Lors du Printemps de Bourges, nous avons pu échanger avec Bambou juste après leur concert sur la Grande scène Séraucourt. L’occasion pour nous d’en apprendre davantage sur la naissance de leur projet, leurs envies futures et leur vision de l’univers musical actuel.
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> Pouvez-vous vous présenter ?
Vincent : Alors on est trois au sein de Bambou ; Martin fait du clavier, Adrien de la batterie et moi de la guitare et du chant. On avait chacun nos groupes respectifs à Metz et on s’est rencontrés par le biais de projets musicaux et de soirées. On est avant tout des amis et comme musicalement ça collait bien, on a monté Bambou l’année dernière. L’idée de base était vraiment de faire du live car c’est une esthétique qui nous relie ; moi je suis issu du gros rock, Martin de la pop-électro, et Adrien fait un peu de tout. On a alors rassemblé nos univers et on s’est très vite éclatés. Ça a été très facile de commencer à travailler ensemble car à trois c’est plus simple de composer ; on a chacun notre rôle, ce qui nous permet d’avancer plus rapidement. On a fait notre première date l’été dernier et depuis on les enchaîne ; là on vient de jouer au Printemps de Bourges. C’est super, ça va vite et ça va bien ! Il faut dire aussi qu’on a trouvé une équipe technique de rêve avec Alex au son et Thibaut à la lumières. Si notre projet marche, c’est aussi parce que derrière, ils ont voulu travailler avec nous. Ça nous conforte dans l’idée que c’est un projet qui a du potentiel.
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> Oui, et puis il en faut du potentiel pour que vous soyez programmés au Printemps de Bourges un an après vos débuts !
Vincent : Oui, mais il faut dire qu’on est programmés sur la scène des régions et c’est important d’avoir le soutien de sa région. Ça fait longtemps qu’on est dans le milieu des musiques actuelles alors quand on a monté le groupe, on n’avait même pas encore d’enregistrements qu’on avait déjà quelques programmations parce que les gens nous connaissaient et savaient de quoi on était capables.
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> Est-ce que vous pouvez nous en dire un peu plus sur votre premier EP à venir ?
Vincent : Il sort le 8 mai et s’appelle Explorer. Il y aura quatre morceaux dessus ; trois des pré-productions qui sont sur Youtube dans des version remastérisées, et un inédit. Il sera également accompagné d’un clip.
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> Vous avez déjà dévoilé la pochette. Pouvez-vous nous raconter comment le visuel a été créé ?
Vincent : On a un ami photographe/graphiste très doué, Julian Benini, qui travaille avec nous. On lui a laissé le champ libre parce qu’on le connaît bien et on savait de quoi il était capable. Du coup, il a écouté nos morceaux et il a fait ce qu’il voulait. On est très satisfaits du résultat.
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> C’est important pour vous le visuel ?
Adrien : C’est important d’avoir une charte graphique. Par exemple, une page Facebook c’est d’abord un clip, un logo, une photo de groupe un peu cool et une pochette d’EP qui rend bien. C’est une sorte de package qu’il faut avoir pour essayer de marcher un peu. Après nous, on a laissé champ libre au graphiste parce que c’est son métier, pas le notre, et il était beaucoup plus inspiré qu’on pouvait l’être. On préfère s’occuper de notre musique et s’entourer de personnes qui la comprennent et peuvent la magnifier pour le reste.
Vincent : Avoir une image de nos jours, que ça soit de la vidéo, de la photo ou un logo, c’est devenu presque aussi important que la musique.
Martin : Oui, par exemple sur Youtube, s’il n’y a pas de clip, tu ne regardes pas la vidéo. Donc c’est à ça que sert le visuel ; à accrocher.
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> Ce n’est pas un peu dommage de se dire que quand on fait de la musique, on est d’abord jugé sur le visuel plutôt que le morceaux ?
Martin : Non. Certes, ça part d’une contrainte, mais au final si tu crées quelque chose d’abouti et réfléchi, ça permet d’aller plus loin dans le délire.
Vincent : C’est ça. Tu n’as pas tord quand tu dis qu’aujourd’hui c’est un peu dommage que la qualité musicale qui entre en jeu soit aussi la qualité de l’univers. Mais c’est un mal pour un bien car si c’est bien fait, ça renforce l’univers du groupe, son message, et donc sa musique.
Adrien : C’est peut-être un peu dommage mais d’un autre côté c’est nécessaire pour te démarquer car aujourd’hui l’offre est super élargie ; tu trouves vraiment tout sur Internet. C’est une façon de se sortir de cette espèce de vaste magma de groupes.
Vincent : Par exemple Kendrick Lamar, là où il marque le coup c’est sur son clip et l’image qu’il renvoie. La musique déchire, c’est sûr, mais si tous les magazines le relaient sur les réseaux sociaux c’est parce que le clip sert la musique.
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> Les réseaux sociaux sont aussi devenus très important aujourd’hui.
Vincent : Personnellement, on n’est pas ultra actifs mais on essaye de faire de notre mieux. Dans l’auto-production, on sait que c’est hyper important de mettre du contenu tous les jours, alors on se dit « Là, il faut mettre une photo » même si c’est parfois un peu compliqué. Les pratiques changent avec le temps et il faut s’y adapter.
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> Du coup, est-ce que vous pensez que c’est compliqué de faire de la musique aujourd’hui ?
Vincent : Je ne dirais pas ça parce que les professionnels de la musique actuelle, ceux qui te programment sur les scènes et dans les festivals, ils sont encore un peu empreints de la vieille école. Ils savent écouter et faire la différence entre de la bonne et de la moins bonne musique. Certes, c’est aussi à l’appréciation, mais le système marche quand même bien. Ce n’est pas parce qu’un groupe va balancer cinq photos par jour et vingt tweets que ça va forcément fonctionner pour lui, parce que derrière, le nerf de la guerre reste la musique.
Adrien : Et puis, tout dépend de ce que tu appelles « marcher » ; si c’est pouvoir vivre de la musique à temps plein, ou si c’est faire suffisamment de dates dans l’année pour être content et rencontrer des gens. Nous, pour le moment, on est plus dans cette deuxième optique. Après si à terme on peut en vivre, ça serait royal, mais on ne le fait pas en se disant qu’on a besoin de ça pour bouffer à la fin du mois. Malgré tout, si c’est seulement pour jouer dans ta cave et que ta mamie soit contente le dimanche quand tu lui montres la vidéo de la répétition, c’est cool mais voilà… Il faut trouver le juste milieu. En fait, on le fait toujours dans l’optique que ça marche, mais jamais en se disant « il faut que ça marche » ; c’est ça la différence. On le fait d’abord pour notre plaisir, et si ça fonctionne tant mieux et alors on se donnera les moyens en mettant du contenu et en jouant sur l’aspect graphique, l’ « enrobage » du produit qu’on vend. Pour nous, l’origine de ce produit-là c’est la dimension artistique avant tout. On ne met pas la charrue avant les bœufs en se disant « on va se faire un look de cinglés les gars et après ça marchera parce qu’on est stylés » . J’ai rencontré un mec une fois en soirée qui produisait toutes les compilations Buddha Bar de France et qui m’a dit en me montrant deux coiffeurs super stylés dans le milieu de la mode « Je les signe direct ». Ils n’étaient pas musiciens, mais il m’a dit « Je m’en fous, ils sont stylés, je sais que je vendrai ce qu’ils font ». Alors c’est vrai qu’il y a des types comme ça, mais pas tous, et j’ose espérer qu’ils sont plus nombreux à s’attacher à ce que tu fais plutôt que ce à quoi tu ressembles.
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> Est-ce que, dans cette optique-là, le financement participatif vous plairait ?
Adrien : On a fait autre chose que du financement participatif quand on a participé au tremplin de la Caisse d’Epargne ; on a fait du vote participatif. En fait, c’est en quelque sorte de la subvention participative parce que si les gens ne votent pas, tu ne touches rien. Mais le crowdfunding à proprement parler, je ne sais pas si c’est l’optique dans laquelle on va aller.
Vincent : C’est possible qu’on y aille le jour où on voudra produire un nouveau disque et qu’on aura une base fan assez conséquente pour pouvoir prétendre à des microfunding.
Adrien : Pour le moment, on n’a pas eu besoin de ça car on a eu beaucoup de chance. On a reçu la subvention de la Caisse d’Epargne, et une aide de l’Association Marie et Mathias à qui on fait un gros bisou. C’est une association qui s’est créée à la suite des attentats de novembre ; un jeune couple est décédé au Bataclan et les parents ont monté cette association pour leur rendre hommage en levant des fonds pour financer de jeunes artistes. On pense fort à eux ce soir car ça nous a beaucoup aidé dans le financement de l’EP et du clip.
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> Vous avez fait appel à quelqu’un pour réaliser le clip ou c’est du DIY ?
Vincent : Encore une fois, on a fait appel à quelqu’un. C’est mon frère qui est réalisateur et qui est venu avec cette idée de concept. On a monté le projet en interne, un peu en famille, mais avec une belle production. C’est Thibaut qui a fait toute la lumière du clip. On l’a tourné dans la salle Le Gueulard Plus où Alex et Thibaut sont résidents. On a fait un super truc avec les gens qu’on adore et qui nous accompagnent.
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> C’est important d’être entourés de personnes avec qui il y a une vraie relation, une confiance.
Martin : Oui, et c’est aussi la compréhension qui est importante. Parce qu’il y a beaucoup de gens, d’ingénieurs son notamment, qui ont une vision musicale de la musique et non une vision sonore. Or, tu attends d’un ingé son qu’il comprenne ton univers pour le rendre meilleur. Tu n’attends pas de lui qu’il arrive avec son univers et te dise « La réverbération c’est ringard ; ça c’est nul, ne mettez pas ça ». Tu ne l’embauches pas en tant que directeur artistique, même si des fois tu lui demandes son avis. Il est là pour faire le son, et s’il a compris quel était son rôle et quelle était la musique, il va te faire ça bien. Et c’est ce qui s’est passé quand on a bossé avec l’équipe du Gueulard Plus ; on a rencontré des gens qui ont compris ce qu’on faisait, qui avaient envie de bosser avec nous et avec qui on avait envie de bosser aussi. Ça a collé autant artistiquement que humainement, donc on s’est dit que ça ne servait à rien de chercher plus loin.
> Vous avez un label ?
Vincent : Non, on est totalement auto-produits. Je ne pense pas qu’on ait besoin de ça aujourd’hui car on a centralisé toutes les parties ; que ce soit l’image, la technique, etc. Tout ce qui nous manque réellement c’est un éditeur pour la diffusion des morceaux et un tourneur. Mais un label, selon ma vision, il travaille sur l’image du groupe, et on n’a pas forcément besoin de ça… Après, si on a des propositions, on les étudiera.
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> Être auto-produit ça offre beaucoup plus de libertés, mais ce n’est pas compliqué parfois d’arriver à se cadrer soi-même ?
Vincent : C’est pour ça qu’on s’entoure de personnes en qui on peut avoir confiance. Notre job aujourd’hui, c’est de créer de la musique, monter un live, et tout le reste on fait confiance à des gens à qui on ne met pas de barrières. On n’est pas obligés de tout contrôler.
Adrien : Enfin, t’es quand même obligé d’être un peu un community manager.
Martin : Le fait d’être libres, ça nous responsabilise aussi. Il n’y a pas de question de relâchement ; chacun est attaché au projet et veut avoir son importance dans le truc. Du coup, tout le monde se donne comme il faut.
Adrien : Et chacun a des compétences complémentaires. Par exemple, Martin a fait les mixages et le mastering de l’EP car il est super bon là-dedans. Vincent est plus axé sur le démarchage et la construction du réseau, il a bossé là-dedans pendant pas mal de temps. Et moi je suis là…bah en fait je ne sais pas à quoi je sers ! (rire)
Vincent : Tu es juriste, ça peut toujours servir ! (rire)
Adrien : En fait, on est obligés d’être multitâches mais l’avantage, comme disait Vincent, c’est qu’on s’est entourés de personnes compétentes, ce qui fait qu’on n’est pas obligés d’être seuls de A à Z. Et ça, c’est agréable parce que, par exemple, si tu nous donnes un appareil photo et nous demandes de faire une pochette d’EP, ça sera dégueulasse car on ne sait pas faire.
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> Est-ce que vous commencez déjà à réfléchir à ce qui va se passer après l’EP, ou vous êtes plutôt à vivre au jour le jour ?
Vincent : On se pose quelques questions. On a l’intention que l’EP serve à débloquer de la date. Actuellement, le but est de jouer un maximum. Aujourd’hui on a la chance d’avoir des programmations dans de beaux festivals sans même que le disque ne soit sorti comme le Printemps de Bourges, le Jardin du Michel en juin, Musiques et Terrasses en juillet, etc. Donc le but, c’est que quand l’EP et le clip seront là, ça nous fasse une identité d’autant plus forte pour pouvoir multiplier les concerts. Car au final, c’est comme ça que tu avances, que tu fais grandir ton réseau et que tu te fais connaître.
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> Et puis, votre musique c’est vraiment quelque chose qui s’écoute en live pour pouvoir ressentir toute l’énergie.
Martin : Oui, c’est ça le délire avec ce type de musique ; le kiff tu te le prends vraiment en live, et c’est pareil pour le public. J’écoute beaucoup de musiques un peu plus produites et en live il y a moins d’énergie alors que là, il y a un truc qui se passe sur scène.
Adrien : En fait, on l’a construit comme ça Bambou ; comme un projet de live avant tout.
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> Du coup, quand vous composez vos morceaux, vous réfléchissez d’abord à la scène ?
Vincent : On les compose en répétition parce qu’on veut pouvoir les jouer tout de suite. C’est-à-dire qu’on ne va pas se mettre devant un ordinateur, produire une super chanson, et ensuite se demander comment on va la jouer à trois sur scène. On fait le chemin inverse ; on compose une chanson à trois en répétition et ensuite on va la sublimer en lui rajoutant des instruments.
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> Et pour le moment, quelle a été votre meilleure date ?
Adrien : Aujourd’hui au Printemps de Bourges, c’était vraiment pas mal. Sinon, le tremplin des iNOUïS était super aussi.
Vincent : Il y avait salle comble et un public très répondant. Et une date que tu kiffes, c’est vraiment une date où le public est ultra chaud.
Martin : Ce soir, ce qu’on a préféré, c’était le groupe des licornes dans le public. Ils étaient bien chauds avec leurs déguisements !
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> Et à l’inverse, votre pire date ?
Adrien : C’était surtout une grosse couille technique ! On a fait une date avec énormément de monde vers minuit. On monte sur scène, on balance le premier morceau et ça a tellement chauffé les gens qui étaient devant qu’ils se sont mis à balancer leurs bières partout. Sauf qu’il y en a une qui est arrivée sur la ligne électrique qui alimentait toute la scène, donc on s’est retrouvés sans son pendant vingt bonnes minutes. J’ai dû faire un solo de batterie pendant ce temps là, je pense que les gens n’en pouvaient plus ! (rire) Et après, on a repris le live et c’était très rock’n’roll.
Vincent : En plus quand tu reprends, toute la table a été réinitialisée donc tu n’as plus aucuns réglages ; ça veut dire que toutes les balances que tu avais faites avant ne servent à rien. Mais on a kiffé, faut dire aussi qu’on était complètement bourrés ! (rire)
Adrien : De toute façon la date avait mal commencé car on avait dû aller chercher la voiture à la fourrière. C’était une super aventure. Et puis, l’ambiance n’est pas retombée ; au contraire les gens étaient encore plus chauds quand on a repris parce qu’ils étaient frustrés. Et comme on a l’habitude de la scène parce qu’on a eu des groupes avant qui avaient pas mal tournés, surtout ceux de Martin et Vincent, on a des réflexes.
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> Maintenant, vous n’avez plus ces projets respectifs ?
Vincent : Martin continue encore avec le groupe Portland. Mais nous non ; moi j’étais dans Backstage Rodeo et Adrien dans Cold Gravity. Mais nos projets se sont arrêtés comme ça, parce que les chemins se sont séparés.
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Merci à Bambou de nous avoir accordé un peu de temps !
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www.facebook.com/bamboutheband
Photos © Julian Benini