ce pas risqué de tester ça sur un troisième album ? Parce que beaucoup de gens vous connaissent et s’attendent déjà à une certaine musique…
Jules : C’est toujours un choix risqué. Mais c’est ce que nous aimons dans l’enregistrement d’un disque, parce que sinon on s’ennuie de ce qu’on a déjà fait. Du coup, beaucoup de nos amis en entendant nos nouveaux enregistrements plus disco pour la première fois, se sont demandés ce qui se passait. Ça leur a pris du temps pour comprendre ce nouveau changement. On espère que les gens finiront par s’habituer à ce choix.
Katie : Nous n’avons jamais fait la même chose que précédemment. Pourquoi le ferions-nous maintenant ? Cela serait sans intérêt de vouloir refaire ce qu’on a déjà fait. Pour nous, en tant qu’auteurs/compositeurs, c’est beaucoup plus fun et intéressant !
> L’influence disco des années 70 se ressent également dans vos clips « Wrong Club » et « Do It Again ». Comment s’est déroulée leur réalisation ?
Katie : Le premier a été tourné à Paris avec la réalisatrice Lisa Paclet. On parlait de vouloir donner une âme au projet et un jour, on a vu son travail sur Internet. Nous n’avions même pas commencé à écrire l’album que la vidéo était déjà réalisée. Pour le second, c’est encore des gens que nous avions trouvés sur le Web. Andrew Daffy, le réalisateur, était un expert en effets spéciaux mais nous avons préféré faire une vidéo très naturelle.
> Et comment s’est passée la composition de Super Critical ?
Jules : Pour le premier album, nous sommes allés à Manchester et pour le deuxième à Berlin. Pour ce troisième album, on a décidé d’aller à Ibiza. C’était vraiment bien car c’est un lieu très influencé par la dance music, donc par un sens du rythme, des voix et de la batterie. C’était parfait pour écouter comment les DJ construisent leurs musiques. Cela a beaucoup aidé pour l’écriture. Après, nous sommes allés dans un club pour faire des tests. Cette expérience nous a énormément appris sur l’importance du rythme, qui ne doit pas chercher à être trop rapide, et doit avoir un peu de groove.
> Avez-vous déjà une idée de l’endroit où vous voudriez enregistrer votre prochain album ?
Katie : On a une liste de nos groupes préférés et pour le moment, huit sur dix sont américains. Il y a de grands guitaristes et producteurs aux Etats-Unis, notamment à Nashville, et ça pourrait être fantastique de travailler avec eux. Mais on ne sait jamais à l’avance. On n’avait jamais décidé d’aller à Berlin, c’est la vie qui en a décidé ainsi.
> D’ailleurs, êtes-vous déjà en train de penser à un quatrième album ?
Katie : Oui, depuis le tout premier en fait !
> Et après le disco sur Super Critical, est-ce qu’il y a un style de musique que vous aimeriez tester dessus ?
Jules : La musique country.
> Et un style que vous ne testeriez jamais ?
Jules : L’opéra ! (rires)
> Effectivement, cela serait complètement différent ! Mais revenons-en à Super Critical. Pour cet album, vous avez quitté votre label Columbia Records. Pourquoi ?
Katie : Avant qu’on ne sorte le premier album et qu’on essaye de le vendre, nous avons sorti par nous-même un premier single avec « That’s Not My Name » et « Great DJ » . C’était bien avant que « That’s Not My Name » devienne un hit partout dans le monde. C’était super de pouvoir sortir ce single comme ça. Mais une fois le label intégré, c’était impossible de le refaire. C’était un peu frustrant, bien que l’on doive beaucoup au label pour le succès de We Starded Nothing. Mais pour le deuxième album, on a rencontré quelques problèmes. Après la bonne réception du premier, il y a eu tout à coup une vingtaine de personnes en train de réfléchir à comment ce deuxième disque devait sonner, avant même qu’on ait commencé à le faire. On ne pouvait pas travailler comme ça, comme un vrai groupe de pop, notre manière de procéder était tellement différente. Dès fois ça peut prendre quatre ans pour faire un bon album, tandis que normalement les groupes de pop doivent sortir un album tous les six mois pour rester dans les charts… Par chance, nous avons réussi à nous dégager de notre contrat sous Sony. Il y avait d’autres labels qui voulaient travailler avec nous, comme Sony au Japon mais on ne comprenait pas très bien le fonctionnement de l’industrie musicale japonaise. C’était une position difficile pour nous, car il y avait quand même un certain confort à être sous un label. Mais on s’est dit que c’était quand même mieux d’avoir notre indépendance, ça nous a permis de faire preuve de beaucoup plus de créativité.
> Pensez-vous que vous allez garder cette nouvelle indépendance ?
Katie : Nous n’avons aucune idée de comment les choses vont se dérouler. C’était une expérience. Mais nous avons pris tellement plus de plaisir, ce qui a donc rendu notre travail bien meilleur, donc je pense que oui.
> Est-ce que vous avez une préférence entre ce travail de composition et d’enregistrement de l’album, et les concerts ?
Jules : hum hum…
Katie : …question difficile ! (rires)
Jules : La scène est un challenge qu’on a commencé à aimer il y a 2/3 ans. On apprend tellement grâce au public que du coup on aime beaucoup ça. Mais je pense qu’après une année à faire quelque chose, on veut toujours changer. Par exemple, après une année de studio, on a hâte de retrouver la scène, et vice-versa.
Katie : Mais les deux créent un sentiment similaire et sont complémentaires. Un bon concert repose aussi sur le fait d’avoir de bonnes chansons.
> Quelle relation entretenez-vous avec le public pendant ces deux étapes ?
Katie : Une très bonne relation ! On utilise beaucoup les réseaux sociaux, même lorsque l’on est en studio pour publier des photos de nous dans le genre « premier jour au studio » , « deuxième jour au studio » . Mais le plus intéressant, c’est pendant les tournées. Après les concerts, on va au merchandising pour rencontrer notre public. Nous n’avons jamais pu faire ça avant et c’est tellement fantastique de pouvoir les voir en face. En plus, ça leur permet de nous dire ce qu’ils ont aimé ou non. C’est un million de fois mieux que sur Internet !
Jules : Je pense qu’après le succès du premier album, tout le monde a commencé à entendre parler des Ting Tings dans les médias. Mais avec le deuxième, ils ont été surpris et confus par le changement de sonorité. Sur Super Critical, les gens ont commencé à comprendre notre identité, notre façon de naviguer dans l’univers musical. Cela a pris du temps pour renforcer nos relations mais c’est justement ça qui est super dans le fait d’être indépendant, on peut se permettre de prendre notre temps. Tandis que sous un gros label, ils veulent que tu respectes certaines dates pour produire des hits et faire rentrer de l’argent. Maintenant, on se manage comme on veut, on teste les styles que l’on souhaite et on peut faire des expérimentations vestimentaires ! (rires) C’est fantastique cette liberté de création !
Katie : Avant nous étions, peut-être pas jaloux, mais inspirés par les artistes indépendants. Ils avaient pu travailler dur pour sortir un album réellement génial. Alors oui, peut-être que les gens mettent plus de temps à se rendre compte de l’ampleur de leur travail et de leur succès, mais c’est un travail honnête. Tandis que quand tu es un groupe pop sous un label, beaucoup d’argent est dépensé la première semaine dans la promotion car il faut penser aux chiffres et aux investissements. C’est trop de pression. Nous, on recherche une construction plus lente mais plus stable.
> Vous avez évoqué les réseaux sociaux. Est-ce que vous pensez que, de nos jours, ils sont réellement importants pour devenir un groupe connu ?
Katie : Je ne pense pas vraiment. Cela sert seulement à ceux qui veulent devenir des célébrités dont on entend parler dans les magazines comme Closer. Ils postent des photos, plus ou moins chocs, tous les jours pour faire le buzz. Mais en tant que musicien, cela n’est pas essentiel. Ce qui compte c’est la créativité. Tu auras beau avoir des milliers de « j’aime » sur ta page Facebook, si tu n’es pas créatif tu n’iras pas loin.
> Ce soir vous allez donc pouvoir revoir votre public français en face, puisque vous jouez à La Flèche d’Or. Vous avez hâte ?
Katie : Oui, nous sommes excités à l’idée d’y rejouer ! Nous avons aimé tous nos concerts en France. En particulier, le dernier dans cette salle, à la Flèche d’Or. C’était mon anniversaire et le public s’est mis à chanter « Happy Birthday ». Ce qui n’était pas bien, parce que j’essayais de garder une certaine contenance mais là c’était dur ! (rires) Du coup, pour le reste du concert, il y avait une ambiance très particulière, beaucoup plus amicale et c’était super !
> Comment trouvez-vous le public français, par rapport à celui anglais ?
Katie : J’ai toujours adoré tourner en France, pour l’endroit, les gens, l’ambiance des backstages, les émotions. Les gens sont honnêtes. S’ils aiment notre musique, ils le montrent, s’ils ne l’aiment pas ils nous le font aussi savoir.
> Avec l’influence disco, votre album est plus dansant que les précédents. Comment l’avez-vous adapté pour les concerts ?
Jules : On voulait monter d’un niveau dans la qualité de nos concerts : on emploie de meilleures technologies pour les lumières et on a un vrai DJ sur scène. On voulait de l’énergie, le plus possible, et ça fonctionne vraiment avec cet album pop. On a également retravaillé les deux premiers albums. C’est fantastique de pouvoir faire ça !
> Pour finir cette interview, pouvez-vous dire quelque chose en français à vos fans ?
Pour écouter le message, c’est ici !
www.thetingtings.com
www.facebook.com/thetingtings