Les Songes de Léo est un merveilleux conte musical écrit par Morgane Imbeaud (voix de Cocoon) et illustré par Chabouté, avec la collaboration de Jean-Louis Murat. Nous avons échangé avec l’artiste, sur la naissance du projet, son but et la suite à venir… Une belle discussion, pleine de sincérité, de rires et de douceur. Et pour découvrir cette petite pépite artistique, rendez-vous le 10 février à l’Alhambra, à Paris ! Et petit conseil : un billet pour le spectacle pourrait faire des heureux à Noël…
.
> D’où est venue l’idée du projet Les Songes de Léo ?
Je ne l’ai pas fait exprès. J’ai toujours aimé la musique à l’image. Je rêvais de faire des musiques de film quand j’étais plus jeune, avant de faire des chansons, avant Cocoon. Et du coup, j’ai commencé chez moi, il y a deux ans, à faire des gammes de piano et après j’ai fait des petites vidéos, avec mon appareil photo. Je commençais à mettre quelques images dessus. Et ce que je voulais recréer surtout, c’était des ambiances. Je suis très attachée aux émotions, et parfois je manque de mots pour exprimer vraiment ce que je ressens, du coup j’ai essayé de mettre en musique. C’est aussi pour ça, à la base, que je fais de la musique, parce que je n’avais pas les mots exacts pour décrire la vraie sensation que j’avais donc je voulais les retranscrire en musique. Et les images m’aidaient aussi à recréer cette ambiance-là. Donc j’ai commencé à en faire un, puis deux, puis trois… Ensuite j’ai intégré quelques chansons que j’avais écrites depuis un petit moment et après j’ai repris mes notes, parce que tous les soirs je faisais des petites notes pour décrire l’ambiance que je voulais créer, l’émotion que je voulais transmettre. Donc j’ai repris toutes ces notes et je me suis rendue compte que ça faisait un bon bout, donc du coup je me suis dit que ça pouvait être intéressant, au lieu d’écrire à la première personne, de mettre le « je », que ça puisse toucher personne, je me suis dis que j’aimerais bien en faire une histoire parce que cette émotion-là je sens qu’elle peut toucher tout le monde. Et je suis partie sur le personnage de Léo, c’est un homme-chat parce que, tout bêtement, j’ai un chat et que ça s’arrête-là (rire). Et après je voulais qu’il ait un défaut pour qu’on puisse s’attacher à lui et donc son petit défaut, c’est l’oreille manquante, une idée qui doit venir du fait que je sois musicienne. Et après j’ai écrit et composé pendant quatre mois à peu près. C’est comme ça qu’est nait l’histoire, la première version, entre septembre et décembre 2013.
.
> Comment s’est déroulé le travail de réalisation entre septembre et décembre ?
J’étais toute seule chez moi. C’était une période où j’avais beaucoup de temps et je pouvais faire que ça. Au début j’avais un peu peur, parce qu’on n’était plus en tournée. Déjà on était en pause avec Cocoon depuis deux ans. C’était une période où j’avais fait aussi d’autres projets, que j’avais laissé un peu de côté pour des raisons de planning, donc c’était une période où mon copain était en tournée lui aussi donc j’étais vraiment seule et je ne savais pas trop comment occuper mon temps donc je me suis dis « faire des chansons, c’est bien », mais je ne voulais pas faire un album de chansons qui se succèdent, sans aucun lien entre elles. Je me suis dis qu’il y avait plein de nanas qui chantaient, qui jouaient plein de chansons en français mais moi vu que j’aime bien les albums concept, essayer d’aller plus loin, c’était un peu défi, et j’ai voulu me lancer mais je ne savais pas du tout où j’allais. J’ai juste créé une histoire, je savais à peu près dans ma tête ce que je voulais, comment j’imaginais le projet. Au début je ne le pensais que sur scène, je ne pensais pas forcément en faire un livre et l’album je ne savais pas comment le présenter, si on allait en faire un, un jour. J’ai réfléchis petit à petit. Et après décembre, j’en ai parlé à plein d’amis autour de moi, dont un qui s’appelle Alexis Magand, qui m’a aidé à me canaliser au niveau de cette histoire, vu que je voulais la présenter d’abord sur scène, je ne voulais pas faire un concert classique, comme je savais faire. Je me suis dis « tiens, on va peut-être essayer de le concevoir comme un spectacle ». Et c’est lui qui m’a amené le fait de pouvoir faire un dessin animé, de la vidéo d’animation et là, ça a tout décoincé.
.
> Comment s’est passée la collaboration avec Jean-Louis Murat ?
On se connaissait depuis un petit moment, on avait déjà travaillé ensemble en 2007 sur un projet qui s’appelait Charles et Léo. C’est un livre-CD d’ailleurs aussi. Puis j’ai aussi travaillé avec lui quand il m’a demandé de venir faire les chœurs pour son dernier album Babel, j’ai accepté et je me suis retrouvée à faire quelques dates avec lui et avec les Delano Orchestra et à force de le voir je me suis un peu décoincée dans ma timidité, et je lui ai dit « écoute, le problème c’est qu’il y a deux chansons en français que j’ai écrite moi-même, le reste en anglais, mais il y a une chanson que j’ai écrite en anglais, que je voulais faire en français ». Mais je n’arrivais plus à transformer, à chaque fois que j’écrivais en français ça n’allait pas, ça me changeait « l’âme » de la chanson. Donc je lui ai présenté les chansons et je lui dis « chaque chanson représente un chapitre de l’histoire et le but est de faire le résumé de ce chapitre-là » . Au final, ça reste assez abstrait parce que c’est volontairement pas très narratif mais c’était hyper intéressant parce que du coup il a su me toucher avec ses mots, là où je ne pensais pas, parce qu’il me connait bien, mieux que moi-même à une période et ça a été parfait. Il a vraiment su garder les sonorités que j’avais mises au début en anglais. Je me suis dit « comment les garder en français sans que ce soit moche, ou un peu ridicule », parce que j’avais un peu peur du ridicule mais avec Jean-Louis ça ne l’était pas du tout. Donc on s’est rencontrés comme ça, sur des dates où j’ai pu lui parler du projet.
.
> Et celle avec Chabouté ? Je sais que vous l’avez découvert à travers une autre de ses réalisations à lui… Il n’avait jamais travaillé avec quelqu’un, comment avez-vous réussi à le convaincre au final ?
Je me rappelle qu’au début quand j’étais toute seule, j’avais un peu peur, je ne savais pas comment le contacter. Autant dans la musique, quand on a des contacts de pro, qu’on aime bien un artiste, on arrive toujours à faire en sorte que la chanson, le texte… lui revienne aux oreilles, de faire en sorte que l’artiste puisse écouter, autant Chabouté, je me suis dis que je n’avais aucun contact et dans la BD encore moins, donc j’ai été un peu embêté et j’y suis allée complètement au culot, par Facebook. C’est le seul moyen. Et je crois qu’il avait créé son Facebook depuis pas très longtemps donc c’était parfait pour moi et je lui avais présenté le projet, je lui avais fait un petit mail en essayant d’être la plus précise possible, là où je voulais aller, ce que je voulais faire, avec une première version de l’histoire mais je voulais le laisser un peu libre pour qu’il puisse vraiment s’imprégner de l’histoire pour faire les dessins. Je lui ai envoyé deux ou trois chansons et c’était vraiment les maquettes à la maison, donc le son n’était pas terrible et finalement ça lui a plu. Et il m’a avoué que ce qui lui avait plu c’était les chansons, hormis le texte parce que je ne voulais pas non plus que ce ne soit qu’un travail de commande, parce que j’aime bien travailler avec des gens pour qu’il y ait un échange. Du coup je crois que c’est par les chansons qu’il a bien aimé. Et en plus c’était une belle rencontre, au-delà du fait que j’étais trop contente de pouvoir l’avoir sur le projet, c’est qu’on s’est super bien entendu et que c’était une belle rencontre humaine aussi, donc j’étais vraiment très contente.
.
> Combien de temps a pris toute la réalisation de l’univers ?
L’album a été enregistré cet été, mais l’histoire, l’univers, exactement ce qu’on voulait, c’était pour les premières dates donc on a mis deux ans. Parce que les premières dates pour l’instant il n’y en a eu que deux à Clermont-Ferrand. Vu que je viens de Clermont, c’était plus simple. Elles ont été bien soutenues par la région, La Coopérative de Mai qui a fait un travail monumental et la comédie de Clermont, Et c’est à ce moment là que j’ai commencé à souffler et à me dire que c’est bon, on a réussi à faire ce qu’on voulait faire. Parce que même si on a quelque chose en tête on ne sait jamais vraiment à quoi ça va ressembler. Du coup oui, ça m’a pris deux ans. J’ai l’impression que c’est long, j’ai eu des moments où j’étais fatiguée, où j’en avais marre, normal, comme quand on fait un projet mais je me dis « finalement deux ans c’est plutôt chouette », parce qu’on a réussi à réunir toute une équipe, à faire un spectacle, un livre, un CD, donc je suis assez contente finalement. Je ne pensais pas qu’on y arriverait dans ce temps-là. On verra où va voyager Léo, le but est qu’il voyage un peu partout et le plus longtemps possible mais pour l’instant on a réussi à faire en sorte qu’il voit le jour.
.
> Les Songes de Léo, c’est de la musique, un livre, des dessins… comment se passe une représentation, une scène avec le projet ?
Sur scène, on va faire deux versions. La version comme on l’a imaginée, c’est le spectacle où on est cinq musiciens sur scène et on évolue entre deux tubes transparents, un devant, un derrière nous, avec des projections des dessins d’animaux qui sont découpées de façon à ce qu’on puisse créer un effet croisé dans lequel on voit les musiciens évoluer, pour raconter l’histoire de Léo. A la base on avait des questions de budget aussi et je me suis dis qu’on ne pouvait pas faire tout ce qu’on voulait, même si on a plein d’idées une fois que le cadre est défini, donc il fallait qu’on fasse suivant nos moyens… et on a réussi. Donc c’est vraiment deux vidéo-projecteurs avec deux tubes qui nous permettent de faire énormément de choses, de par les images toutes en noir et blanc.
> Quelle suite pour le projet ?
Ça va se faire en deux temps. Avec le spectacle complet, nos deux tubes, la formation complète, avec la vidéo, on est entre la musique actuelle et les scènes nationales, du coup on aura la grosse période de tournée des scènes nationales à partir de l’automne prochain mais en attendant on va quand même le faire tourner et aura quelques dates avec cette version complète et on aura quelques dates aussi pour aller dans des lieux qu’on aime bien, mais qui techniquement ne peuvent pas accueillir le projet, donc on va faire une version un peu plus light. On a fait le choix qu’il n’y ait pas de vidéo du tout, parce que sinon on pouvait tomber dans le ciné-concert et ce n’est pas du tout le but du projet, donc on sera les cinq musiciens sur scène et on va plutôt jouer avec des ombres chinoises.
.
> Vous chantez à la fois en anglais et en français pour le projet, pourquoi ?
A la base, ce n’était pas forcément un choix, je ne me suis plus posée de question. Je trouve qu’il y a des chansons qui, chantées en français ou chantées en anglais, sont complètement différentes. Même dans la façon de composer. Pour moi ce n’est pas du tout la même façon de composer quand je veux faire une chanson en français ou une en anglais. Il y a des chansons comme We Were, je l’ai faite en anglais parce que je la trouvais jolie comme ça et je pense qu’en français elle aurait perdu toute l’âme qu’elle devait avoir. Même au niveau de la voix, je n’ai pas exactement le même timbre quand je chante en français ou en anglais, vu que la voix est un instrument. Du coup j’ai arrêté de me poser des questions. Je n’ai pas trop réfléchis, je me suis un peu lâchée en me disant « celle là je la fais en français je sais, celle là à moitié.. »
.
> Êtes-vous satisfaite des premiers retours ?
Pour l’instant plutôt. Après les gens viennent rarement nous dire « mon dieu c’était nul j’ai détesté ». Mais pour l’instant tout se passe très bien, les gens sont plutôt étonnés du spectacle. On voulait essayer de faire quelque chose d’original, comme tout le monde. Et dans cette configuration-là, avec notre vidéo, avec le fait d’essayer de faire un effet croisé avec les tubes, je crois qu’on a plutôt réussi et les gens étaient vraiment plutôt étonnés de ça, ils ne s’attendaient pas à voir un spectacle comme ça. Du coup on verra, mais là je suis super contente. Pour l’instant je n’ai que de bons retours. Ça doit bien arriver qu’il y ait de mauvais retours, mais ce n’est pas grave. Je pense que ce projet-là est assez psychologique, je voulais parler de choses très banales au final, que tout le monde vit au moins une fois dans sa vie. Je voulais banaliser tout ça, parce qu’en 2015 je trouve ça étonnant que des gens se sentent aussi seul, que des gens aient encore peur de cette solitude. Du coup je voulais amener un peu ces choses-là, sans forcément penser à un rassemblement mais que les gens osent se parler un peu plus, se rassurent. Je pense qu’il y en a qui vont détester, d’autres qui ne vont pas être prêts aussi… Mais c’est pour ça qu’à travers l’histoire de Léo, je voulais mettre des métaphores, raconter une histoire pour que chacun puisse envie d’imaginer aussi ce qu’il veut.
.
> Vous parlez de Léo comme d’une thérapie, ce n’est pas difficile de mettre à plat son passé ? De se raconter ?
Pas du tout. Ce genre de thérapie je l’ai fait il y a très très longtemps. Quand j’étais adolescente j’avais déjà compris tout ça, sur moi-même. Quand j’étais plus jeune j’étais très angoissée, du coup c’est pour ça je me suis dis « maintenant que j’ai réussi à dépasser toutes ces peurs-là ça va », je me rend compte que j’ai toujours été la plus jeune de mes amis et là, en vieillissant, je trouve ça dommage et un peu triste qu’à 30, 40 ou 50 ans, on puisse ressentir encore ce genre de peur sans oser en parler, ou se découvrir angoissé et je suis contente de l’avoir « soigné » jeune parce que je me sens bien et que c’est bien (rire). Juste apprendre à se dire qu’on est pas les seuls, que ce n’est pas grave, que ce n’est pas quelque chose d’exceptionnel et que ça ne veut pas dire qu’on est pas normal, parce qu’on a un peu des codes de vie : faut se marier, avoir quelqu’un, acheter, avoir un chien et avoir des enfants… Alors peut-être, mais se dire que nos envies, même si elles paraissent un peu étranges parfois, elles ne sont pas anormales pour autant.
.
> Travaillez-vous sur d’autres projets ou vous consacrez-vous aux Songes de Léo ?
En fait, j’ai autre chose. Vu qu’avec Cocoon on est en pause depuis quatre ans et demi, moi j’ai fait plein de choses, parce que j’avais du temps. Il y a un autre projet qui s’appelle Un Orage, on est deux sur scène, je suis encore avec un garçon. Ça va être ma marque de fabrique finalement (rire). Le style est complètement différent, c’est plutôt de la pop-électro, on chante exclusivement en anglais, et c’est un choix pour le coup. On va sortir un EP en janvier, qu’on va vendre après les concerts comme on a un tourneur. Et je commence déjà à faire d’autres chansons, pour préparer autre chose. Mais je trouve ça bien, parce qu’avec Internet on peut faire plein de projets sans que l’un puisse manger l’autre et je trouve ça intéressant. Parce que pour Léo, je me dis « ça y est, j’ai pu « accoucher », maintenant le but c’est de le faire vivre » et du coup ça me laisse un peu plus de place dans ma tête pour recomposer d’autres chansons et préparer d’autres choses.
.
> On vous a découvert avec Cocoon, où en est le duo, pensez-vous le faire revivre ?
Je ne suis pas contre du tout. Du coup on verra quand on aura le temps l’un et l’autre, en même temps. Au début on a fait la pause, Marc à sorti son album l’année dernière, moi j’étais en plein dans Léo et je voulais absolument le sortir, aller jusqu’au bout. Donc pour l’instant, il ne se passe rien, mais rien n’est complètement exclu. On verra. C’est le temps qui nous le dira.
Merci à Morgane pour sa gentillesse !
Photo Morgane © Bastien Cherasse
Photo spectacle ©Jean-Louis Fernandez
www.facebook.com/listentomorgane