HomeInterviewsA la rencontre de Clelia Vega et de son univers dépaysant…

A la rencontre de Clelia Vega et de son univers dépaysant…

Le 13 décembre dernier, nous avons eu la chance de pouvoir échanger quelques mots avec Clelia Vega. Une discussion qui s’est transformée en un voyage au cœur des paysages et des sensations qui ont notamment donné vie à son dernier EP, Slanting Horizon. Un beau moment que l’on vous propose de découvrir dès à présent.

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> Bonjour Clelia, merci d’avoir accepté de discuter avec nous. 2018 touche à sa fin ; quel bilan fais-tu de cette année ?

C’était une très belle année ; on a sorti deux EPs, on a fait une trentaine de concerts, et on a eu de jolis retours sur le live et sur les enregistrements. On a pu jouer un peu partout, ce qui nous a bien boostés pour retourner en écriture par la suite. 2018 était vraiment une super expérience.

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> Et 2019 s’annonce également comme une belle année, notamment marquée par la sortie du prochain album. Est-ce que tu peux nous en dire un petit peu plus dessus ?

A vrai dire, je ne peux pas en dire beaucoup, car une partie des titres est écrite, mais une autre commence tout juste à prendre forme en termes d’arrangements et de couleurs. Donc, je ne peux pas encore vendre la mèche ! (rires)

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> J’ai lu que cet album était inspiré par la Californie. Tu as fait un voyage là-bas ?

Oui, j’ai eu la chance de faire un road-trip en Californie et de pouvoir passer de l’océan, au désert, à la montagne. C’était une expérience magique dans de très grands espaces, avec cette impression de temps suspendu et de nature magistrale. J’ai vécu quelque chose d’incroyable là-bas qui a marqué profondément ma façon d’écrire, de composer et de chanter. Ça fait maintenant deux ans que j’ai accompli ce voyage et je pense qu’aujourd’hui, je ne suis plus dans le brut, mais plutôt dans une transformation de ce que j’ai vécu là-bas émotionnellement, visuellement et humainement. Sur les premiers titres enregistrés, on était partis vers quelque chose de très atmosphérique, dans la contemplation et le voyage. Mais pour les morceaux suivants, on verra comment cela se traduira.

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> C’est ce qu’on ressentait déjà à l’écoute de Slanting Horizon ; cette impression de voyage. Est-ce que tu crois que tu pourrais, pour chacun des cinq titres de l’EP, nous décrire le paysage que tu avais en tête lors de l’écriture ?

10.000 Days est, pour faire court, un titre sur l’absurdité des jours qui s’égrainent. Je suis sur une longue route au milieu d’un désert. Ce genre de routes comme il y en a aux Etats-Unis, avec des dimensions incroyables que l’on n’a pas du tout ici, des immenses paysages presque désertiques, et la montagne au loin. On n’est pas très sûrs de ce qu’on va trouver au bout, et on n’est plus très sûrs non plus de ce qu’on vient de vivre.

Après, c’est Waterbed, avec un paysage de nuit, cette lumière bleue, et un immense lac noir. C’est très sombre, mais pas froid pour autant.

Ensuite, sur While You Were Looking Away I Made This, on est dans le déplacement. C’est comme si on était dans une voiture et qu’on regardait par la vitre arrière. C’est un peu ce qu’on pourrait dire à un endroit et des gens qu’on quitte pour ne peut-être plus les revoir.

Pour Silencio, j’imagine une immense plage comme sur l’océan Pacifique, avec une vue seulement sur le sable et l’océan, et des gens qui marchent au crépuscule, sans fin.

Et la dernière, Awol, a été faite bien plus tard que les autres, six mois maximum avant la sortie de l’EP. Celle-là, je la placerais plutôt dans un paysage très urbain, avec quelqu’un qui quitterait une ville par exemple.

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> Tout ce que tu décris, on le ressent bien à l’écoute. Mais les clips de 10.000 Days et Silencio s’écartent un peu de cette description, et ne reproduisent pas exactement ces paysages – même si on ressent quand même cette ambiance un peu américaine sur Silencio. Peux-tu nous en dire un peu plus sur la façon dont ces vidéos ont été pensées, et sur la collaboration avec les réalisateurs, Pascal Boudet (10.000 Days) et Jérôme de Gerlache (Silencio) ?

En fait, je trouve que sur 10.000 Days, la musique et le texte sont assez évocateurs en termes d’images, et je ne voulais pas que le clip appuie encore là-dessus. On a préféré proposer autre chose, regarder d’une nouvelle façon ; du coup on est partis sur cette idée de jours qui s’égrainent, une fois à un endroit, une fois à un autre. Pour Silencio, on est quand même allés sur le départ, et sur l’idée de motel américain. Dans cette pièce, avec quelqu’un qui chante, tout peut se passer ; c’est un endroit hors du temps. Les réalisateurs sont des personnes avec qui j’ai l’habitude de travailler, et en qui j’ai totalement confiance. C’est eux qui m’ont proposé la façon d’illustrer ces chansons. Comme on se connaît bien, on en a aussi discuté ensemble, mais ce sont leurs visions des morceaux.

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> Tu as l’air de beaucoup aimer collaborer avec d’autres personnes. Entre la sortie de ton album en 2010 et tes EPs en 2018, tu as travaillé avec beaucoup d’artistes différents. Est-ce que tu peux nous en dire un peu plus ?

Entre 2010 et 2018, j’ai collaboré avec un artiste qui s’appelle Cyesm avec qui j’ai fait des enregistrements et, ponctuellement, des concerts. J’ai aussi travaillé avec le groupe The Shougashack ; c’était un groupe qu’on avait monté mais qui n’existe plus aujourd’hui. Ça a duré cinq ans ; on était trois autrices, compositrices et interprètes et, ensemble, on a fait des enregistrements et des concerts.

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> Comment t’es venu cette envie de travailler avec d’autres personnes. Est-ce que c’était un hasard, ou un besoin de mettre en pause ta carrière solo pour te consacrer à d’autres projets ?

Je trouve que c’est toujours très enrichissant de travailler avec d’autres artistes ; ça permet de regarder le monde d’une façon différente. Je crois que j’avais besoin de faire autre chose pour que cela me nourrisse. Il faut toujours se nourrir de tout quand on est en création ; de musique, de littérature, de cinéma, des humains, des voyages… Chacun trouve sa nourriture où bon lui semble. J’avais vraiment besoin de vivre d’autres expériences avec d’autres gens pour être en phase avec ce que j’avais envie de faire. Mon premier album était sorti dix-huit mois après avoir été enregistré, du coup on ne l’a pas énormément tourné. J’ai eu besoin à ce moment-là de retourner en écriture et de me confronter à d’autres personnes. Entre temps, j’avais écrit une quarantaine de chansons, et quand j’ai commencé à me sentir prête, j’en ai choisi quelques unes pour m’aider à revenir vers ma propre expérience. Je me suis entourée pour ces morceaux-là ; j’ai commencé à travailler avec Rity Mabon, avec qui j’avais déjà eu l’occasion de collaborer au sein des groupes Powell et [Drive in] Static Motion. On a commencé à travailler sur ces morceaux, à leur donner une forme, puis à écrire de nouvelles choses. Ça m’a permis de me remettre dans mon projet, de me réapproprier mes chansons, l’instrumentation, et de me concentrer là-dessus. Je ne suis pas toute seule dans ce processus, et cela serait vraiment très injuste de dire le contraire. J’ai la chance d’être vraiment bien entourée, et c’est ce qui a permis tous ces concerts et ces enregistrements.

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> C’est d’ailleurs Rity Mabon qui t’a accompagnée hier, pour ton dernier concert de l’année. C’était un concert en appartement, et je crois que tu as fait d’autres concerts de ce type-là cette année. C’est plutôt original comme concept. Comment cela se passe, ce sont des gens qui te contactent pour que tu viennes jouer chez eux ?

Oui, c’est exactement ça. Quand on a commencé à travailler avec Rity, c’était pour l’enregistrement d’un EP ; on s’est réapproprié les morceaux qui avaient déjà été enregistrés et, lorsqu’on les a bien eu dans les pattes, on s’est dit qu’il fallait les jouer. On avait tout dépouillé pour être le plus simple possible avec seulement deux guitares et deux voix, alors il m’a proposé de les jouer devant des gens, chez eux. J’ai trouvé l’idée vraiment géniale car on avait fait un gros travail de sobriété pour la restitution des morceaux qui étaient très arrangés. Les jouer devant des gens, sans barrières, sans scène, ni lumière ou grosse sono, juste les yeux dans les yeux, paraissait être la chose la plus naturelle. Donc on a lancé un appel pour savoir qui voulait qu’on vienne jouer chez lui. Il y a eu beaucoup de réponses et on a dû faire environ vingt-cinq dates comme ça, ce qui nous a permis de jouer et de remanier les morceaux, car cela donne une grande élasticité à la performance. On est tous imperméables ; il n’y a pas que le public qui reçoit, nous aussi nous recevons quelque chose. Donc, nos chansons sont différentes à chaque fois ; une grosse partie est écrite, et l’autre va varier en fonction des gens qui nous reçoivent. On peut jouer dans un tout petit salon avec douze personnes, dans une ambiance très intimiste et feutrée, ou on peut jouer dans un jardin avec soixante personnes, ce qui va être beaucoup plus rock’n’roll. C’est vraiment très enrichissant pour nous, car on doit être préparés à tous les cas de figure.

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> Oui, j’imagine qu’il doit y avoir de très belles choses qui se produisent dans ces moments-là. Est-ce que c’est déjà arrivé, par contre, qu’il y ait des publics moins réceptifs ?

Moins réceptifs, non. Mais parfois, on sent que ce n’est pas simple. On travaille pour abaisser les barrières entre ceux qui jouent et ceux qui reçoivent la musique. Mais il y a des publics qui ne sont pas prêts à être aussi prés de nous, et qui rétablissent une sorte de barrière de pudeur. Je n’avais pas du tout envisagé que cela puisse se produire dans ce sens-là. On travaille beaucoup sur le lâcher prise, et je ne pensais pas que ça pourrait être émotionnellement trop fort pour le public.

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> Ce côté intimiste s’est vraiment ressenti dans votre concert hier. Et la longue partie instrumentale du début était vraiment intéressante pour cela, car elle permet de prendre le temps de plonger dans l’univers musical et de laisser venir toutes ces images dans notre tête.

Merci de me dire ça. On commence par deux titres qui s’enchaînent ; un titre instrumental, et un second sur lequel je commence à chanter. C’est l’occasion pour nous de rentrer dans une espèce de « communion » avec les gens ; on se met à cet endroit-là et il n’y aura pas de mensonges. C’est comme si on embrayait un voyage ensemble. On joue et on essaye de créer une atmosphère avec cette introduction instrumentale pour que tout le monde se mette à vibrer sur la même longueur d’onde. L’introduction peut durer plus ou moins longtemps en fonction des accueils ; on peut avoir envie de rentrer rapidement dans le vif du sujet, alors que parfois on a besoin de prendre le temps. C’est une partie essentielle du set parce que cela nous met en condition, et prépare aussi l’audience. Ça dit un peu « On va faire ce voyage ensemble, montez dans notre véhicule, on y va ! »

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> Est-ce que c’est prévu que vous refassiez ce type de concerts l’année prochaine ?

Oui, on va tourner de février à fin juin ; chez l’habitant mais aussi dans des lieux plus adaptés à recevoir de la musique. Cette expérience est vraiment incroyable ; je n’avais pas prévu que cela serait aussi puissant émotionnellement. Quand on joue cinq fois de suite dans la semaine, qu’on partage un truc aussi fort, je suis un peu sonnée en rentrant. On a peut-être beaucoup de chance, je ne sais pas, mais à chaque fois on a rencontré des gens incroyables. Cela baisse aussi les barrières de politesse qui sont habituellement de rigueur quand on rencontre des gens ; là on est vite dans le vif du sujet et on rentre dans des discussions très intéressantes. Donc on a très envie de revivre ça l’année prochaine.

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> Un grand merci à Clelia Vega pour sa gentillesse et le temps qu’elle nous a consacré !

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www.difymusic.com/cleliavega

www.facebook.com/cleliavega

Photo © Pascal Boudet

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Etudiante, je suis une passionnée d'art, et plus particulièrement de musique et de cinéma. Attirée par le milieu du journalisme et de la communication, j'aime partager mes petites découvertes artistiques avec les autres.

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