Le 23 février dernier, c’est dans l’ambiance chaleureuse des locaux d’Ephélide que nous avons revu Carré-Court. Deux ans après notre rencontre lors du Printemps de Bourges, beaucoup de choses ont évolué pour Julie et Emilien. L’occasion pour nous d’en apprendre davantage sur leurs projets, leurs envies et leur vision de la musique.
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→ Bonjour ! Nous nous étions vus lors du Printemps de Bourges 2015. Que s’est-il passé depuis ?
Emilien : On a enchaîné les concerts en région, notamment dans le Limousin, et à Paris où on a fait de belles salles. Maintenant on se concentre sur l’album, et le 14 avril prochain notre EP sera réédité.
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→ Pourquoi avoir décidé de le rééditer ?
E : A part sur notre région où il y a eu une release party et où les radios nous ont un peu diffusés, il n’y a pas eu assez de promotion pour accompagner cette première version. Du coup on le ressort en avril avec un morceau supplémentaire en live enregistré mardi en studio.
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→ Des studios assez mythiques d’ailleurs puisqu’il s’agit des Studios Ferber. Est-ce que le fait que ces studios ont accueilli de grands noms de la scène musicale s’est ressenti lors de l’enregistrement ?
E : C’est sûr que ça fait quelque chose de savoir que beaucoup d’artistes qu’on aime sont passés là-bas.
Julie : Mais il ne faut pas trop y penser parce qu’on stresse après ! (rires) Ce qui compte surtout ce sont les personnes qui nous entourent ; les techniciens étaient très gentils. L’inverse n’aurait pas été pareil.
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→ Et pour le moment, vous en êtes où au niveau de l’album ?
E : Une bonne partie de nos morceaux sont déjà prêts mais on va en écrire d’autres pour pouvoir choisir les « meilleurs ». On réfléchit également à la personne avec qui on va le faire.
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→ Comment faites-vous le choix des morceaux à garder pour l’album ?
J : On fait déjà le choix entre nous. Emilien essaye de faire plusieurs versions de chaque morceau afin de pouvoir comparer, mais souvent on revient à la version initiale. On réarrange même les anciens morceaux pour les ré-apprécier. En fait, on se met un peu la pression, mais on tient à ce que chaque morceau ait véritablement sa place sur l’album et ne soit pas juste là pour combler un vide, quitte à faire un album plus petit.
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→ Vous prévoyez une sortie vinyle ?
J : On n’a pas pu le faire sur l’EP mais on adorerait car c’est notre culture !
E : Le problème est que ça revient à la mode mais les boîtes qui en pressent sont assez rares, du coup ça prend du temps, c’est cher, et la qualité n’est pas forcément partout…
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→ De plus en plus d’artistes passent désormais par le financement participatif, notamment pour pouvoir presser des vinyles. Vous pensez y avoir recours pour l’album ?
E : Je ne pense pas car on est maintenant avec le label Hoozlab donc c’est eux qui prennent en charge la partie production et ils sont également à la recherche de possibles coproducteurs.
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→ Il me semble que vous n’étiez pas encore sous ce label lorsque l’on s’était vus en 2015 ? A cette époque vous n’aviez sorti qu’un CD promotionnel.
E : Effectivement. Ils nous avaient repérés en 2014 suite à une vidéo postée sur Internet avec seulement 150 vues. On est alors montés à Paris pour les rencontrer et prendre le temps de les connaître un petit peu, et on a signé juste après le Printemps de Bourges.
J : Mais Bourges a été un peu compliqué pour nous car beaucoup de groupes étaient déjà dans cette démarche d’écriture d’album ou avaient un support, et nous on arrivait avec notre petit CD fait à l’arrache.
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→ Mais est-ce que malgré ça vous avez l’impression que le Printemps de Bourges vous a aidés ? Parce que vous étiez programmés via les iNOUïS qui est un tremplin que beaucoup considèrent comme extrêmement bénéfique.
J : Ça aide les groupes des iNOUïS qui sortent « vainqueurs », sachant qu’ils sont généralement déjà sous les feux des projecteurs avant le festival. Pour eux c’est un réel tremplin, mais pour les autres je ne pense pas, même si ça permet quand même à des gérants de salle de nous laisser leurs contacts.
E : Et puis, il y a tellement d’iNOUïS, c’est l’usine… Mais le problème vient peut-être de nous aussi ; on aurait peut-être dû aller chercher les gens et distribuer nos disques. Mais ce n’est pas trop notre façon de faire.
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→ Il me semble que durant ce Printemps de Bourges, vous avez quand même été repérés par Mathias Malzieu (Dionysos).
E : Oui, c’était le président du jury des iNOUïS. A la fin il y avait une conférence avec tous les journalistes pour l’annonce des deux vainqueurs, Radio Elvis et Last Train. Et Mathias Malzieu avait fait un petit clin d’œil à notre concert en disant que c’était très bien.
J : C’était les félicitations du jury, un peu comme dans un conseil de classe ! (rires)
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→ C’est vrai que votre concert était vraiment sympa. Et plutôt osé d’ailleurs, car c’était très acoustique alors que la « mode » en ce moment est plutôt aux gros arrangements électroniques…
J : Ça nous a fait bizarre quand on est arrivés car on a vu tous les autres groupes se préparer avec des boîtes à rythme et des orchestrations de dingue. Et nous, on avait juste un tambourin et une guitare.
E : Ce qu’on trouve intéressant c’est d’essayer de faire évoluer constamment la formation, mais tout en restant un duo car cette formule marche bien ; on peut bouger facilement, c’est moins cher et c’est plus simple à mettre en place pour les programmateurs et les salles. Si jamais on devait prendre des musiciens plus tard, il faudrait vraiment que ça soit des personnes avec lesquelles il se passe quelque chose humainement. Maintenant on a un peu plus d’instruments sur scène, comme une grosse caisse et une caisse claire. Par contre, on ne veut pas de sampler pour ne pas perdre le côté brut des choses ; il faut que les gens qui viennent comprennent ce qui se joue devant eux.
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→ Est-ce que vous avez l’impression que, quand on est un duo comme le votre avec ce côté acoustique, et donc un peu en dehors de tout ce qui est aujourd’hui considéré comme « à la mode », c’est plus difficile de gagner en reconnaissance ?
J : On s’est déjà posé la question car certains se forcent à faire un truc qu’ils n’ont pas l’habitude de faire juste pour obtenir un chèque, et avoir ensuite les moyens de réaliser ce qu’ils veulent indépendamment. Mais nous, on serait incapables d’assumer quelque chose qu’on n’aime pas. Si notre musique plaît à un certain public, tant mieux, et si ça ne plaît pas, tant pis.
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→ D’autant plus que le fait de ne pas se poser de contraintes par rapport à ce qui économiquement fonctionne le mieux, ça doit vous laisser plus de libertés.
E : Oui !Quand on a lancé Carré-Court, on ne pensait pas faire un groupe ; c’était juste pour refaire de la musique ensemble. On s’est fait découvrir des musiques qu’on écoutait chacun de notre côté et à chaque fois, il s’est avéré que c’était des musiques de la période sixties. Du coup ça s’est imposé à nous naturellement.
J : Après, des questions de mode je m’en suis posées pendant un temps en me disant qu’on passait un peu à côté de cette mode du « faux vintage » moitié sixties, moitié électro.
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→ Vous aimeriez bien vivre dans les sixties ?
J : Oui ! Les années 50/60 étaient folles ! Mais pour l’esthétisme, pas pour la condition de la femme.
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→ Même au niveau de la musique, ça sonnait plus « vrai ».
J : Oui, c’était l’émotion qui comptait et ça passait par de vrais instruments, non par l’électronique. Tu faisais deux prises seulement, et même s’il y avait un petit truc d’imparfait, ce n’était pas grave car c’était ce qui faisait la différence. Alors que maintenant, on a tendance à tout lisser et mettre des instruments synthétiques parce que ça coûte moins cher, mais ça manque d’émotions.
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→ Cela se ressent aussi dans le rapport avec le public. Aujourd’hui les artistes utilisent beaucoup les réseaux sociaux pour échanger avec leurs fans, mais au final pendant les concerts il y a une sorte de barrière entre eux.
J : Oui. Nous ne sommes pas très réseaux sociaux ; ce qu’on aime c’est la scène, alors on voudrait vraiment avoir un tourneur. On a beau s’éclater à faire des musiques dans notre chambre, cela ne sert à rien s’il n’y a pas de public. Et le peu de public qu’on a, ce sont des gens qui sont venus nous voir en concert.
E : Après on est conscients, et c’est bête à dire, qu’aujourd’hui c’est par les réseaux que tout commence. Donc on met une photo de temps en temps pour que les gens soient un peu au courant, mais c’est tout.
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→ Certains artistes aiment faire appel à leurs fans pour des tournages de clips ou des enregistrements. Vous qui aimez les vrais contacts avec votre public, est-ce que c’est quelque chose que vous souhaiteriez faire un jour ?
E : Oui bien sûr, c’est une démarche très intéressante. Être proche du public est super important.
J : C’est comme certains groupes qui font des répétitions ouvertes, c’est très sympa, mais je ne sais pas si ça se prête à notre configuration.
→ Pour en revenir à votre EP sorti en octobre dernier, vous l’avez réalisé avec David Hadjadj et Jérôme Pérez. Comment les avez-vous rencontrés et comment s’est passé le travail avec eux ?
E : On les a rencontrés par notre manager de l’époque. Ce sont d’excellents musiciens et des personnes assez complémentaires ; David est très perfectionniste et a une formation classique et technique, et Jérôme est plus rock’n’roll. L’EP s’est fait sur une semaine. On a tout empilé ; j’ai commencé par les batteries, les basses et les guitares, puis David a enregistré les cuivres et les cordes. Mais ce n’était pas évident non plus car c’était la première fois qu’on allait enregistrer un disque tous les deux, et en plus à Paris.
J : On n’avait pas encore de couleurs bien définies. C’est pour cela que sur l’album on veut vraiment se concentrer pour trouver une sonorité bien particulière. On voudrait travailler avec d’autres personnes aussi pour tester de nouvelles choses. Je pense qu’il faut en passer par là pour se retrouver de toute façon.
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→ D’ailleurs, est-ce que c’est David qui a eu l’idée d’apporter la petite touche jazzy sur certains titres ou c’est quelque chose que vous aviez pensé faire ?
E : Non, il n’a pratiquement rien touché. Par exemple, Baby you don’t mind était déjà assez swing. Ils se sont vraiment axés sur le son et les arrangements, sans changer les structures de nos morceaux.
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→ Cela ne doit pas être évident de travailler avec d’autres personnes, car il faut quand même réussir à leur faire confiance.
E : Oui, pour nous ça a été très compliqué et je pense qu’ils l’ont senti aussi ! (rires) Ce n’est pas évident de faire confiance. Peut-être que ça aurait été différent si on les avait rencontrés un peu plus en amont pour discuter. Par exemple faire une petite soirée, écouter des vinyles et parler de ce qu’on aime musicalement. Ça peut sembler un peu bête mais c’est ce qui permet d’installer un petit climat.
J : On a eu pas mal de blocages car plusieurs fois on a entendu que ce qu’on fait n’est pas assez « moderne ». Mais si pour être modernes il faut faire tout ce qui passe à la télé, on n’est pas d’accord. Du coup, on était sur la défensive. On s’est toujours dit qu’on ferait ce qu’on aime, alors c’est compliqué de passer du côté financier car on comprend que pour que les choses soient vendues et rapportent gros, il faut qu’elles soient d’une certaine façon…
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→ Mais c’est fou de voir que, malheureusement, certains artistes sont prêts à complètement modifier leur musique pour vendre.
J : Totalement, et nous on n’a pas envie de perdre notre authenticité. On aurait aimé réaliser ce premier disque seuls parce que c’est bien quand tu entends la vraie essence d’un groupe, et ce même si les prises ne sont pas parfaites. C’est ce qui crée le charme. Mais il y a ce petit côté qu’ont les radios et télés françaises de ne vouloir passer que des trucs hypers propres, sauf les radios indépendantes qui se tournent plus vers le DIY.
E : Mais bon, c’est une question de moyens aussi. Il faut avoir un minimum de matériels pour pouvoir faire quelque chose qui tienne la route. Et pour l’instant on ne l’a pas. Mais si un jour on en a l’occasion, on foncera. Par exemple Mac DeMarco fait tout, tout seul et ça sonne très bien.
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→ Mais qui dit matériel, dit argent… Vous bossez en dehors du groupe ?
J : Je fais les ménages, comme ça je garde mon appartement et j’ai du temps libre pour répéter.
E : Et moi je donne des cours de guitare dans un centre culturel à Limoges. Ce qui me permet de rester dans le domaine de la musique tout en gardant du temps pour les répétitions.
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→ Est-ce que ça arrive que l’un de tes élèves fasse quelque chose en cours qui te donne des idées pour composer ?
E : Oui et c’est ça qui est super. Parfois je vais leur apprendre un morceau, il y en a un qui va se tromper d’accord et je vais trouver ça pas mal. C’est très inspirant, même si parfois ce ne sont que deux notes que je vais retenir. J’ai aussi une élève axée composition que je pousse à avancer, et ça me motive et m’inspire en même temps.
J : En fait, tu piques les idées de tes élèves ! (rires)
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→ Par contre je ne pense pas que les ménages soient aussi inspirants pour la musique…
J : Ah non, alors là pas du tout ! (rires) Bien que, quand je fais du ménage, je pense musique. Mais ce qui est génial quand tu fais un boulot dans lequel tu ne t’épanouis pas, c’est que du coup tu es méga motivée à faire ce te plaît. Je n’ai jamais eu honte de dire que je fais du ménage ; ça permet d’apprécier les bons moments à côté. Par exemple, monter à Paris me paraît vraiment fou en comparaison.
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→ En dehors de vos boulots respectifs, est-ce que vous cherchez aussi l’inspiration à l’extérieur, en allant à des concerts, des expositions ?
E : Bizarrement non, à part les trucs que j’aime beaucoup et les concerts qu’on voit ensemble.
J : Moi j’ai un copain qui est à fond dans les petits concerts, du coup je l’accompagne. Puis comme généralement à Limoges il y a pas mal de petits concerts gratuits, ça me permet de sortir le dimanche soir.
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→ Ça bouge beaucoup Limoges ?
J : C’est compliqué. En fait, il y a beaucoup de groupes à Limoges et de styles très variés, ce qui est agréable, mais très peu de salles. Et peut-être que les gens n’ont pas non plus envie de sortir.
E : Moi je trouve quand même que ça bouge bien. Quand tu prends l’historique de tous ceux qui sont passés à Limoges tu te dis que, pour la ville que c’est, c’est quand même bien fourni. Alors certes, ce ne sont pas les groupes les plus connus, mais si tu cherches bien, il y a toujours des trucs à faire. Un festival s’est monté l’année dernière, le Lost In Limoges, qui avait accueilli Iggy Pop et qui cette année a invité Pete Doherty. On a aussi Le Phare, un nouveau lieu dans l’événementiel et le coworking où il y a parfois des concerts, et avant il y avait La Fourmi qui a fermé depuis mais qui était une bonne référence en bord de Vienne.
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→ Il y a pas mal de petits cafés concerts qui ferment en ce moment…
J : Oui, c’est un peu triste… Le problème des salles de concert, c’est qu’elles se font assommer de charges dès qu’elles doivent déclarer un groupe et prendre des assurances car aujourd’hui tu ne peux rien organiser si tu n’es pas méga assuré. Ça aussi, ça change des années 60 ! Tout est bon pour reverser de l’argent à l’État. Mais la chance qu’on a à Limoges, c’est qu’il y a beaucoup d’associations et de bénévoles qui se bougent pour des radios ou des organisations d’événements.
E : En fait, c’est peut-être l’information qui est mal diffusée.
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→ C’est vrai qu’on entend peu parler de Limoges… Tout ce qu’on entend, c’est plus sur Paris, Marseille, Lyon, etc.
J : Oui bien sûr, les grosses villes. Mais le problème est aussi là au sein de Limoges ; si la mairie faisait des agendas culturels à mettre dans les boîtes aux lettres une fois par mois, ça serait beaucoup plus simple. Là, chacun se fait sa communication, distribue ses flyers et au final c’est trop compliqué de s’y retrouver.
E : Mais ce qui est cool, c’est que tu peux chopper énormément de groupes car Limoges est au centre de la France. Du coup, beaucoup y font des petites haltes pour monter ou descendre ; que ce soit des gros groupes comme Muse, ou des plus petits qui jouent dans un bar pour 100 balles pour se payer l’essence.
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→ C’est drôle parce qu’à entendre comme ça, j’ai presque l’impression que musicalement ça bouge plus qu’à Paris où il n’y a pas tant de choses que ça pour une capitale.
J : On en parlait justement hier avec notre attachée de presse et elle nous disait que sur Paris, il y avait pas mal de trucs payants. Alors que nous ce sont des concerts à 5 euros, voire même gratuits. Et c’est sympa de te dire que tu vas à un concert sans te poser de questions parce que c’est gratos, et après tu aimes ou tu n’aimes pas. Et puis, tu es vraiment face aux artistes, il y a de la proximité.
E : Dans le genre à Limoges, il y avait le Woodstock (Boogie Bar) qui aujourd’hui a fermé, mais qui était vraiment super. C’était bien rock’n’roll, avec des groupes supers qui pour la plupart ont décollé après comme Little Barrie ou Herman Düne. C’est dommage que ce genre de pratiques ne soient pas aussi répandu à Paris car c’est important. Mais c’est aussi ça la force des petites villes ; le fait d’avoir plein de trucs qui émergent car il y a tellement rien à faire que tu es bien obligé de sortir pour t’amuser.
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→ Au final, ça vous aide peut-être plus d’être sur Limoges que si vous aviez été sur Paris.
J : Oui. C’est souvent que les gens nous demandent quand est-ce qu’on va s’installer à Paris, mais on n’a pas envie. Ce n’est pas pour critiquer Paris, mais Limoges c’est chez nous et il y a notre famille ce qui est très important pour nous deux.
E : Et puis, c’est tout bête mais je ne vois pas pourquoi on viendrait à Paris dans un 8 m² qu’on va payer 1000 euros par mois. Et puis on n’est pas loin de la montagne et de la mer, on est à dix minutes de la vraie campagne et si on veut, on est à Paris en trois ou quatre heures de transports.
J : Et pour peu qu’on ait le TGV un jour ! (rires)
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→ C’est quand même dommage qu’on entende si peu parler de groupes qui viennent de Limoges.
J : Le problème c’est qu’il y en a qui ne communiquent pas là-dessus. Ce n’est pas qu’ils ont honte mais leur boîte de production ne met pas ça en avant car ce n’est pas très vendeur.
E : Oui c’est peut-être le seul truc qui manque à Limoges ; cette petite aide pour pousser les jeunes groupes. Mais il y a quand même des groupes qui sont sortis comme 7 Weeks qui font du stoner. Ils sont là depuis plus de dix ans, ils ont tourné partout et ont même joué au Hellfest, ce qui n’est pas rien. Et pourtant on n’en entend presque pas parler. On trouve beaucoup de bonnes choses à Limoges, certains groupes tournent même à l’étranger comment en Italie, Espagne, Angleterre ou aux Etats-Unis et au Japon.
J : En fait, il y a plein d’artistes, mais ce sont toujours des trucs de niche car à Limoges, il y a une culture du rock’n’roll un peu garage. Du coup, c’est moins grand public que des villes très axées sur l’électro comme Marseille.
→ Est-ce qu’il y a un endroit où vous rêveriez de jouer ?
J : A partir du moment où tu me files un bar, que l’équipe est cool et que les gens sont là pour écouter de la musique, ça me va. Parce qu’il y a aussi des fois où tu te retrouves à jouer dans des restaurants où les gens sont là pour manger et ne font pas gaffe à toi.
E : Oui mais mine de rien, c’est hyper formateur de jouer dans des endroits où tu fais le décor !
J : Sinon, jouer en Angleterre serait vraiment cool pour nous qui adorons la pop et le rock’n’roll.
E : Mais c’est compliqué de jouer là-bas car ils ont vraiment tout ce qu’il faut. Avant il faut déjà bien tourner en France pour se préparer. On a encore énormément de progrès à faire ; roder le set, travailler la scénographie, etc.
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→ Qu’est-ce que vous aimeriez faire évoluer dans vos concerts ?
E : On a toujours des idées. Un jour on aimerait avoir un batteur et un bassiste.
J : Et des décors. Après on parle de grossir mais parfois on se dit que ça serait peut-être bien de continuer à tourner avec quelques chansons plus pures. A un moment, il faut savoir ne pas trop en faire. C’est pareil pour les décors ; on a toujours plein d’idées même si pour le moment c’est vraiment que de la récupération, mais ce qui est primordial c’est que les gens qui viennent nous voir soient contents. On n’est pas des showmen, on ne veut pas perdre notre sincérité ; les trucs à l’américaine ne nous font pas rêver.
E : On est que deux sur scène et je pense que les gens qui viennent voient qu’on essaye de ne pas tricher et qu’ils aiment ça.
J : De toute façon, tu as toujours des gens qui t’aiment bien et d’autres qui se foutent de ta gueule. Au moins, on ne peut pas dire qu’on ne s’investit pas.
E : Oui, on essaye toujours d’être à fond à 100%, de ne pas faire de la folk pour garder une énergie rock’n’roll, même si des fois ce n’est pas évident car ça demande beaucoup de concentration.
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→ Oui, et du coup rajouter d’autres musiciens serait aussi perdre ce côté intimiste, cette relation que vous avez avec votre public.
J : Oui, on s’est toujours dit qu’on resterait un duo et que si des musiciens nous accompagnent ça serait uniquement sur scène. Et puis pour garder un côté « charmant », il faut que ça soit des musiciens avec lesquels on s’entende bien, qu’il y ait un échange et que ce ne soit pas juste des mecs plantés derrière avec lesquels on ne peut pas se marrer. Quitte à prendre quelqu’un d’un peu moins bon.
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→ Et quand vous parlez de rajouter des décors, ça serait quoi par exemple ?
E : On a plein d’idées mais on manque de moyens pour le moment. Par exemple, on aime bien les scènes à la Beatles avec un socle rond pour le batteur.
J : Ou les grosses tentures en velours, les lumières un peu vintage et les morceaux de plexiglas dans les tons orangés. En fait, on pensait aussi pendre Emilien au plafond avec un slip et une chaîne pour qu’il descende, mais on n’a pas encore trouvé de poulie dans les salles. (rires)
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→ Vous avez également un visuel très vintage. Vous pensez que c’est important aujourd’hui pour un groupe d’avoir tout un travail sur l’image derrière la musique ?
J : Disons qu’en tant que musiciens on s’en moque, mais ce n’est sûrement pas le cas des producteurs ou des personnes dans le marketing. On nous demande souvent si sur les photos on est déguisés mais les tenues qu’on a sont celles qui nous plaisent et qu’on porte tous les jours. J’aime la musique des années 60 et j’aime les vêtements des années 60, alors tant mieux. Mais il faut faire gaffe parce que maintenant c’est la mode de faire comme si tu n’avais pas de style alors que tout est calculé, comme les hipsters, et ça devient compliqué !
E : En fait, je trouve ça même classe quand un groupe n’a pas de style. Nirvana quand ils sont arrivés, rien n’était calculé et ça a marché car ce qui compte c’est la musique. Et Freddie Mercury avec ses grandes dents, quand il envoyait sa musique, ça faisait frissonner.
J : Oui, et pourtant il avait sa combinaison décolletée avec les poils dehors ! (rires)
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→ En parlant visuel, comment s’est déroulée la réalisation du clip I don’t care ?
E : On l’a fait avec Simon Lelouch durant deux jours au Ciné 13. On a pris le train et, quand on est arrivés, toute l’équipe était déjà là. On était un petit peu sur la retenue comme pour l’EP parce que c’était notre premier clip et qu’on nous demandait des choses qu’on n’avait pas l’habitude de faire. Mais quand la personne sait ce qu’elle veut et qu’elle te guide, ça devient plus facile.
J : En fait, ce qui nous a fait bizarre, c’est qu’on ne s’attendait pas à tomber sur une équipe de dix dont certains qui me poudraient entre chaque prise et d’autres qui nous disaient de faire telle ou telle chose. Emilien est beau gosse dans les clips, mais moi je suis un peu engoncée ! (rires) Mais sinon, c’était énorme comme expérience et vraiment très enrichissant. Simon est un gars super et détendant et, rien que de regarder les techniciens bosser, c’était cool.
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→ Vous aviez discuté un peu en amont avec Simon Lelouch pour échanger des idées ?
E : Non, pas spécialement. C’est un gars de notre boîte de production qui nous l’a présenté. On a échangé rapidement et le jour-même quand on est arrivés, il nous a montré les références de ce qu’il voulait faire et ça nous a tout de suite parlé.
J : Le résultat nous plaît, on n’est pas déçus mais ce n’est pas non plus complètement ce qu’on imaginait.
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→ Il y a plein de groupes maintenant qui n’aiment pas faire appel à une équipe et qui font leur clip eux-mêmes.
E : On adorerait ça mais finalement, avec le temps, on se rend compte que c’est quand même un métier qui ne s’improvise pas. On peut le faire et sur l’instant on va se dire que c’est super, mais en fait ça sera très cheap. Nous on fait de la musique, et pour les vidéos il y a des réalisateurs ; je pense qu’il faut aussi savoir rester dans son domaine.
J : Oui, car cela demande toujours beaucoup de travail, même si parfois dans les vidéos d’aujourd’hui en super 8 on a l’impression que tout est fait rapidement. Par contre, ça ne nous empêche pas d’avoir des préférences en image et autre. Par exemple, ça me gonfle de voir cette mode avec que des images très nettes et des couleurs un peu pastelles.
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→ Vous aviez fait une vidéo avec des images en super 8.
E : Oui, on avait proposé à des potes de Limoges qui nous ont dit oui directement et on a fait ça sur une journée avec notre voiture. C’était super, on est contents du résultat. Mais en ce moment, ce genre d’images revient pas mal à la mode depuis que Lana Del Rey a relancé ça.
J : Maintenant, on verra bien ce qu’on pourra faire par la suite !
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Merci à Julie et Emilien pour leur gentillesse et le temps qu’ils nous ont consacré !
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Photos © Fabrice Leseigneur / Alexandre Guidoux
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